Les épargnants belges ne savent toujours pas si la réforme en cours du précompte touchera à la fiscalité du compte d’épargne ou pas.
Difficile d’y voir clair dans la réforme en cours du précompte mobilier. En cause : le mécanisme qui prévoit une taxe complémentaire de 4 % pour les épargnants aux revenus mobiliers dépassant 20.000 euros. Comment le fisc saura-t-il si la barre des 20.000 euros est franchie ? Grâce aux informations communiquées par les sociétés belges qui versent des dividendes et les banques qui transmettront une série de renseignements au point de contact central, logé à la Banque nationale et chargé de vérifier si les revenus mobiliers d’un contribuable dépassent ce plafond.
Ne sont toutefois pas concernés les intérêts du bon d’Etat Leterme ainsi que les revenus mobiliers précomptés à 21 % et pour lesquels le contribuable à choisi de s’acquitter de la taxe supplémentaire de 4 %. Autre exception : la première tranche d’intérêts des comptes d’épargne qui sont exonérés de précompte mobilier (1.830 euros pour 2012). Ceux-ci n’entrent pas non plus dans le calcul des revenus mobiliers pour vérifier si le contribuable franchit ce seuil de 20.000 euros en vue d’appliquer cette fameuse cotisation de 4 %. Ils ne doivent donc pas être communiqués par les banques au point de contact en question.
C’est du moins ce qu’on affirme du côté de l’administration fiscale. Motif ? “Les intérêts générés par le compte d’épargne ne constituent pas des revenus mobiliers pour la partie exonérée”, avance Francis Adyns, porte-parole du SPF Finances. Un argument qui ne convainc pas François Parisis, professeur de droit fiscal à l’ULg. Pour lui, l’interprétation proposée par l’administration ne tient pas la route. “Autant dire que la poire n’est pas un fruit !”, rétorque-t-il. A son sens, l’esprit même de la loi (parue au Moniteur le 30 décembre) veut que tous les revenus mobiliers donnent lieu à communication, sauf ceux expressément exclus par le nouveau texte. “Il est pour le moins étonnant, poursuit-il, de prétendre qu’aucune communication n’aura lieu lorsque les intérêts sont inférieurs à 1.830 euros alors que celle-ci devrait avoir lieu si ce seuil est franchi.” Quid aussi des comptes avec plusieurs titulaires, des comptes en indivision ou encore du rôle exact des banques lorsque le contribuable vit en ménage. Autant de situations différentes qui doivent encore être clarifiées.
Une occasion en or
Discutable sur le plan juridique, la réforme pose aussi question sur un plan plus politique. Les contribuables aisés ont évité l’impôt sur la fortune ; les moins aisés doivent voir la fiscalité du compte d’épargne inchangée. A ceci près que la communication portant sur les intérêts des livrets est nécessaire pour débusquer les “cumulards” (ceux qui multiplient les comptes d’épargne pour bénéficier plusieurs fois de son exonération). Le nouveau secrétaire d’Etat John Crombez a là une occasion en or de prouver qu’il a la ferme intention de lutter contre toutes les formes de fraude, estime François Parisis, et notamment celle au livret qui est largement répandue. Cela constituerait une excellente entrée en matière. “Au risque de se voir reprocher de sélectionner les types de fraude en fonction d’intérêts partisans”, conclut-il.
Sébastien Buron