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“Européens, S.V.P.: pas de tabou, pas de braquage!”

Les cauchemars reviennent souvent en boucle. Les images de la désunion de la zone euro en 2011-2012, lorsqu’il a fallu sauver la Grèce mais aussi l’Irlande, le Portugal et les pays dits “périphériques”, reviennent aujourd’hui.

Alors que l’on s’approche des 30.000 décès en Europe, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union n’ont pas réussi à se mettre d’accord, lors de leur réunion du 26 mars dernier, pour dresser un plan coordonné, commun et ambitieux afin de répondre à la crise sanitaire. Comme le souligne le commissaire à l’Economie, Paolo Gentiloni, ” malheureusement, dans la dynamique des rapports entre les Etats européens, c’est la clé de lecture des crises précédentes qui a pris le dessus ” et cette clé de lecture ” n’est pas adaptée à la situation que nous vivons “.

Pour éviter de perdre totalement la face, le Conseil européen, présidé par Charles Michel, a reporté la décision de 15 jours et a placé la patate chaude dans les mains des ministres de l’Economie et des Finances. On ose espérer qu’un peu de bon sens et de solidarité surgiront pour trouver une réponse commune à la crise. Mais nous aurons entretemps perdu deux précieuses semaines dans une lutte où chaque heure compte.

On le sait, et nous l’avons répété à de multiples reprises, la solution la plus simple et la plus heureuse d’un point de vue politique aurait été de lever immédiatement des ” coronabonds “, c’est-à-dire des obligations garanties en commun par les Etats européens. On aurait donné un signal clair au marché financier. Et l’on aurait étouffé toute velléité de spéculer sur un éclatement de la zone euro. Le symbole aurait été fort.

Mais il n’est pas possible : Berlin, La Haye, Helsinki… refusent. Tant pis. Il faut s’en faire une raison. Plutôt que se braquer sur une solution impossible, essayons d’en trouver une réalisable. La Banque européenne d’investissement, conduite par Werner Hoyer (un Allemand…), propose depuis des jours de mettre sur pied un mécanisme de garantie pour aider au financement des PME. Le MES, le Mécanisme européen de stabilité, ce fonds de secours qui possède une capacité de feu de 500 milliards d’euros, devrait lui aussi être mobilisé. Certes, son intervention nécessiterait aujourd’hui, selon ses statuts, que les Etats qui demandent son soutien se plient à la tutelle budgétaire européenne. Mais ne peut-on pas suspendre cette règle qui date d’un autre âge ? Ne peut-on ignorer, en ces temps extra-ordinaires, les impératifs des tabous budgétaires. Oui, des pays comme l’Italie et l’Espagne (mais aussi la France, la Belgique…) sont très endettés. Mais ce n’est pas le moment de leur demander de réduire leurs dépenses publiques, alors que le virus ravage leur population !

Le gouverneurde la Banque nationale, Pierre Wunsch, esquisse la voie à emprunter, qui se résume en un mot : pragmatisme. Il faut mettre en oeuvre, et rapidement, des financements de court terme pour passer ensemble ce cap difficile. ” Oui, en ce moment, il est nécessaire et important de se montrer solidaire au niveau européen “, dit-il. Mais il ajoute : ” Sans essayer toutefois d’en profiter pour revenir sur la table avec des propositions plus structurelles qui ont déjà été refusées 10 fois par les Allemands “.

Ni tabou, ni braquage, donc, mais penser out of the box. Et penser vite. La nécessité, dans 10 jours, de trouver une solution et de monter une mobilisation européenne sans faille est impérative. Si les Etats membres ne parviennent pas rapidement à un accord, alors, c’en sera fait de l’Europe. Elle aura démontré son inefficacité, son inutilité, voire sa nuisance. C’est Paolo Gentiloni qui le souligne : ” Si la crise accroît les différences entre pays au lieu de les diminuer (…), il sera très difficile de maintenir en l’état le projet européen “. Cela paraît tellement évident !

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