L’avis de Bruno Colmant sur la perte de rating des Etats-Unis.
La perte de rating des Etats-Unis est probablement insignifiante. Une baisse du rating des États-Unis s’assimile à une nouvelle graduation de la perception de la solvabilité. Tout se passerait comme si les niveaux d’un thermomètre étaient arbitrairement modifiés, sans ce que cela ne change la réalité météorologique.
Les ratings sont relatifs et si la première puissance économique et militaire mondiale est perçue comme moins solvable, cela disqualifie tout rating qui lui serait supérieur, sauf pour des économies nettement plus petites, qui seraient alors des pays refuge (Allemagne, Suisse).
De plus, il faut réaliser que cette baisse de rating est une décision réfléchie des Etats-Unis, et qui est la conséquence naturelle des assouplissements monétaires. La dette publique et les assouplissements monétaires en vigueur aux USA sont des choix politiques destinés à ce que les Etats-Unis gardent leur statut de monnaie de réserve.
D’ailleurs, depuis l’abandon de l’étalon-or en 1971 par Nixon, l’économie est construite sur une superposition de monnaies fiduciaires (c’est-à-dire fondées sur la confiance) et dématérialisées. La valeur de la monnaie est basée sur le degré de confiance associé à un gouvernement de garantir le pouvoir d’achat de la monnaie. A l’extrême, un pays peut décider, contre ou en harmonie avec sa population, de modifier l’échelle de valeur monétaire, c’est-à-dire d’altérer le degré de confiance de sa monnaie. C’est alors la dépréciation et/ou l’inflation.
C’est ce qui se passe aux Etats-Unis
Comment réagiraient les américains à cette baisse de rating ? A notre intuition, les États-Unis voudront à tout prix garder leur suprématie financière, elle-même fondée sur une hégémonie commerciale et militaire. On constatera donc un mélange de complaisance monétaire (devrait conduire à un dollar structurellement plus faible) et de protectionnisme industriel larvé. Paradoxalement, une dégradation du rating des États-Unis pourrait donc les pousser à poursuivre l’assouplissement monétaire, plutôt que de subir une hausse des taux d’intérêt, qui serait la conséquence normale d’une dégradation de rating. La chute de rating se refléterait donc plutôt dans une baisse du cours du dollar plutôt que dans une élévation des taux d’intérêt.
Ceci pourrait entretenir des pressions inflationnistes qui alimenteront elles-mêmes la faiblesse du dollar jusqu’au moment où un resserrement monétaire serait inéluctable. C’est d’ailleurs exactement ce qui s’est passé après que Nixon ait abandonné l’étalon-or en 1971.
Par rapport l’Euro, la faiblesse du dollar sera compensée par les risques de fragmentation de la monnaie unique européenne. Le rapport de change entre les deux devises reflétera donc l’équilibre relatif des dettes publiques et de l’expansionnisme monétaire constatés sur les deux continents.
Bruno Colmant