Fonds flexibles: la prudence reste de mise

Les fonds "value", une stratégie sur laquelle compter quand l'inflation se prolonge.. © iStock

Les fonds flexibles sortent d’un exercice difficile, marqué toutefois par quelques belles performances. Les meilleurs gestionnaires abordent la nouvelle année avec une prudence renouvelée, avec le risque d’une récession profonde pas toujours intégrée dans les attentes des marchés.

La hausse des taux obligataires, provoquée en grande partie par un contexte inflationniste non anticipé et non contrôlé par les banques centrales, a entraîné des performances très négatives pour l’ensemble des produits “taux”. Dans le même temps, les marchés boursiers ont commencé à intégrer un niveau plus élevé des rendements obligataires dans les valorisations.

Pour rappel, la valorisation des actions (en particulier celles de croissance) est impactée par la hausse des taux. Le calcul de la valeur actuelle d’une société nécessite un modèle simulant l’évolution des flux de trésorerie, et le niveau futur des taux obligataires. Plus le taux pris en considération sera élevé, moins le bénéfice réalisé à l’avenir aura de valeur aujourd’hui. Inversement, plus le taux d’intérêt pris en considération sera bas, plus les flux de trésorerie futurs auront de valeur élevée à l’instant présent. Le fort mouvement haussier des taux obligataires a donc eu un impact significatif sur la valorisation des actions, en particulier pour les actions de croissance sur lesquelles de nombreux fonds mixtes dynamiques étaient investis durant les cinq dernières années. Le tableau ci-dessous reprend la performance d’une sélection des meilleurs fonds mixtes flexibles, à la date du 23 décembre 2022.

Steven Andrew (M&G)
Steven Andrew (M&G)© PG

Bonne résistance

La performance moyenne des 12 produits s’est établie à -7,2%, soit un résultat meilleur que les principaux indices boursiers et les fonds d’épargne pension qui ont été pénalisés par leurs contraintes d’investissement plus rigides.

En tête du classement, nous trouvons M&G Dynamic Allocation, qui n’a concédé que 2,4% durant l’exercice écoulé, avec un positionnement historiquement très prudent sur les actions américaines de croissance. En dépit de cette belle résistance, les actifs sous gestion se sont contractés de près de 15%, notamment suite à l’annonce au milieu de l’année du départ de Juan Nevado, un gérant très expérimenté qui affichait plus de 30 ans d’ancienneté chez le gestionnaire britannique et qui pilotait ce produit depuis janvier 2011.

Son remplaçant, Steven Andrew, dispose également d’une longue expérience dans la gestion de fonds mixtes chez M&G et a démontré durant les derniers mois sa capacité à gérer la forte hausse des taux obligataires. “Nous pensons que les marchés tablent actuellement sur un atterrissage en douceur de l’économie américaine, explique-t-il. Il s’agit également de notre scénario de base mais nous pensons qu’ils n’intègrent pas suffisamment le risque d’un ralentissement économique plus brutal.”

Le gestionnaire précise avoir maintenu une approche prudente sur les marchés financiers, avec un niveau de liquidités demeuré élevé. “Nous reconnaissons que certaines zones sont devenues plus attractives, notamment les secteurs dont les résultats vont être positivement impactés par la hausse des taux obligataires”, dit-il. Sur les marchés obligataires, Steven Andrew pointe les perspectives offertes par les obligations souveraines des pays émergents, qui offrent parfois des rendements nominaux supérieurs à 10%.

Niveaux moins confortables

Avec un recul limité à 3,1%, DNCA Invest Eurose sort également d’un exercice 2022 positif par rapport aux autres fonds flexibles. Damien Lanternier, gestionnaire du fonds, souligne que le fonds a très largement conservé son approche value tout au long de l’année écoulée. “A la fin novembre, notre exposition nette sur les actions s’élevait à seulement 27%, avec des positions fortes sur des secteurs comme les banques, les matériaux de construction, l’énergie (gaz, pétrole) ou les valeurs industrielles.”

Le niveau des protections reste élevé, avec des positions de couverture de l’ordre de 8% sur les indices EuroStoxx 50 et sur le Cac40. “Le rapport cours/bénéfice de notre stratégie tourne actuellement autour de 8,3 sur base des résultats attendus pour l’année en cours, avec un niveau de croissance attendu autour de 7,4% et un rendement de 5,1% pour les dividendes”, explique le gestionnaire.

“La résistance des bénéfices, le recul des prix de l’énergie en Europe et les discours plus modérés des banques centrales ont contribué à un recul des primes de risques durant les dernières semaines, poursuit Damien Lanternier. Dans le même temps, les flux financiers semblent se diriger plus fortement vers les marchés du crédit. Le rebond des segments les plus risqués (les actions et le crédit à haut rendement) est en train de pousser les valorisations vers des niveaux qui pourraient s’avérer moins confortables. Nous pensons que la prudence devra rester le mot d’ordre durant les prochaines semaines.”

Télécoms et soins de santé

La troisième position est occupée par DWS Concept Kaldemorgen avec un recul limité à -4,7%. Le gigantesque fonds flexible a été un des rares succès commerciaux en 2022, avec des encours en hausse de 7%. Ce produit est géré depuis 2011 sur base des préceptes mis en place par Klaus Kaldemorgen, un investisseur légendaire en Allemagne, d’ailleurs toujours impliqué dans la gestion du produit.

Dès son lancement, l’objectif était l’utilisation de produits dérivés et des devises pour limiter les périodes de forte volatilité sur les marchés financiers. Christoph Schmidt, qui a rejoint l’équipe de gestion en 2013, précise que le niveau des liquidités a été réduit ces derniers mois au profit de la poche obligataire. “Nous avons profité de la hausse des taux sur la dette d’entreprise pour augmenter notre exposition sur cette classe d’actifs, explique-t-il. Sur de nombreuses émissions, les rendements ne reflètent toutefois pas encore suffisamment le risque de hausse du taux de défaut. Dans le même temps, nous avons réduit notre exposition sur la dette souveraine américaine et le dollar.”

Damien Lanternier (DNCA Invest Eurose)
Damien Lanternier (DNCA Invest Eurose)© PG

Pour les prochains mois, Christoph Schmidt rappelle que les deux périodes de forte inflation (durant les années 1970) avaient provoqué une hausse sévère des taux d’intérêts et s’étaient accompagnées à chaque fois d’une récession qui avait duré plus d’un an. “La valorisation des marchés boursiers ne reflète pas encore clairement ce risque”, insiste-t-il. Dans ce contexte, le gestionnaire conserve encore une position élevée sur l’or (8%). “Sur les marchés boursiers, nous maintenons notre allocation sur des sociétés défensives affichant des rendements élevés, comme le secteur des télécoms et des soins de santé, poursuit Henning Postada. En outre, la valorisation des actions de croissance a été très largement corrigée, de sorte qu’il est possible de trouver des opportunités attractives dans certains segments.”

Fort repli pour Flossbach

Parmi les autres fonds repris parmi les meilleures performances de 2022, nous retrouvons un grand nombre de produits populaires chez les investisseurs belges (comme R-co Valor, Carmignac Patrimoine, BL-Global Flexible ou Ethna-Aktiv). A l’inverse, il est intéressant de constater que Flossbach von Storch Multiple Opportunities a connu un exercice inhabituellement difficile, avec un repli supérieur à 13% et une performance annualisée à cinq ans (2,7%), qui est rentrée dans le rang par rapport aux meilleurs fonds flexibles, ceux-ci affichant encore des progressions annualisées comprises entre 4 et 5%.

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