Théories boursières: les “Sept Magnifiques” et l’effet janvier

LE RENDEMENT MOYEN de l’indice S&P 500 en janvier est de 3,2 % depuis près de 100 ans. © Bloomberg via Getty Images
Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

Les investisseurs aguerris le savent : il existe encore de bons et mauvais mois en Bourse. Mais la saisonnalité des marchés est aujourd’hui fortement tributaire des valeurs technologiques comme Apple, Microsoft, Meta ou encore Nvidia.

C’est sans doute l’une des théories boursières les plus connues: l’effet janvier. Selon ce dernier, le prix des actions aurait tendance à augmenter de façon significative lors du premier mois de l’année. Une étude américaine montre ainsi que depuis près de 100 ans, le rendement moyen de l’indice S&P 500 en janvier a été de 3,2 % alors qu’il n’était que de 1,1 % pour les 11 autres mois de l’année. Rachats de titres vendus en décem­bre pour des raisons fiscales, pri­mes de fin d’année des employés investies au début de l’année suivante, etc. : différentes raisons peuvent expliquer le phénomène, à commencer par le fait que pas mal d’investisseurs institutionnels, des fonds de pension, des assureurs, qui collectent des capitaux en fin d’année, ont en effet tendance à les investir soit en fin d’année soit au début de l’année qui suit. Et donc, “c’est ce flux de capitaux qui soutient généralement en début d’année les cours des fonds investis en actions, et cela touche en particulier les petites capitalisations”, situe Xavier Timmermans, stratégiste chez BNP Paribas Fortis.

Moins robuste

Si le phénomène reste d’actualité, tous les mois de janvier ne sont pas nécessairement aussi bons… Précisément, au moment d’écrire ces lignes, le Bel20 accusait un recul de plus d’un pour cent depuis le 1er janvier. Quant au S&P, l’indice phare de la Bourse de New York, il a fini en baisse les deux premiers jours de l’année pour la première fois depuis 2015 et a connu le pire début d’année depuis 2019, avant ensuite d’atteindre un plus haut niveau historique le 19 janvier. Bref, la tendance semble pour cette année moins robuste.

“Oui, en ce début 2024, ‘l’effet janvier’ n’est pas évident”, observe Michel Ernst, spécialiste des marchés chez CBC. Gare toutefois aux apparences. “En fait, continue Michel Ernst, on note une grande différence de performance au niveau géographique. La Chine poursuit une glissade qui semble inexorable depuis plus de trois ans, pour des raisons économiques et de mainmise des autorités sur de nombreuses sociétés locales. Par contre, le Japon continue sur sa belle lancée de 2023. Quant aux grands marchés boursiers occidentaux, le contraste constaté en 2023 s’est aussi confirmé en janvier.”

C’est-à-dire ? “Que les Etats-Unis ont plutôt le vent en poupe, à nouveau essentiellement portés par l’excellente forme des actions technologiques, entraînant plusieurs autres secteurs dans son sillage, alors que l’Europe est davantage en retrait, seuls les secteurs de la santé et de la technologie étant en hausse. Mais le secteur technologique ne représente que quelques pour cent des indices en Europe, contre près de 40 % aux Etats-Unis !”, ajoute l’expert de CBC.

La tech américaine

Force est en effet de constater que le club formé par les géants américains de la tech (Google, Amazon, Microsoft, Meta, Apple) auxquels s’ajoutent les voitures électriques de Tesla et les processeurs de Nvidia, pèse lourd. Très lourd. Les Magnificent Seven comme on les appelle – clin d’œil des analystes de Wall Street au titre original du film Les Sept Mercenaires – ont vu leur capitalisation boursière cumulée s’envoler de plus de 70 % en un an pour franchir la barre des 12.000 milliards de dollars.

En réalité, le poids boursier de ces géants est devenu tellement grand qu’ils ont pris une importance majeure dans l’évolution des marchés mondiaux en général. Selon Goldman Sachs, les “Sept Magnifiques” sont ainsi responsables des deux tiers des gains enregistrés par le S&P 500 l’an dernier. Conséquence, la saisonnalité des marchés boursiers est plus tributaire qu’auparavant des résultats publiés trimestriellement par ces sept valeurs. Il faut qu’elles soient à la hauteur des espérances.

Les meilleurs mois de l’année se situent généralement entre novembre et fin janvier, avril étant également un bon mois.” – Xavier Timmermans (BNP Paribas Fortis)

Si ces résultats sont majoritairement bons, et surtout meilleurs qu’attendus par les analystes, les Bourses ont de grandes chances d’être bien orientées. Par contre, “si les atten­tes des analystes ne sont pas rencontrées, les Bourses ont de grandes chances de baisser étant donné les poids de ces géants dans les indices boursiers”, résume Xavier Timmermans.

Mai et septembre

Plus globalement, au vu de ces observations, on peut même aller un cran plus loin et se poser la question suivante : les “saisons” ont-elles disparu en Bourse sous l’effet notamment de ces fameux “Sept Magnifiques” ? Pour Michel Ernst, la réponse est oui : “La mondialisation des transactions et l’interconnectivité des marchés financiers font que les marchés boursiers sont littéralement ouverts 24 heures sur 24 et à peu près tout le temps, donc l’intensité des transactions est à peu près la même tous les mois, avec certains pics d’activité, hors éléments exceptionnels comme le début de la pandémie ou le déclenchement de la guerre en Ukraine, tels que la publication des résultats trimestriels des sociétés.” Tout n’est toutefois pas perdu pour les amateurs de théories boursières. “Alors que les mois d’août et de septembre sont à éviter parce que les investisseurs ont pour ainsi dire d’autres choses en tête, il se vérifie que les meilleurs mois de l’année se situent généralement entre novembre et fin janvier, avril étant également un bon mois”, confie Xavier Timmermans.

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La mondialisation des transactions et l’interconnectivité des marchés financiers font que l’intensité des transactions est à peu près la même tous les mois.” – Michel Ernst (CBC)

Effectivement, “si janvier est traditionnellement un bon mois pour la Bourse, octobre a par contre mauvaise réputation après les krachs de 1987 ou 2008 par exemple”, rappelle Michel Ernst. “Mais en fait, c’est le mois de septembre qui surprend le plus, dit-il : depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, c’est lui qui a le moins bien performé si l’on prend à nouveau en compte le fameux indice américain S&P 500. Et selon l’adage “Sell in May and Go Away”, mai est aussi un “mauvais” mois.

La logique? Le nombre de dividendes distribués ce mois-là, fait que certains investisseurs vendent les actions à dividende après le détachement du coupon.” Mieux vaut le savoir. Même si comme le disait l’économiste Alfred Cowles, celui qui peut prédire la Bourse ne vous le dira sans doute jamais.

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