Eric Dor (IESEG): “BNP Paribas profite à plein de la hausse des taux”

Eric Dor (IESEG) © PG
Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

Selon notre compatriote et professeur à l’IESEG de Lille, la remontée des taux explique en bonne partie le bénéfice record de 10 milliards d’euros dégagé par le groupe bancaire français en 2022.

La nouvelle année record signée par BNP Paribas en 2022, qui dépasse pour la première fois de son histoire la barre des 10 milliards d’euros de bénéfices, ne surprend guère Eric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG School of Management de Paris et Lille. Selon lui, le groupe bancaire français, première banque de la zone euro et maison mère de BNP Paribas Fortis, tire pleinement profit de l’effet d’aubaine de la politique monétaire de la BCE.

Ce nouveau bénéfice record signé par BNP Paribas vous étonne-t-il ?

Pas vraiment dans la mesure où on pouvait s’attendre dans le cas de BNP Paribas à ce que la hausse des taux lui soit favorable. En France, ce n’est pas une banque dont les clients ont beaucoup recours au Livret A. Elle souffre donc moins que d’autres réseaux bancaires français de la hausse des taux sur l’épargne populaire. Pour le dire autrement, elle profite à plein de la hausse des taux. La politique monétaire de la BCE et son effet d’aubaine lui sourient. J’en veux pour preuve la hausse des revenus nets d’intérêt, c’est-à-dire la différence entre les intérêts reçus sur les placements et ceux payés sur les ressources de la banque, qui sont essentiellement des emprunts interbancaires, les dépôts de la clientèle et les obligations émises. L’an dernier, ils ont progressé de plus de 9 %.

Cette performance exceptionnelle s’inscrit néanmoins dans contexte marqué par la guerre en Ukraine et le retour de l’inflation en Europe, n’est-ce pas ?

La crise a en effet eu des effets négatifs sur certains segments d’activité du groupe. À titre d’exemple, les commissions perçues sont en baisse. Mais la hausse des revenus nets d’intérêt a largement compensé ces effets négatifs. Par ailleurs, l’inflation a quand même impacté les coûts opérationnels. Ces derniers ont progressé d’un peu plus de 8 %. Mais c’est moins que l’augmentation des revenus qui ont augmenté de plus de 9 %. La bonne nouvelle aussi pour BNP dans cette crise inflationniste qui a fragilisé beaucoup de ménages et d’entreprises, c’est que le coût du risque, c’est-à-dire les provisions pour les mauvais crédits, a très peu augmenté. On aurait pu craindre pire.

La période de fortes incertitudes ne semble pas avoir prise sur le secteur bancaire européen ?

Jusqu’à présent, il résiste bien, en effet. La hausse des taux est un gros soutien. C’est un facteur qui booste les revenus des banques de manière générale. À cela s’ajoute la bonne tenue de l’économie réelle, aussi bien aux États-Unis que de ce côté-ci de l’Atlantique. Alors que tous les grands prévisionnistes institutionnels (FMI, OCDE) avaient annoncé une récession légère pour début 2023, ils commencent à changer d’avis. Ils constatent que le dernier trimestre 2022 a été meilleur sur le plan macroéconomique que ce que l’on aurait pu craindre. Et les perspectives pour 2023 sont également supérieures à ce qui avait été anticipé.

Y compris pour BNP Paribas en particulier…

Dans le cas de BNP Paribas, le groupe a en effet annoncé qu’il allait procéder à d’importants rachats d’actions, grâce notamment à la plus-value de près de 3 milliards d’euros dégagée sur la revente de sa filiale américaine Bank of the West. Mieux vaut avoir des banques solides que chancelantes dans le contexte actuel.

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