Les nouveaux managers, ou comment piloter positivement dans un monde incertain

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Matthieu Biava, le directeur général de Balthazar, et notre compatriote Laurence Vanhée sont deux des plus grands spécialistes mondiaux de la transformation organisationnelle. Dans un livre dense et fouillé, ils donnent des repères face aux grandes mutations du monde du travail depuis la pandémie et l’avènement de l’IA et livrent des outils pratiques pour réussir une transformation à impact positif.

Fondatrice d’Happyformance et ancienne chief happiness officer du SPF Sécurité sociale, notre compatriote Laurence Vanhée accompagne, depuis plus de 10 ans, les entreprises et grands groupes belges et français dans la gestion positive du changement. Celui qui délivre un impact positif à l’entreprise, aux employés et aux autres parties prenantes. Ces derniers temps, elle distille ses conseils à Bollinger, la grande marque de champagne, à D’Ieteren, au groupe Rossel, à la Caisse Centre-France du Crédit Agricole ou la Médiation de l’Assurance en France. Basée à Paris et à Lyon, l’agence Balthazar suit la même démarche stratégique et collabore depuis des années sur des projets avec Happyformance.

Finalement, il était logique que Matthieu Biava, directeur général de Balthazar et directeur académique de ESCP Europe, l’école supérieure de commerce de Paris, et Laurence Vanhée, alignés sur les méthodes et les outils à conseiller, finissent par écrire un livre ensemble. Au cœur des transformations. Cultiver un équilibre dynamique pour générer des impacts positifs vient de sortir de presse.

Un état des lieux

Après la préface de Pascal Demurger, le directeur général de la MAIF, l’une des plus grandes mutuelles de France, les deux auteurs dressent d’abord un état des lieux complet sur le monde du travail d’aujourd’hui.

“Nous passons en revue les évolutions fortes de ces dernières années, explique Laurence Vanhée. Et elles sont nombreuses. Celle du monde du travail en lui-même avec, entre autres, l’impact de l’IA, l’arrivée de l’économie de plateformes et l’avènement des intérim experts. Nous nous penchons ensuite sur la place différente du travail dans la vie avec l’impact sur les carrières et les relations au travail et les attentes des générations. Pour finir, nous analysons la manière dont certains codes ont été cassés ces dernières années : l’ego des managers, l’immobilier, le développement personnel, les vieilles stratégies RH, etc. Soit toute une série de situations vécues au quotidien par les managers d’aujourd’hui.

Sans repères

Certains peuvent se trouver sans repères face à des équipes dont les membres ont des aspirations radicalement différentes, face au télétravail, face à des phénomènes comme le quiet vacationing, la démission silencieuse ou la loyauté temporaire. L’idée est de permettre à tous ces managers de prendre du recul par rapport à ce qu’ils vivent et de leur offrir des pistes de réflexion.”

Cette première partie, bien documentée et très intéressante, est rythmée, dans chacun de ses chapitres et sous-sections, par des témoignages de CEO et de top managers. Manuel Pallage, le CEO de NSI, l’un des fleurons wallons de l’IT, y évoque la culture forte qui règne dans son entreprise et la nécessité de mettre son ego de côté.
“Les dirigeants qui favorisent leur ego personnel au détriment des réussites collectives se trompent profondément de stratégie. Si un leader met son intérêt personnel au-dessus de celui de son équipe, il ne pourra jamais obtenir le meilleur de ses collaborateurs ni de lui-même. Je dis souvent que sans les équipes, je ne suis rien. Notre culture encourage la collaboration, l’humilité et le partage des réussites. Cela signifie qu’en tant que dirigeants, nous devons être des modèles.”

Cultiver prend du temps

La deuxième partie du livre, plus technique, donne des outils pratiques pour piloter des transformations, comprendre les cadres de référence et les impacts générés. Avec un leitmotiv permanent : il faut cultiver un équilibre dynamique.

“Je parle toujours de transformation par métiers pour éviter que le changement soit déconnecté de la réalité.
Laurence Vanhée

Laurence Vanhée

“Cultiver prend du temps, souligne Laurence Vanhée. Il faut que les graines plantées germent. Ensuite, il est crucial de définir les fréquences d’arrosage. Équilibre dynamique ? Oui, car rien n’est plus jamais figé dans le monde actuel. Il faut sans cesse remettre son ouvrage sur le métier en gardant en tête l’idée d’impact positif. Ce ne peut jamais être des injonctions. On parle beaucoup des middle managers de nos jours, qui sont coincés entre le marteau et l’enclume et qui sont parfois dépassés par les objectifs venus d’en haut et les aspirations de leur équipe.

C’est pour cela que je parle toujours, et le livre est très clair à ce sujet, de transformation par métiers pour éviter que le changement soit déconnecté de la réalité. Le rythme du changement n’est forcément pas le même à la comptabilité que dans le département commercial. Les besoins diffèrent aussi. La transformation doit être placée à l’aune de ce que vivent les gens pour éviter de se heurter à de l’incompréhension ou à des résistances fortes. Le but final ne change pas, mais la manière d’y arriver diffère. Une transformation n’est pas un rouleau compresseur sans âme. Ce que certains peuvent ressentir lors de transformations pilotées par des consultants externes.”

Tiens, une consultante externe qui met en doute les transformations pilotées par des consultants externes ? “Je ne pilote jamais de A à Z, sourit Laurence Vanhée. Je conseille sur le comment et parfois je pilote conjointement. Le changement doit se cocréer en interne pour qu’il soit efficace, compris, soutenu et accepté.”

Les nouveaux managers

La fin du livre est consacrée aux nouveaux paradigmes managériaux. Ils sont la conséquence logique des changements et de la nécessité de construire une entreprise plus agile et collaborative. Face aux nouvelles aspirations, aux nouvelles réalités du monde du travail, aux pénuries de talents, aux évolutions technologiques qui s’enchaînent, le manager ne peut évidemment rester bloqué au siècle dernier. Même si certains, hélas, n’ont pas abandonné leur besoin d’autoritarisme et de contrôle effréné.

Laurence Vanhée et Matthieu Biava listent trois types de nouveaux paradigmes managériaux. D’une part, ceux qui tiennent à soi. Ce sont les plus difficiles à accepter car ils supposent une remise en question personnelle et une modification d’un type de gestion parfois utilisé depuis plus d’une décennie. On y retrouve le paradigme de la confiance et du courage, par exemple. D’autre part, ceux sur lesquels les équipes ont une influence. Soit la convivialité, le partage et l’alignement. Enfin, ceux sur lesquels l’organisation a une influence : la flexibilité, le droit à l’erreur et la transversalité. Voilà 30 dernières pages (avant la conclusion du livre) que tous les dirigeants et managers de ce pays seraient bien inspirés de lire… z

“Au cœur des transformations. Cultiver un équilibre dynamique pour générer des impacts positifs”, Matthieu Biava et Laurence Vanhée, 336 pages, Éditions EMS, 25 euros.

© PG

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