Une ministre en pleurs et des taux qui partent en flèche : que se passe-t-il au Royaume-Uni ?

Keir Starmer et Rachel Reeves, ce mercredi au Parlement. Image : YouTube, Joe, House of Commons Parliamentlive TV.
Charly Pohu

Après les larmes de la ministre des Finances au Parlement britannique, les marchés imaginaient sa démission, dans un contexte budgétaire particulièrement tendu. Les taux sont partis en flèche et la livre a chuté.

Scène surréaliste au Parlement britannique ce mercredi : la ministre des Finances, Rachel Reeves, en train de pleurer en pleine séance. Elle est assise sur le banc du gouvernement, derrière le Premier ministre Keir Starmer (tous deux du parti travailliste), en train de parler aux députés. Ce dernier n’a pas remarqué le désarroi de sa collègue.

Le débat, à ce moment-là, concernait la position de la minsitre – certains appellent à sa démission. Et Starmer ne l’a pas véritablement défendue. Par la suite, le gouvernement expliquait que les pleurs étaient dus à une situation personnelle.

Mais pour les marchés, le mal était déjà fait. C’était, pour eux, le signe clair que Reeves allait être remerciée ou allait démissionner. La livre a chuté de 1,1655 à 1,1538 euro en moins de trois heures (et se négocie toujours à 1,158 euro à l’heure d’écrire ces lignes), soit une baisse de 1%. En dollar, la livre a également perdu 1% sur la même période. Le taux d’intérêt à 10 ans a augmenté de plus de 17 points de base sur une période encore plus courte après ce moment au Parlement, et celui à un an de 12 points.

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Que se passe-t-il ?

Mais que cela veut-il dire ? Comme ailleurs en Belgique, notamment en France ou en Belgique, le gouvernement britannique a une dette élevée et un déficit en hausse. Et en ce moment, il travaille sur son budget, qui court d’automne 2025 à automne 2026.

Mais la Chancelière de l’Échiquier, comme le poste de grand argentier est également appelée outre-Manche, a une épine dans le pied : le budget de l’année dernière. Le gouvernement avait alors augmenté les dépenses, et promis une hausse des impôts sur les entreprises pour combler la différence. En plus de cela, Reeves, pour garder la situation budgétaire en main, avait instauré deux mesures de contrôle des finances. Primo que les dépenses courantes du gouvernement ne pourraient pas être couvertes par des dettes, mais par des revenus fiscaux, et secundo que le ratio dette/PIB commencerait à chuter dès 2029.

Un an plus tard, la situation s’est donc finalement aggravée. Le gouvernement est entre-temps revenu sur quelques baisses des dépenses (effectuées dans les allocations sociales notamment) décidées pour 24-25. Et a annoncé de nouveaux plans d’investissement pluriannuels dans l’infrastructure.

Imbroglio

Ce qui laisse donc peu de marge de manoeuvre au gouvernement pour le budget à venir. Et il doit se défendre contre l’opposition (qui demande plus de rigueur), mais aussi des dissidents dans ses rangs (qui demandent plus de dépenses et à revoir les réductions dans les allocations sociales). Dans ce scénario, si Reeves venait à ne plus faire partie du gouvernement et que ses mesures de contrôle du budget partaient avec elles, les perspectives deviendraient encore plus délicates pour les finances publiques. D’où ce mouvement sur les marchés… qui pourrait donc continuer, en fonction de l’évolution de l’actualité. Où d’autres secousses seraient à attendre.

“Sur le plan financier et économique, ils ne peuvent pas faire grand-chose, et Rachel Reeves a maintenant une tâche très difficile à accomplir : trouver des fonds supplémentaires sans recourir à d’autres mesures qui risqueraient de perturber les marchés, notamment en empruntant davantage ou en augmentant les impôts. Je pense donc que le gouvernement se trouve dans une impasse totale”, explique Max Wilson, expert en realtions publiques chez Whitehouse Communications, à CNBC.

“En ce qui concerne le prochain budget d’automne, quel que soit le chancelier, il aura des décisions très difficiles à prendre. Et je pense que, pour nous, il est vraiment crucial de respecter les règles budgétaires existantes, car cela permettrait d’envoyer un signal de crédibilité et de confiance au marché”, ajoute Simon Pittaway, économiste à la Resolution Foundation. “Le respect de ces règles budgétaires et, en fonction des priorités du gouvernement, une combinaison d’augmentation des impôts et de réduction des dépenses vers la fin de la période de prévision pourrait être la voie à suivre.”

Affaire à suivre… le Royaume-Uni va-t-il connaître la même mini-crise financière en septembre 2022, lorsque Liz Truss présentait son “mini-budget” ?

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