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Et si on avait donné rendez-vous dans 10 ans aux épargnants… ?
Les montants déposés sur les comptes d’épargne ont atteint fin 2020 un nouveau record avec plus de 293 milliards d’euros contre 282 milliards fin 2019.
Si cette accélération phénoménale s’explique aisément par la pandémie, l’épargne-réflexe des Belges n’est cependant pas neuve et découle d’une tendance de fond qui demeure plus compliquée à expliquer. Force est donc de constater aujourd’hui que, pandémie ou pas, si on s’était dit rendez-vous dans 10 ans avec les épargnants, peu auraient cru en une telle inertie chez les Belges.
L’effet pandémie
Les Belges, du moins une partie d’entre eux, ont en effet plus épargné en 2020 que les années précédentes, n’ayant pas vu leurs revenus affectés par la crise sanitaire, tout en étant dans l’impossibilité de consommer. Durant la première période de confinement, nous avons ainsi assisté à un phénomène d’épargne forcée. Puisqu’à part la consommation des biens de première nécessité, nous n’avons pas pu nous rendre au restaurant, au théâtre, ou encore acheter des vêtements. Et même si les ventes par Internet ont explosé, non seulement elles ne couvrent qu’une partie de nos envies, mais ce contexte particulier a incité à plus de frugalité. Certes, la deuxième partie de l’année a connu un ralentissement dans la hausse des encours, mais par un second phénomène, celui de l’épargne de précaution, le réflexe des Belges ne s’est pas tari.
Un paradoxe qui ne date pas d’hier
Déjà en mars 2013, dans un article intitulé “le compte d’épargne n’est plus la solution pour votre épargne”, je m’interrogeais sur cet énorme paradoxe ; plus les taux baissent, plus l’encours des comptes d’épargne monte.
Chiffres à l’appui, le constat de l’époque était le suivant ; alors que l’encours s’élevait à la fin du quatrième trimestre 1998 à 91.690 milliards d’euros, le taux d’intérêt se situait à 3.24 %. Et fin 2012, l’encours était de 212 milliards d’euros alors que le taux se situait autour des 1 %. Il est évident que la crise que nous avons traversée en 2008 expliquait en grande partie cette explosion des encours. Car si sur 10 ans, l’encours avait progressé de 56 %, sur la période de 2008 à 2012, la progression avait été de 65 % à elle-seule.
Un rendement dix fois moins élevé pour l’épargnant
Quand les taux se situaient à 4 %, le choix était évident. Mais aujourd’hui et depuis près de 10 ans, dans le contexte de taux aussi faibles, il faut attirer l’attention des Belges sur l’ineptie de garder en compte à terme des sommes de cette importance et de pratiquer l’inertie.
Pour rendre palpable cette ineptie, je me suis donc prêté à un petit exercice tout simple en comparant le rendement que j’aurais obtenu si j’avais laissé une partie de mon épargne sur mon compte d’épargne ou si je l’avais investie en bourse.
Si j’avais laissé sur mon compte d’épargne la somme de 10.000 euros, de début 2013 à fin 2020, j’aurais touché un taux d’intérêt cumulé d’environ 2.5%, brut évidemment. Si j’avais investi la même somme dans l’Eurostoxx50, ce dernier m’aurait rapporté une performance d’environ 22%, brut aussi évidemment. Et cela malgré le trou d’air de mars 2020. Sans tirer de généralités, l’investisseur aurait donc bénéficié d’un taux près de 10 fois supérieur à l’épargnant.
Deux leçons s’imposent donc. D’une part, en appliquant le principe élémentaire de précaution, le compte d’épargne doit demeurer avant tout la réserve de référence absolue pour absorber les aléas de la vie. Et d’autre part, si je veux investir en bourse, je dois le faire dans une logique de saine diversification, pas sur un seul indice, et rester investi sur une longue période, en évitant de sortir à la moindre correction.
Donnons-nous donc rendez-vous dans 10 ans
Guidés par leur épargne-réflexe, les Belges croient bien faire, mais ils perdent de l’argent en tenant compte de l’inflation. Et la situation ne devrait pas changer de sitôt, vu l’intention de la BCE de laisser ses taux inchangés pour encore une longue période, ces derniers n’étant pas attendus à la hausse avant 2023.
Et s’il apparait presque certain que lorsque nous aurons atteint l’immunité collective, une partie de cette épargne retrouvera le chemin de la consommation – ce qui sera un des facteurs clés de la reprise en 2021 et 2022 – une partie de cette épargne continuera certainement de dormir.
Toutefois, avec le spectre des taux d’intérêt réels négatifs, donnons-nous rendez-vous dans 10 ans pour voir où nous en sommes, en souhaitant que l’épargne des Belges ait pu d’ici-là prendre des chemins plus florissants. Et même avec un petit capital de départ, on peut aujourd’hui penser comme un investisseur.
Bernard Keppenne, Chief Economist CBC Banque
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