Marc Buelens

Avez-vous un esprit de croissance ou au contraire un esprit fixe?

Marc Buelens Professeur

“Quand on veut, on ne peut pas toujours. Mais être convaincu que vouloir égal pouvoir, fait déjà la différence”, nous explique Marc Buelens, professeur émérite à la Vlerick Business School.

Vous avez probablement un esprit de croissance. Vous êtes convaincu qu’il est toujours possible d’apprendre, de se former et de grandir. Ou est-ce le contraire ? Avec vous un esprit fixe ? Vous êtes alors convaincu que nous naissons avec des limites fixes, et que nous avons peu de chance de pouvoir les repousser. Dans le domaine des mathématiques ou de la danse, il est probable que vous soyez convaincu que vos compétences n’évolueront jamais, mais vous pensez toujours que vous pouvez améliorer chaque jour vos compétences relationnelles, votre patience ou votre maitrise de cette langue étrangère que vous aimez tant.

Ces deux états d’esprit ne sont pas des jouets réservés aux philosophes. Ils ont un véritable impact sur la justice, les systèmes de promotion et de rémunération et la façon dont nous répartissons les responsabilités. Dans l’enseignement, l’état d’esprit des professeurs et des responsables est loin d’être sans conséquence. Si vous croyez au potentiel de croissance, alors vous miserez sur les défis, en utilisant des systèmes didactiques plus performants. Si vous avez un état d’esprit fixe, vous entourerez principalement les enfants d’amour et de patience, vous éviterez toute forme de compétition — car la compétition est alors fondamentalement injuste — et vous veillerez à ce que les récompenses soient équitablement réparties. Les gens peuvent bien sûr évoluer, car ils deviennent plus matures. Les enfants grandissent, les travailleurs acquièrent de l’expérience, mais on ne peut vraiment parler de changement radical.

Avez-vous un esprit de croissance ?

S’agit-il d’idéologies, ou la science a-t-elle son mot à dire ? Cette question est importante, car la crise sanitaire a mis notre résilience à dure épreuve. Tenons-nous bon, car nous le voulons, ou allons-nous simplement devoir laisser le temps guérir toutes les blessures ? Dans le premier cas, les autorités doivent motiver et parfois punir. Dans le second cas, les autorités doivent principalement demander à la population d’être patiente et d’accepter la situation.

The American Psychologist a récemment publié un résumé de toutes les études menées à ce sujet. Et la conclusion est limpide. L’esprit de croissance est très pertinent : les personnes convaincues que nous pouvons toujours apprendre obtiennent de meilleurs résultats. Ce n’est pas une illusion. Quand on veut, on ne peut pas toujours. Mais être convaincu que vouloir égal pouvoir, fait déjà la différence. Personnellement, je suis aussi convaincu que c’est cet état d’esprit que nous pouvons attendre de nos dirigeants. Yes, we can! Les personnes avec un esprit fixe pensent que faire des efforts ne sert de toute façon à rien et qu’il vaut mieux ne pas avoir trop d’ambition, car cela n’engendre que de la déception. La meilleure manière de devenir… un loser. Évidemment, si la société et la vie ne vous ont pas fait de cadeau et que vous n’avez pas reçu les bons modèles étant petit, il y a de fortes chances que vous développiez une mentalité fixe.

L’étude met toutefois le doigt sur un sujet sensible. Les reportages journalistiques font souvent passer le message que si un professeur (ne) croit (pas) en un enfant, celui-ci obtiendra de bons (mauvais) résultats. Pourtant, ces articles sensationnalistes ne sont souvent pas fondés sur des preuves. Ce qui fait vraiment une différence, c’est lorsque les enseignants sont convaincus de l’importance de leur travail.

Ces résultats peuvent nous aider à aborder certains problèmes actuels. Tout le monde parle des anti-vaccins. Mais peut-être n’est-ce là qu’une manifestation particulière d’une tendance plus générale, celle de la mentalité fixe ? En médecine, l’efficacité des traitements placebo n’est plus à prouver. La foi déplace littéralement des montagnes. Les placebos fonctionnent-ils principalement chez les personnes ayant un esprit de croissance ? Et cela explique la persistance de nombreuses méthodes de gestion, parfois carrément stupides. Il suffit d’y croire pour qu’elles fonctionnent. Mais mon état d’esprit personnel m’avertit que cette vision ouvre un peu trop facilement la porte à toutes sortes de charlatans. Et ça, je n’en démordrai pas.

Marc Buelens, Professeur émérite à la Vlerick Business School.

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