Dexia : les députés rappellent Pierre Mariani à la barre

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Les membres de la commission spéciale de la Chambre sur le démantèlement du groupe Dexia ont décidé mercredi de reconvoquer pour audition le patron de Dexia, Pierre Mariani, pour mieux comprendre son rôle dans la gestion du holding.

Cette décision est intervenue après l’exposé livré mercredi après-midi, à huis clos, par les deux économistes Geert Noels (Econopolis) et Ivan Van de Cloot (Itinera). Le patron français n’est toutefois pas attendu à la Chambre avant la seconde moitié de décembre.

Selon des sources concordantes au sein de la commission, les deux économistes ont sérieusement mis à mal mercredi la ligne de défense adoptée par Pierre Mariani, lequel rejette la responsabilité du naufrage sur l’ancienne équipe dirigeante. “C’était percutant”, a ainsi confié un député.

Lundi déjà, l’économiste Eric De Keuleneer (ULB) avait lui aussi critiqué la direction actuelle du groupe qui aurait pu, selon lui, réduire davantage, et dès 2009, la taille du portefeuille de Dexia.

Les commissaires ont aussi convenu mercredi d’entendre le Premier ministre Yves Leterme et le ministre des Finances, Didier Reynders, bien que ceux-ci se soient déjà expliqués sur le dossier en octobre dernier devant la commission des Finances de la Chambre.

Selon une autre source au sein de la commission, MM. Noels et Van de Cloot ont en effet évoqué de lourdes conséquences à attendre du démantèlement du groupe pour la Belgique.

Outre MM. Reynders et Leterme, le cercle des personnes qui seront auditionnées par les députés a à nouveau été élargi mercredi: les administrateurs de Dexia, Serge Kubla et Brigitte Chanoine, épargnés jusqu’ici par la commission, devront ainsi aussi venir s’expliquer.

Les députés devraient de la sorte entendre l’ensemble des administrateurs de Dexia, dont la passivité et le manque de contrôle sur la direction a été pointé ces dernières semaines à plusieurs reprises.

Les syndicats du groupe, mais également les commissaires du gouvernement, les réviseurs, les autorités de contrôle prudentiel, ainsi que la Commission européenne, gardienne des règles de concurrence en Europe, devraient également être appelés à témoigner sous peu.

Après un nouveau débat entre majorité et opposition sur l’opportunité de transformer la commission spéciale en commission d’enquête, les députés ont entendu mercredi en fin d’après-midi, mais en séance publique cette fois, Roland Gillet, professeur de finances à l’ULB et à la Sorbonne (Paris).

Durant près de deux heures, ce spécialiste des questions financières transnationales a livré son analyse du cas Dexia, née en 1996 de la fusion entre la banque belge Crédit Communal, “qui avait une importante activité de dépôt”, et le Crédit local de France, “qui avait de grands besoins de financement”.

“Déjà à ce moment, on comprenait qu’il y aurait un système de vases communicants, et ce avec des actionnaires aux contraintes par forcément les mêmes…”, a-t-il souligné.

Et l’expert de rappeler aussi les ambitions “très grandes” du nouveau groupe de se hisser dans le top-30 mondial des banques, notamment par l’achat d’une série d’actifs tous azimuts, comme le rehausseur de crédit américain FSA lourdement affecté par la crise des subprimes.

“La bilan a donc gonflé et la banque est devenue beaucoup plus grande. Restait à voir si elle était pour autant plus robuste”, a glissé M. Gillet.

Interrogé sur l’accord intervenu début octobre entre les gouvernements français et belge concernant le démantèlement de Dexia, l’invité a confié avoir “des interrogations” sur le partage des garanties offertes à la structure de défaisance par la France et la Belgique, cette dernière assumant, comme en 2008, 60% de cette charge.

“Les garanties offertes par la Belgique représentent 13% de son PIB, celles de la France seulement 2% de son PIB. C’est David contre Goliath! “, a jugé M. Gillet, laissant supposer des pressions très fortes de Paris, soucieuse de préserver sa note AAA, sur le gouvernement belge.

“Mais il faut regarder le deal dans sa globalité”, a-t-il toutefois ajouté, le tandem Leterme-Reynders ayant dans le même temps marchandé le prix de rachat de Dexia Banque Belgique, acquis finalement pour 4 milliards d’euros.

Interrogé enfin sur l’attitude de Dexia qui a vendu des produits dérivés très complexes hautement spéculatifs à différentes collectivités locales, plongeant certaines dans d’importants problèmes financiers, M. Gillet a estimé que les responsabilités étaient “partagées”, certains édiles ayant visiblement acheté des produits sans comprendre de quoi il retournait.

Cette explication a fait réagir le député Yvan Mayeur, soulignant que Dexia était censé être le “partenaire” privilégié des communes.

“Ils ont voulu changer de métier. De partenaire des communes, ils sont devenus une bête banque”, a-t-il dénoncé.

Lundi après-midi, la commission spéciale Dexia devrait à nouveau vivre un moment intense avec l’audition programmée de Jean-Luc Dehaene, président du conseil d’administration de Dexia depuis l’automne 2008.

Trends.be, avec Belga

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