FMI: alerte à la crise de la dette

La directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Kristalina Georgieva. © Belgaimage

Largement sollicitées durant la pandémie, les finances publiques se retrouvent sous pression partout dans le monde, sous l’effet conjugué de la hausse des prix, et des taux des banques centrales, faisant craindre une crise de la dette chez les pays les plus fragilisés.

“La vulnérabilité financière est élevée pour les gouvernements”, a ainsi estimé le Fonds monétaire international (FMI) dans son rapport sur la stabilité financière mondiale, publié mardi. En cause: l’effet combiné d’un taux d’endettement élevé et d’une hausse des taux des banques centrales afin de lutter contre l’inflation.

La directrice générale du Fonds, Kristalina Georgieva, l’avait souligné jeudi: 25% des pays émergents et plus de 60% des pays à faibles revenus sont en situation de détresse face à leur dette, parmi lesquels certains ont déjà fait défaut.

Signe de ces difficultés grandissantes, le FMI a lancé 16 programmes d’aide depuis le début de l’invasion ukrainienne, pour un total de 90 milliards de dollars, et étudie 21 autres demandes. “On voit les investisseurs privés différencier de plus en plus les pays émergents au regard de leur situation économique. Ce qui est cependant une évolution par rapport aux crises précédentes”, où la crise dans un pays émergent s’étendait souvent aux autres, a souligné Atsi Sheth, directrice générale du département stratégie de crédit chez Moody’s, dans un entretien à l’AFP.

La pandémie a fortement détérioré les finances publiques de l’immense majorité des Etats, malgré des niveaux de dépenses très inégaux pour y faire face: au maximum 3% de leur PIB pour les pays les plus pauvres, jusqu’à 15% ou 20% dans les économies avancées, souligne ainsi la Banque mondiale.

Alors que 2022 devait permettre à l’économie de se remettre sur les rails, la guerre en Ukraine est venue ajouter un élément de tension supplémentaire, en entraînant un renchérissement important des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, ce qui a provoqué une véritable crise du coût de la vie dans les pays les plus pauvres.

Au point de craindre désormais une “cinquième vague de crise de la dette”, a alerté le 7 octobre le président de la Banque mondiale (BM), David Malpass.

Le FMI adapte sa réponse aux chocs

Nous sommes face à une situation sans précédent. Les Etats qui ont un haut niveau d’endettement et sont en même temps importateurs d’énergie et de denrées alimentaires vont avoir des difficultés, plus encore s’ils empruntent en dollars”, a estimé Mme Sheth.

Pour y faire face, le FMI dispose d’une force de frappe financière évidente: une capacité de prêt de 1.000 milliards de dollars “et il pourrait même utiliser ses réserves d’or comme garantie s’il devait lever plus”, rappelle auprès de l’AFP Masood Ahmed, président du Centre pour le développement mondial (CGD).

Le Fonds a aussi tenté de s’adapter aux besoins urgents, avec un mécanisme pour aider les Etats dans la lutte contre la pandémie, adapté désormais pour affronter le coût de la hausse des prix.

Mais pas suffisamment, estime M. Ahmed, pour qui “le Fonds doit passer d’une logique centrée sur les Etats à une approche élargie. On a vu qu’un seul choc peut toucher plusieurs pays mais le FMI ne dispose pas actuellement d’une ligne de financement qui pourrait être très rapidement et largement débloquée, en cas de besoin”.

Impossible de prêter à des Etats qui font face à un risque de défaut

Le FMI comme la BM sont par ailleurs confrontés à la limite de leur mandat: ils ne peuvent pas prêter à des Etats qui font face à un risque de défaut, car cela nécessite d’abord une restructuration de la dette qui n’est possible qu’avec les accords des créanciers. C’est ainsi que le Sri Lanka, dont les réserves de devises sont au plus bas et qui a fait défaut sur sa dette, n’a toujours pas pu entrer dans un programme d’aide du FMI, faute d’un accord entre ses principaux créanciers, au premier rang desquels la Chine et l’Inde. Une situation qui pourrait se répéter et a poussé tant M. Malpass que Mme Georgieva à lancer des appels à la Chine, désormais parmi les principaux créanciers de plusieurs pays, mais aussi aux créanciers privés, afin qu’ils en fassent plus vis-à-vis des Etats en difficulté.

“La Chine est le plus important créancier dans un certain nombre de pays mais on leur demande d’entrer dans un cadre déjà existant, comme celui mis en place par le Club de Paris, au lieu de les laisser prendre la direction des négociations là où ils sont le plus exposés”, regrette Masood Ahmed, qui appelle à une évolution des mentalités en la matière.

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