Un environnement plus favorable aux petites capitalisations

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Après plusieurs années de performances décevantes, les vents pourraient redevenir favorables pour les petites et moyennes capitalisations.

À force d’avoir vu les grandes valeurs technologiques américaines dominer les débats durant les dernières années, l’investisseur pourrait facilement oublier que pendant plus de deux décennies, ce sont les petites et moyennes capitalisations qui ont réalisé des performances boursières étincelantes, avec des valorisations qui dépassaient largement celles des grosses sociétés en raison d’une croissance beaucoup plus rapide de leur chiffre d’affaires et de leurs résultats.

Impact de la pandémie

Au cours des trois dernières années, les indices de petites capitalisations sont toutefois restés à la traîne. En Europe, elles se négocient désormais à des niveaux historiquement bas par rapport aux grandes capitalisations. “Il ne faut pas sous-estimer l’impact que la pandémie a eu sur cette classe d’actifs, souligne Benjamin Griffiths, gestionnaire de fonds en petites capitalisations internationales chez T. Rowe Price. Entre février 2001 et décembre 2019, les indices des petites capitalisations avaient surperformé mensuellement les indices globaux 98% du temps. Leur prime de valorisation a désormais totalement disparu.”

Les petites entreprises ont souvent moins de résistance par rapport aux chocs économiques et géopolitiques. Leur faible liquidité les expose également aux changements de sentiments sur les marchés financiers, en particulier lors des périodes de forte volatilité, comme ce fut par exemple le cas suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Les petites capitalisations européennes sont également plus sensibles aux fluctuations des devises, en particulier si elles doivent importer des biens pour vendre sur les marchés domestiques.

Hausse des taux

La hausse des taux a également rendu plus difficile l’accès au marché du crédit pour les petites entreprises, et a renchéri les frais financiers lorsqu’elles sont endettées à taux variable, ce qui est courant parmi les petites et moyennes entreprises. Ceci explique également une grande partie de la performance décevante de cette classe d’actifs depuis plusieurs années.

“La forte sous-performance des petites et moyennes capitalisations américaines n’a pas été provoquée par de mauvais résultats, car ceux-ci ont été généralement bons, mais bien par une compression des multiples causée par le scepticisme du marché quant à la durabilité des résultats qui a amené cette classe d’actifs sur un niveau de décote très importante par rapport aux grandes capitalisations”, indique Gregory Spiegel, gestionnaire du fonds Neuberger Berman US Small Cap.

“En Europe, les petites capitalisations ont historiquement surperformé par rapport aux grandes capitalisations jusqu’au déclenchement de la pandémie, confirme Boris Albert, global head of active allocation chez HSBC Asset Management. Elles se négocient aujourd’hui à une décote par rapport à leur valorisation historique, ce qui pourrait signaler un point d’entrée intéressant, en particulier si certaines incertitudes venaient à diminuer.”

Facteurs de soutien

Pour Bart Geukens, gestionnaire du fonds DPAM-Equities Europe Small Caps Sustainable, il existe toutefois des signes qu’un retournement est possible durant les prochains mois. “L’atténuation de l’inflation, la stabilisation des chaînes d’approvisionnement et les changements anticipés dans la politique monétaire suggèrent qu’une approche active des petites capitalisations peut offrir des opportunités convaincantes pour les investisseurs.”

Les gestionnaires de fonds mettent également en avant l’impact d’une activité plus dynamique au niveau des fusions et acquisitions, qui concernent très majoritairement (entre 90 et 95 % en Europe) des entreprises appartenant à l’univers des petites et moyennes capitalisations. En raison des taux élevés, le volume d’opérations avait sensiblement diminué depuis 2022, mais ils s’attendent désormais à une poursuite du redressement des opérations de croissance externe durant les prochains trimestres.

Soutien européen

L’Europe est bon marché par rapport aux États-Unis, pour un certain nombre de raisons. Mais la région pourrait désormais bénéficier d’un environnement plus favorable, comme une résolution de la guerre en Ukraine ou des élections allemandes débouchant sur une coalition favorable aux dépenses et aux emprunts. Pour Nick Sheridan, gestionnaire du fonds Janus Henderson Horizon Global Smaller Companies, “il y a de nombreuses raisons de croire qu’à court terme, les gens pourraient avoir une meilleure opinion des entreprises européennes et de leur rentabilité, ce qui augmentera le multiple qu’ils sont prêts à payer pour s’exposer sur cette classe d’actifs”.

