Le samedi, jour ouvrable?

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Le samedi a toujours été considéré comme un jour ouvrable en droit du travail. Mais un nouvel article du Code civil fait couler beaucoup d’encre.

Le nouvel article 1.7 du Code civil publié le 1er juillet 2022 et entré en vigueur ce 1er janvier dispose que les samedis (comme les dimanches et les jours fériés) ne doivent pas être considérés comme des jours ouvrables. Une bombe, en droit du travail…

Initialement, la notion de jour ouvrable n’était pas définie, ni dans le Code civil, ni dans la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail. En droit du travail et selon la jurisprudence, il s’agissait d’une notion autonome devant être comprise comme “tout jour où il est susceptible d’être travaillé”. Le samedi devait donc être considéré comme un jour ouvrable.

Incidence notable

Après la publication du nouvel article, la question s’est d’emblée posée de savoir si cette disposition aurait vocation à s’appliquer comme telle en droit du travail et de la sécurité sociale. Le cas échéant, elle aurait une incidence notable sur les relations de travail, où de nombreux délais sont exprimés en jours ouvrables (notification d’un licenciement par recommandé, d’une sanction disciplinaire, d’un certificat médical, etc.). Par exemple, le samedi ayant toujours été vu comme un jour ouvrable, il devait être inclus dans le (double) délai de trois jours ouvrables prévu pour notifier un licenciement pour motif grave.

Autre cas: la notification d’un délai de préavis de licenciement ordinaire par courrier recommandé qui, historiquement, a toujours dû intervenir au plus tard le mercredi afin que le préavis prenne cours le lundi suivant. En effet, le congé moyennant un préavis à prester débute le lundi qui suit la semaine au cours de laquelle il est notifié. En cas de notification par recommandé, le préavis est censé être reçu le troisième jour ouvrable suivant la date de l’envoi.

Dès lors que le samedi est vu comme un jour ouvrable, le courrier de rupture doit impérativement être adressé le mercredi au plus tard afin que le travailleur en soit informé le samedi (jour ouvrable donc) et que le délai de préavis puisse débuter le lundi.

Maintenir l’ordre établi

Le nouvel article 1.7 est le fruit d’une volonté louable du législateur de clarifier les textes mais il chamboulait quelque peu l’ordre établi. Le législateur a néanmoins prévu la possibilité de déroger à cette définition, laquelle ne s’applique “qu’en l’absence de disposition légale ou d’acte juridique contraire”. Moyennant une précision législative en ce sens, il est donc possible de considérer le samedi comme un jour ouvrable dans certaines matières.

Dans ce contexte, Pierre-Yves Dermagne, ministre de l’Economie et du Travail, a donné pour mission au Conseil national du travail (CNT) de se prononcer sur la notion de “jour ouvrable”. Le 16 novembre 2022, le CNT a rendu un avis unanime sur cette question (avis n° 2.325), jugeant nécessaire de maintenir le système actuel en droit du travail, de la sécurité sociale et à l’assistance sociale afin de pouvoir garantir la sécurité juridique et la prévisibilité sur le terrain.

C’est ainsi que, sur conseil du CNT, le législateur est intervenu pour “neutraliser” l’article 1.7 dans les trois domaines précités. Dans ces matières, le samedi reste exceptionnellement un jour ouvrable. Pas de crainte à avoir, donc, pour les employeurs et les travailleurs, qui peuvent continuer à calculer les délais tels qu’ils l’ont toujours fait.

Caroline van der Rest, avocate en droit du travail chez Younity

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