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60 % d’échecs

Le bilan des OPA est loin d’être brillant. La majorité d’entre elles n’ont pas créé de valeur pour les actionnaires ou les sociétés concernées.

Le n° 1 de l’industrie minière BHP cherche à mettre la main sur le leader mondial des engrais, Potash. Le groupe énergétique GDF Suez vient d’acquérir 70 % du capital du britannique International Power. Le leader mondial des processeurs, Intel, a surpris le marché en rachetant l’éditeur de logiciels de sécurité informatique McAfee. Le groupe pharmaceutique Sanofi-Aventis est en pourparler avec le n°3 mondial des biotechnologies, Genzyme. Ces dernières semaines, les annonces de fusions ou d’acquisitions se sont multipliées après une année extrêmement calme dans ce segment.

Contrairement aux années précédentes, cette nouvelle vague est initiée par les acteurs industriels et non par les acteurs financiers. Dans le cas de BHP notamment, l’objectif n’est pas d’acquérir de nouvelles parts de marchés dans son core business mais plutôt d’étendre sa sphère d’activité et d’atteindre de nouveaux clients. Et pourquoi pas miser, par la même occasion, sur les marchés émergents qui représentent le pôle de croissance des années à venir.

Sur papier, la logique paraît couler de source.

Pourtant, le bilan des fusions et acquisitions est loin d’être brillant. En effet, il a été démontré à plusieurs reprises que près de 60 % de ces opérations se sont révélées désastreuses et n’ont pas créé de valeur pour les actionnaires ou pour les sociétés concernées. “Beaucoup de grandes fusions/ acquisitions de ces 10 dernières années se sont soldées par un échec, résume l’économiste Eric de Keuleneer, dans une interview à nos confrères du Vif/L’Express. Dès lors qu’on lie la rémunération des dirigeants à la taille des entreprises, dès lors qu’on donne des bonus à ceux qui réalisent des acquisitions, on encourage les OPA au-delà de toute raison. C’est pervers.”

A ce propos, l’étude menée par le professeur indien Mallikajunappa de l’université de Mangalore sur les causes d’échecs de fusions et acquisitions me paraît intéressante car parmi la vingtaine de raisons recensées dans l’étude, trois semblent particulièrement actuelles.

La première est la question de la taille des entreprises impliquées dans de telles transactions. Certains groupes ont les yeux plus grands que le ventre, d’autres n’investissent pas assez de temps dans l’intégration car la proie représente une petite partie de leur chiffre d’affaires. Une analyse de 1.200 cas de rapprochements entre 1980 et 2001 démontre ainsi que les entreprises de plus petites tailles réalisent de meilleures acquisitions alors que les plus grands groupes affichent de moins bons résultats. Les géants mondiaux qui ont débuté leur shopping devraient tenir cet élément à l’oeil.

Deuxième raison d’échec : une trop grande diversification. La méconnaissance du business, des marchés ou des clients de la société acquise peuvent être autant de pièges pour l’acquéreur. Or c’est justement la logique qui anime certains projets d’acquisitions actuellement sur la table. Cette méconnaissance pousse également certains patrons à surestimer la valeur qu’ils pourront créer une fois la société sous leur contrôle. Les synergies et les économies espérées doivent alors être revues à la baisse.

Troisième raison d’être vigilant : la course à la taille peut être mauvaise conseillère. “A vouloir être le plus grand, on oublie l’essentiel : la création de valeur pour les actionnaires”, met en garde le professeur indien. De plus, la taille n’est plus une protection en soi. Potash, leader mondial dans les engrais, peut en témoigner…

Enfin, outre les intérêts des actionnaires, ceux des consommateurs ne sont pas toujours servis par ces mouvements de rapprochement. Une trop grande concentration – comme c’est notamment le cas dans le secteur des matières premières – bloque toute concurrence et pousse les prix à la hausse. Tous ces éléments invitent les patrons à la plus grande prudence lors de leurs prochaines acquisitions.

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