Entreprises: quelle attitude adopter face à TikTok?

En Belgique, des institutions – gouvernements en tête – ont interdit TikTok sur les téléphones professionnels de leurs employés. Les Etats-Unis menacent de bannir carrément l’appli sur son territoire. Mais qu’en est-il de nos entreprises?

Les employeurs, face au succès fulgurant de TikTok, peuvent se sentir démunis. Ce programme installé sur des appareils professionnels représente-t-il un risque? Et comme pour les autres réseaux sociaux, les travailleurs ne passent-ils pas trop de temps sur TikTok? Et si une vidéo ridiculise l’entreprise, quel recours l’employeur aurait-il?

Face à ces questions, l’employeur peut être tenté d’interdire purement et simplement, comme le gouvernement fédéral ou wallon, tout usage de TikTok par son travailleur. Cependant, une interdiction générale n’est juridiquement pas envisageable. Tout dépend du contexte et de l’appareil avec lequel TikTok est utilisé. En tout état de cause, des accords clairs et discutés avec les travailleurs seront plus facilement intégrés que des interdictions imposées par l’employeur.

Téléphone privé ou professionnel?

S’il s’agit d’un téléphone portable ou d’un ordinateur mis à disposition par l’employeur au travailleur, l’utilisation de celui-ci peut être réglementée dans une policy signée par les deux parties. Dans le cadre de cette police, il peut être envisagé d’exclure l’installation de TikTok. Aucune justification particulière n’est requise. Par contre, s’il s’agit du téléphone privé du travailleur, il faut faire une distinction entre l’utilisation qui en est faite pendant et en dehors des heures de travail.

Pendant les heures de travail, la loi sur le contrat de travail dispose que le travailleur doit exécuter son travail avec soin, probité et conscience au temps, au lieu et dans les conditions convenues et agir conformément aux ordres et aux instructions qui lui sont donnés par l’employeur. En d’autres termes, le travailleur doit exécuter son travail comme convenu dans le contrat de travail et si l’utilisation de TikTok n’en fait pas partie, l’employeur peut utiliser cet argument pour interdire toute consultation de TikTok pendant les heures de travail.

En dehors de celles-ci, par contre, le travailleur n’est pas soumis au lien de subordination à son employeur. En outre, le travailleur dispose du droit à la vie privée ainsi que du droit à la liberté d’expression qui sont consacrés par la Constitution. L’employeur ne peut donc en principe pas lui imposer ou interdire quoi que ce soit en dehors des heures de travail avec un appareil privé.

Cependant, ces droits ne sont pas illimités. L’article 10 de la CEDH, notamment, prévoit que l’exercice de la liberté d’expression comporte des devoirs et des responsabilités et peut être soumise, sous conditions, à certaines restrictions et sanctions. Par exemple pour la protection de la réputation ou les droits d’autrui.

En outre, dans notre pays, la loi sur le contrat de travail précise qu’employeur et travailleur se doivent “le respect et les égards mutuels”. Par conséquent, s’il ne peut pas être interdit au travailleur de consulter ou de publier des vidéos sur TikTok en dehors de ses heures de travail, ce dernier doit s’abstenir d’y publier un contenu qui risquerait de nuire à l’employeur. Donc, afin d’éviter de devoir intervenir une fois que le mal est fait, un courrier rappelant ces principes adressé à l’ensemble des travailleurs peut être conseillé.

Laura Couchard,
conseillère juridique chez Acerta

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