Un facteur clairement favorable pour les petites capitalisations européennes est la détente des taux directeurs qui semble devoir se poursuivre pendant le reste de l’année 2025. James Ogilvy, gestionnaire du fonds Lazard Small Caps Euro, constate toutefois que l’impact favorable ne se fait généralement sentir qu’au bout de quelques trimestres. “En 2001, 2008 et 2011, il avait fallu attendre un peu plus de six mois après la première baisse des taux de la BCE avant d’observer en Europe une surperformance notable des small caps face aux large caps.” Il estime donc qu’une tendance plus favorable aux petites capitalisations européenne pourrait se mettre en place en 2025.

Attrait global

Par ailleurs, la performance boursière des petites capitalisations est également davantage sensible aux conditions macroéconomiques. “La poursuite de la baisse des taux devrait se traduire progressivement par un regain d’optimisme vis-à-vis des perspectives économiques.” James Ogilvy estime qu’il faudra particulièrement suivre l’évolution des indices manufacturiers européens durant les prochains mois pour détecter un environnement plus favorable aux small caps européennes.

Mais il n’y a pas qu’en Europe que le segment des small & mid caps pourrait enregistrer un redressement de ses perspectives. La normalisation de la croissance des résultats pour les grandes capitalisations technologiques devrait bénéficier aux petites capitalisations, dont la croissance bénéficiaire devrait mieux se maintenir. Benjamin Griffiths souligne que les meilleures perspectives au niveau international se situent plus particulièrement dans les small & mid caps britanniques qui sont peu exposées sur l’économie déprimée du Royaume-Uni, et pour les japonaises qui bénéficient du redressement des perspectives de l’économie japonaise en termes de consommation et de croissance salariale.

Relocalisation

Enfin, les gestionnaires spécialisés sur les petites capitalisations américaines mettent également en avant des facteurs plus spécifiques à cette classe d’actifs pour les prochaines années. “Les perspectives sont meilleures aujourd’hui qu’elles ne l’ont été depuis plusieurs années, estime ainsi Geoff Dailey, gestionnaire du fonds BNP Paribas US Small Cap. Les ratios cours/bénéfice des petites capitalisations sont encore bas par rapport aux grandes capitalisations, mais les bénéfices devraient croître de manière robuste en 2025 (+ 42%) et 2026 (+ 36%), avec une économie qui restera stimulée par un déficit budgétaire important.”

Geoff Dailey (BNP Paribas) © PG
“Les ratios cours/bénéfice des petites capitalisations sont encore bas, mais les bénéfices devraient croître de manière robuste en 2025 et 2026.” – Geoff Dailey (BNP Paribas)

Le segment devrait également bénéficier de la tendance à la relocalisation des entreprises vers les États-Unis, un mouvement renforcé par les mesures envisagées par l’administration Trump. “Pendant des années après l’admission de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001, les entreprises américaines se sont concentrées sur l’externalisation de la production vers des pays à faibles coûts pour améliorer leurs bénéfices”, estime Geoff Dailey. Celui-ci met en avant la mise en place de certaines législations au niveau américain visant à stimuler un cycle d’investissements qui “va bénéficier directement aux petites capitalisations américaines davantage exposées sur l’investissement domestique”, avec des opportunités dans des segments tels que le matériel informatique, les logiciels, les matériaux et même dans les services aux collectivités.

Pour Gregory Spiegel, la thématique du rapatriement des chaînes de production constitue également un facteur central dans son optimisme retrouvé pour les small & mid caps américaines. “Pour les petites entreprises générant plus de 80 % de leur chiffre d’affaires aux États-Unis, il s’agit d’une opportunité de croissance extraordinaire. L’approche de la nouvelle administration, qui entend privilégier la production américaine et réduire les contraintes réglementaires, constitue un autre facteur très favorable à la croissance de ce segment.” Enfin, l’allègement de la taxation des bénéfices des entreprises devrait également bénéficier directement aux petites sociétés, qui ont moins d’opportunités pour échapper à l’imposition de leurs résultats.

Approche qualité

Au niveau de la stratégie d’investissement, une approche visant les sociétés de qualité semble avoir la prédilection des gestionnaires. Nick Sheridan a démontré sa capacité à naviguer dans des conditions difficiles à la tête du fonds Janus Henderson Horizon Global Smaller Companies (ISIN : LU1984712320), avec une performance annualisée aux alentours des 14% durant les cinq dernières années, ce qui lui vaut une notation cinq étoiles chez Morningstar.

