Ce qu’il faut savoir sur la crise de la dette américaine

© Image Globe / STEFAN ZAKLIN

Toujours pas d’accord entre la Maison Blanche et le Congrès américain sur le relèvement du plafond légal de la dette du pays. La perspective d’un défaut de paiement des Etats-Unis se renforce. Au risque de créer une onde de choc sur la finance mondiale.

A Washington, la pression s’accroît sur la Maison Blanche et le Congrès. Car à deux semaines de la date butoir du 2 août pour relever le plafond légal de la dette américaine, les élus démocrates et républicains ne parviennent toujours pas à s’entendre sur les conditions d’un tel relèvement. Résultat: les agences de notation menacent de dégrader la note souveraine de la première économie mondiale.

Pourquoi est-il nécessaire de relever le plafond de la dette américaine?

Le plafond de la dette correspond à un niveau maximal d’endettement du pays, niveau régulièrement ajusté par le Congrès américain depuis 1917. Il a été relevé dix fois au cours des dix dernières années. La dernière fois, en 2010, ce plafond a été porté à 14 297 milliards de dollars. Or le niveau de la dette américaine a atteint ce plafond en mai dernier. Il n’est contourné, depuis, que par des ajustements techniques du Trésor. Mais au-delà du 2 août, si le plafond légal de la dette n’est pas relevé, les Etats-Unis ne pourront plus honorer leurs engagements.

Que se passera-t-il si le plafond de la dette n’est pas relevé?

Concrètement, les Etats-Unis ne pourront pas lever sur les marchés les montants nécessaires au paiement des intérêts et au renouvellement de leur dette. L’Etat américain doit régler mensuellement 30 milliards de dollars d’intérêt sur la dette. Ils doivent en outre refinancer en août plus de 500 milliards de dollars de dette. Donc soit les Etats-Unis font défaut sur une partie de leurs échéances, soit ils sacrifient d’autres dépenses. La première hypothèse créerait une telle onde de choc dans l’ensemble du système financier international qu’elle semble exclue. Pour honorer les intérêts de leur dette, les Etats-Unis devront donc réduire leurs dépenses. Le président Barack Obama a évoqué un non paiement des pensions des retraités et des anciens combattants – l’Etat doit verser 23 milliards de dollars le 3 août à la Sécurité sociale pour ces paiements. Le Trésor américain à quant à lui annoncé que l’Etat devra réduire ses dépenses de 40% du jour au lendemain, ce qui équivaut à 1500 milliards de dollars, soit 10% du PIB.

Pourquoi les républicains et les démocrates ne parviennent pas à un accord?

Démocrates et Républicains ne s’opposent sur le plan de réduction du déficit budgétaire, qui conditionne tout accord sur le relèvement du plafond de la dette. Barack Obama s’engage à réaliser des économies. Il accepte même de couper largement dans les dépenses sociales, y compris celles de l’assurance maladie. Mais il exige en contrepartie une hausse des impôts pour les ménages les plus aisés et pour les entreprises. Ce que les républicains, notamment les élus issus de la mouvance ultra-conservatrice du “tea party”, refusent catégoriquement. Ils prônent de leur côté une réduction plus drastique des dépenses publiques, en les plafonnant à 18% du PIB contre 24% aujourd’hui.

Un compromis est-il toujours possible?

La Maison Blanche jugeait dimanche encore possible de trouver un compromis avec le Congrès afin de relever le plafond d’endettement de l’Etat fédéral. “Les choses ont progressé au cours des derniers jours”, a assuré Jacob Lew, directeur du Bureau du budget, un des négociateurs de Barack Obama. “La vie politique américaine est ponctuée de psychodrames entre la Maison Blanche et le Congrès, explique Christophe Destais, directeur adjoint du CEPII. Il n’est pas exclu que les deux camps parviennent à un accord le 1er août à minuit”. D’autant qu’il existe une solution de secours, proposée par le sénateur républicain Mitch McConnell: une manoeuvre législative permet au président d’opposer son veto au vote du Congrès contre le relèvement du plafond de la dette. Ce veto ne peut être renversé qu’à une majorité des deux tiers, que les républicains n’ont pas. Barack Obama pourrait ainsi prendre sur lui d’augmenter le plafond de la dette de 2500 milliards de dollars d’ici à 2012. C’est mieux que rien.

Le “AAA” des Etats-Unis est-il menacé?

Oui, et ce même si le plafond de la dette est relevé. Moody’s et Standard & Poor’s, qui ont mis la dette américaine sous pression la semaine dernière, ont toutes les deux indiqué qu’elles attendaient un “plan crédible” de réduction du déficit et de la dette à moyen terme. S&P table sur un budget permettant d’économiser 4000 à 5000 milliards de dollars au cours des dix prochaines années. Or les deux agences doutent de la probabilité d’un accord sur un plan de redressement des finances publiques entre le gouvernement et le Congrès d’ici à 2012, année de l’élection présidentielle américaine. La possibilité que les Etats-Unis perdent leur triple A n’est donc pas exclue. Ce qui aurait des effets potentiellement désastreux. Non pas tant pour les Etats-Unis, qui pourront continuer à se financer sur les marchés sans difficultés, même si cela doit se faire à un coût plus élevé, mais pour le système financier dans sa globalité. Les bons du Trésor américain sont en effet le véhicule d’investissement le plus répandu dans le monde. Le montant total des “Treasuries” détenus par des investisseurs étrangers (Etats, banques centrales, banques, assureurs, etc.) atteignait plus de 4500 milliards de dollars fin 2010. La perte du “AAA”, signe que la dette américaine n’est plus sans risques, entrainerait une dévaluation de la valeur des bons du Trésor, donc du portefeuille d’actifs de la plupart des acteurs financiers internationaux.

Emilie Lévêque

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