Bientôt des agences de notation pour les joueurs de foot ?

Luis Suarez - Neymar - Lionel Messi, le trio le plus redoutable de l'histoire du football. © AFP

Peut-on évaluer le prix des joueurs de foot à partir d’algorithmes? Des chercheurs misent sur ces nouvelles méthodes statistiques, bien qu’elles semblent contradictoires avec le caractère irrationnel du mercato et n’incluent pas les facteurs psychologiques qui font aussi la valeur d’un footballeur.

“L’un des futurs défis est de trouver des modèles mathématiques et économiques pour estimer la juste valeur d’un joueur, qui est souvent fixée par les agents. C’est une énorme carence”, a assuré mi-janvier au quotidien français Libération le recruteur norvégien Tor-Kristian Karlsen, ex-directeur sportif de l’AS Monaco.

Alors que le mercato d’hiver s’achève ce lundi dans les principaux pays européens, l’équation semble en passe d’être résolue grâce au “big data”, les mégadonnées statistiques.

L’Observatoire du football, un groupe de recherche rattaché au Centre international d’étude du sport (CIES) de Neuchâtel (Suisse), a mis au point un algorithme capable de calculer la valeur de transfert de n’importe quel joueur. Un simulateur simplifié est accessible gratuitement sur internet.

Le CIES a récolté les données de 1.500 transferts ces cinq dernières années dans les cinq championnats européens majeurs (Angleterre, Espagne, Italie, France, Allemagne). A partir de ces données, il établit ses estimations en s’appuyant sur des “critères logiques” comme les caractéristiques du joueur (poste, âge, durée du contrat), ses performances (buts marqués…) et ses résultats en club et sélection nationale.

‘Comme Wikipedia’

Les résultats sont assez réalistes: Harry Kane (Tottenham, 91,3 millions d’euros) est l’attaquant le plus cher de Premier League anglaise, devant Raheem Sterling (Manchester City, 89,8). Loin devant, en Espagne, on trouve les intouchables du Barça, Lionel Messi (250,7) et Neymar (152,7).

“La corrélation (entre les valeurs de transferts estimées et effectivement payées dans la réalité) est supérieure à 80%”, se félicite Raffaele Poli, co-fondateur de l’Observatoire du football, dans un entretien à l’AFP.

Autre “agence de notation” des footballeurs, le site allemand Transfermarkt jouit déjà d’une légitimité auprès des dirigeants de clubs grâce à son baromètre. Cet outil donne la valeur de plus de 400.000 joueurs, et est actualisé deux à quatre fois par an.

Dans son document de référence 2014/2015 destiné aux investisseurs, OL Groupe — la société française côtée en Bourse qui coiffe l’Olympique Lyonnais — s’était par exemple appuyé sur les estimations de Transfermarkt pour valoriser son effectif “à un montant global de plus de 166 millions d’euros au 30 juin 2015”.

“Nous fonctionnons comme Wikipedia”, explique à l’AFP Thomas Lintz, responsable des opérations internationales du site racheté en 2008 par le groupe de médias Axel Springer. Il attire jusqu’à 3,2 millions de visiteurs par jour en période de mercato et se rémunère grâce à la publicité.

Les 200.000 utilisateurs inscrits débattent entre eux et proposent un prix pour chaque joueur, sous la supervision de modérateurs qui font le tri et fixent la valeur sur la base d’un compromis. Puis “tout cela est ensuite vérifié au siège pour enfin être publié sur le site”, détaille M. Lintz.

Humain, trop humain

Malgré leur pertinence, ces baromètres sont toutefois encore loin d’être infaillibles. Dans le cas du CIES, l’algorithme est par exemple incapable de prendre en compte les paramètres humains (capacité à résister à la pression, à se fondre dans le collectif, à s’adapter à un nouveau pays…), éléments pourtant clés pour tous les recruteurs.

“On le concède volontiers. D’ailleurs si notre modèle estimait à 100%, il n’aurait plus de raison d’être parce que cela voudrait dire que le marché serait parfait”, remarque Raffaele Poli en prenant l’exemple de Mario Balotelli, transféré à Liverpool pour environ 20 millions d’euros en 2014.

“Une bonne affaire” sur le papier selon lui, “mais si Liverpool a pu l’acheter à ce prix-là, c’est parce qu’il y avait visiblement des incertitudes liées à son état d’esprit”.

En permettant de définir un prix clair et accessible à tous, ces outils introduisent surtout une forme de transparence dans un marché où les transactions peuvent être occultes ou surévaluées.

“Le joueur suisse Tim Klose, que l’on a estimé à 4 millions d’euros, est parti pour environ 11 millions à Norwich. C’est quand même trois fois le prix estimé, un gros écart assez inexplicable”, s’interroge M. Poli.

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