“Sur le long terme, c’est la rentabilité sur capitaux propres qui dicte l’orientation du cours, mais de nombreux facteurs (économiques, géopolitiques, etc.) peuvent venir perturber la vision des marchés à court terme et modifient le prix que les investisseurs sont prêts à payer, dit-il. Tant au niveau européen qu’au niveau global, je vais rechercher des entreprises de qualité dont le rendement des capitaux propres est soutenable, avec une valorisation qui ne reflète pas cette résilience. La quasi-totalité de notre performance sur le long terme provient de notre sélection d’actions individuelles (avec une durée de détention des différentes positions très longue, ndlr). Nous n’achetons pas une action dans l’optique de la revendre au bout de quelques semaines. Notre ambition est de la conserver aussi longtemps qu’elle est économiquement viable et que la valorisation me donne une marge de sécurité élevée.”

Bart Geukens vise également des entreprises de qualité, c’est-à-dire disposant d’avantages concurrentiels durables, à des niveaux de valorisation attractifs. Elles doivent également bénéficier de perspectives de croissance soutenables sur le long terme, en étant positionnées sur des marchés attractifs moins exposés aux risques réglementaires ou à la concurrence déloyale et féroce de l’étranger. “Historiquement, l’investissement dans des small & mid caps de qualité a permis d’obtenir des performances attractives car ces entreprises ont tendance à mieux résister aux tempêtes économiques, précise le gestionnaire. Elles convertissent souvent leurs atouts en rendements élevés et/ou croissants sur le capital investi, ce qui se traduit par une excellente génération de flux de trésorerie. Elles disposent ainsi de moyens pour réinvestir ces liquidités au bon moment.”

Bart Geukens (DPAM) © PG
“Historiquement, l’investissement dans des small & mid caps de qualité a permis d’obtenir des performances attractives car ces entreprises ont tendance à mieux résister aux tempêtes économiques.” – Bart Geukens (DPAM)

Détenir de telles sociétés permet de limiter les mouvements dans le portefeuille en étant relativement insensible aux mouvements du marché, ce qui permet de réduire les frais de transaction.

Gestion active

Enfin, il existe également un large consensus chez les gestionnaires concernant le besoin d’éviter les solutions passives pour s’exposer sur les petites capitalisations. Pour Gregory Spiegel, “il existe un grand nombre de petites sociétés qui sont très endettées et/ou très déficitaires, et qui constituent donc des investissements très risqués. Il existe un avantage clair pour les gestionnaires actifs qui identifient les sociétés qui sont en mesure de dégager des flux de trésorerie élevés.”

Nous pensons qu’adopter une gestion active est particulièrement important pour investir sur les petites capitalisations, estime encore Benjamin Griffiths. Il est important de pouvoir distinguer les vainqueurs des perdants, et éviter d’être exposés sur celles qui vont perdre de l’argent sur le long terme.” La couverture des analystes boursiers sur les petites capitalisations est également moins profonde, ce qui permet aux gestionnaires actifs de régulièrement trouver des opportunités attractives.

Concentration

“D’un point de vue historique, nous pouvons constater que les gestionnaires actifs ont généralement réalisé d’excellentes performances lorsque la concentration des marchés diminue, par exemple lors de l’éclatement de la bulle internet en 2000”, indique Benjamin Griffiths. Même s’il est difficile de savoir exactement à quel moment la concentration actuelle des marchés arrivera à son terme, l’expert estime qu’il y a des signes indiquant que la domination des méga-capitalisations technologiques américaines commence à s’atténuer.

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“L’engouement des médias pour les Sept Fantastiques a supporté les flux vers ces sociétés.” – Nick Sheridan (Janus Henderson)

Nick Sheridan pointe également la distorsion provoquée par les Sept Fantastiques par rapport à l’ensemble des marchés boursiers. “L’engouement des médias pour ces grandes sociétés a supporté les flux vers ces sociétés, qui investissent paradoxalement beaucoup dans des actifs physiques (centres de données par exemple pour Microsoft, ndlr). Ces investissements sont susceptibles de modifier le profil de croissance à moyen terme en faisant diminuer leur rentabilité sur capitaux propres.”

Une opportunité pour 2025

Pierre Puybasset, porte-parole de la gestion chez La Financière de l’Échiquier, martèle depuis plusieurs mois l’opportunité existant actuellement sur les petites et moyennes capitalisations. “C’est la plus longue période de sous-performance sur cette classe d’actifs depuis 25 ans, et nous pensons que nous approchons désormais de la fin du tunnel.”

Pierre Puybasset (La Financière de l’Échiquier) © PG
“C’est la plus longue période de sous-performance sur cette classe d’actifs depuis 25 ans, et nous pensons que nous approchons désormais de la fin du tunnel.” – Pierre Puybasset (La Financière de l’Échiquier)

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