Daniel Falque, CEO de KBC Belgium: “Kate va plus loin que Siri”

© PG/ERWIN DONVIL

Patron de KBC pour la Belgique, Daniel Falque revient sur le lancement d’un assistant personnel virtuel piloté par intelligence artificielle baptisé Kate ainsi que sur la nouvelle stratégie numérique du groupe de banque et d’assurance.

S’il y a bien un bancassureur qui est suivi de près par les observateurs, c’est KBC. Le groupe dirigé par Johan Thijs n’est pas seulement l’une des institutions financières les plus rentables de la zone euro, c’est aussi l’une des plus avancées en matière de numérique. Un terrain sur lequel la maison de l’avenue du Port a annoncé voici quelques jours vouloir passer à la vitesse supérieure. Et cela, via une stratégie digital first baptisée Differently : the next level. L’occasion d’en savoir un peu plus sur ce virage stratégique avec Daniel Falque, CEO de KBC Belgium et président du conseil d’administration de sa filiale francophone CBC.

D’ici deux ans, nous estimons qu’un quart de la clientèle de KBC se fera assister personnellement par Kate.

TRENDS-TENDANCES. Vous avez annoncé voici quelques jours le lancement de Kate qui sera disponible en Belgique à l’automne. De quoi s’agit-il exactement ?

DANIEL FALQUE. C’est un assistant personnel virtuel et vocal qui permettra au client de simplifier au maximum sa vie pour des matières qui sont en général considérées comme complexes par une grande majorité de la population. Ce n’est pas parce que vous êtes médecin que vous trouvez que la négociation d’un prêt hypothécaire est quelque chose de facile. En fait, le K de Kate c’est pour KBC tandis que derrière le A, le T et le E se cachent les mots ” Assistant To Ease your life “.

Kate est donc une sorte de robot à la Siri ?

Oui, sauf que Kate va plus loin que Siri. Au lieu d’être simplement réactive, elle est aussi et surtout proactive. Elle obéira ainsi non seulement aux injonctions verbales du client (effectuer un virement, payer un parking, etc.) mais pourra en plus lui donner des conseils, de telle sorte qu’il puisse éventuellement adapter son comportement d’achat, etc. Nos applications mobiles (KBC Mobile et CBC Mobile) ont été construites pour tous nos clients. Kate est une solution personnelle sur mesure pour chacun d’entre eux individuellement.

C’est comme cela que vous comptez gagner le match contre les Gafa ?

Le côté régional de KBC, qui pourrait être vu comme un désavantage par rapport à ces groupes globaux, joue précisément en notre faveur. Le client nous connaît, nous parlons la même langue, voire avec le même accent. Savez-vous quelles sont les applications les plus consultées par les Belges après celles relatives à la météo ? Les applications bancaires ! Puisque nous sommes donc celui qui apaise le client de par notre présence locale et notre expertise, il y a une opportunité à se positionner davantage dans la vie de nos clients via des services qui, d’une manière ou d’une autre, sont liés à nos activités de base mais ne le sont plus tout à fait non plus, par exemple acheter des actions en Bourse ou profiter d’une promotion chez Decathlon.

Et vis-à-vis des fintechs ?

Voici quatre ou cinq ans, elles s’annonçaient comme envahissant le marché financier. Finalement, cela ne s’est pas passé comme cela. Pourquoi ? Parce que les fintechs ont rencontré un problème : elle n’ont pas de base substantielle de clients. Or, pour pouvoir véritablement concurrencer une institution financière, certainement de taille (et je vous passe tous les obstacles régulatoires), il faut avoir une large base de clientèle. Les banques, elles, disposent en général d’une grande base de clients, fidèles qui plus est. Cela veut dire qu’en matière d’innovation, elles vont plus facilement percevoir l’intérêt de leurs clients qu’une fintech que personne ne connaît vraiment. De plus, en cas de problème, le client peut toujours se rendre dans son agence bancaire où on le connaît personnellement. S’il a un problème avec Revolut par exemple, il ne peut se rendre nulle part pour en discuter.

Par contre, les fintechs ont l’expérience client pour elles…

En effet, mais beaucoup de ces fintechs pensent aussi plutôt en termes d’expansion, en termes d’image, en termes d’innovation et peut-être un peu moins en termes de rentabilité à court terme, ce qui les fragilise. Voire oblige certaines à plier bagages du jour au lendemain. On l’a vu par exemple avec la fintech allemande N26 qui a quitté la Grande-Bretagne à l’annonce du Brexit et qui a laissé 250.000 clients sur le carreau. Le grand avantage des banques par rapport non seulement aux big techs mais aussi par rapport aux fintechs, c’est donc la dimension confiance. Aujourd’hui encore, les clients font grandement confiance à leur institution financière.

Daniel Falque, CEO de KBC Belgium:
© PG/ERWIN DONVIL

Plus globalement, où se place Kate dans la stratégie numérique de KBC ?

La distribution de produits financiers vit aujourd’hui sa troisième phase. Nous sommes d’abord passés de l’ère du digital – le PC banking à la maison – à l’ère du mobile. Cela nous a amenés à développer plusieurs applications (KBC Mobile et CBC Mobile) qui marchent bien et qui rencontrent un grand succès auprès de nos clients. Maintenant, nous entrons dans l’ère du data, des données. KBC, comme d’autres institutions financières, dispose d’une grande masse d’informations sur ses clients. Des informations qui, si elles sont gérées de manière intelligente, peuvent apporter de la valeur ajoutée au client. Kate sera particulièrement efficace à partir du moment où elle bénéficie d’un historique à propos du client qui lui permettra de comparer des données et de venir avec des recommandations, à suivre ou à ne pas suivre par le client – c’est toujours lui qui décide. A mes yeux, Kate est donc une petite révolution dans le métier de la distribution de produits financiers.

Nous croyons à la valeur de l’interaction humaine, même dans un monde digital, mais moins et mieux.

Quels objectifs chiffrés vous êtes-vous fixés ?

D’ici deux ans, nous estimons qu’un quart de la clientèle de KBC se fera assister personnellement par Kate. L’objectif est de faire en sorte que le client soit à chaque fois étonné de la pertinence de ce que Kate lui propose. Parce que si nous arrivons avec des propositions qui servent uniquement à faire du volume à notre propre avantage, franchement, le client le remarquera rapidement et se détournera vite de nos propositions. Le but est donc de fidéliser les clients mais aussi d’en attirer d’autres.

Les banques qui se limitent aujourd’hui à digitaliser leurs produits et services sans passer par la case intelligence artificielle font-elles dès lors figurent d’oiseaux pour le chat ?

Ceux qui ne s’y sont pas encore mis devraient s’y mettre rapidement, effectivement. Mais cela demande du temps, des moyens financiers et des ressources humaines adéquates. On parle de gestion des données et d’intelligence artificielle. Ce sont des matières complexes. Il faut pouvoir attirer les talents et leur donner des perspectives.

La crise du Covid-19 a-t-elle accéléré le lancement de Kate ?

Non, pas du tout. Nous y travaillons depuis 2019. Par contre, l’utilisation de nos instruments digitaux par les clients a fortement augmenté. Nos agences n’étant accessibles que sur rendez-vous durant le confinement, l’accélération du digital chez nos clients s’est produite en quelques semaines, là où nous l’attendions sur quelques années. Plus de 35 % de nos clients âgés de 80 ans et plus sont désormais connectés de manière digitale avec KBC. C’est la tranche d’âge où l’utilisation des canaux digitaux a le plus progressé ces derniers mois. D’où l’importance d’avoir des produits sûrs mais aussi simples. Et Kate va très fort renforcer cela.

Kate va-t-elle par contre accélérer la fermeture des agences ?

Nous passons à une stratégie de digital first dans laquelle les produits sont conçus comme s’ils n’étaient vendus que sous forme numérique. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il n’y a plus d’intervention humaine dans la relation avec les clients ( digital only), au contraire ! Nous croyons à la valeur de l’interaction humaine, même dans un monde digital, mais moins et mieux. Nous avons ainsi effectivement réduit notre réseau d’agences ces dernières années, c’est vrai. Il est donc probable et envisagé que celui-ci continue à se réduire à l’avenir du fait d’une utilisation accrue du digital. Nous en faisons une évaluation annuelle. Nous n’allons pas garder des agences ouvertes si nos clients n’y vont plus.

Comment analysez-vous le deal Belfius-Proximus ?

Beaucoup d’acteurs viennent régulièrement avec des nouveautés. Ce que Belfius et Proximus font est en ligne avec notre vision sur l’évolution du secteur financier, notamment en matière de collaboration avec des parties tierces. C’est un deal certainement intéressant mais, à nouveau, je pense que nous arrivons avec Kate avec quelque chose de totalement neuf dans le métier de la distribution de produits de banque et d’assurance. Bien sûr, the proof is in eating the pudding. Mais je pense que nous n’aurons pas besoin de beaucoup de publicité pour promouvoir Kate. Le bouche à oreille fera le travail de lui-même…

Pour terminer, que retenez-vous des trois mois que nous venons de vivre ?

En tant que CEO d’un bancassureur, et responsable de 13.000 personnes, je suis fier et soulagé de voir que nos plans de business continuity ont bien fonctionné. Tout notre personnel est passé en télétravail en un week-end ! Dès le lundi 15 mars, 95 % de notre staff travaillait en effet à la maison et y était fully operational. Quand vous vivez en live ce stress test très puissant et que vous ne recevez aucune plainte du personnel et des clients quant à la continuité de vos services, vous en ressortez très fier. Pour vous donner une idée de l’intensité de l’activité, nous avons enregistré certaines semaines 700.000 réunions de travail via Skype, en interne et en externe. Beaucoup d’employés ont aussi découvert les outils digitaux internes à la banque, ce qui a renforcé l’efficacité de notre fonctionnement. Dans mon chef, également. Cela m’a permis de travailler de manière plus efficace : réunions plus courtes et plus to the point. D’un autre côté, nous avons aussi observé au fil des semaines une certaine lassitude chez une partie du personnel pour qui les contacts sociaux commençaient à manquer.

Et en tant que citoyen ?

Ce qui m’a frappé, et aussi beaucoup plu, c’est la solidarité des premières semaines. Au-delà, je pense que la prévention en matière de santé et l’environnement vont jouer un rôle plus important dans la vie des citoyens à l’avenir. C’est, à mon avis, ce qui va rester de cette crise : le souci de ” bien vivre en bonne santé “.

Profil

1963 : naissance à Mol

1989 : licences en relations internationales à l’UCL, avant d’entamer ensuite sa carrière au sein de la compagnie d’assurance De Vaderlandsche

1991 : rejoint Deutsche Bank Belgique pour y devenir responsable du département corporate banking et membre de la direction à partir de 2001

2004 : prend la tête du département corporate banking du groupe Deutsche Bank pour l’Europe et le Moyen-Orient, basé à Francfort

2009 : rejoint le groupe KBC en tant que CEO de la filiale francophone CBC

2012 : devient CEO de KBC Belgique et membre du comité de direction du groupe KBC

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