Taxer les paiements en crypto : un frein à l’innovation ou une nécessité fiscale ?

Bitcoin et pizza, image d'illustration. Getty Images.
Charly Pohu

Un achat, payé en cryptomonnaies, voudrait dire qu’on réalise une plus-value et qu’on devrait payer des taxes sur cette transaction. C’est ce qu’indique le député Vincent Van Quickenborne dans une analyse du projet de loi. Cette taxe pourrait nuire à l’adoption des cryptomonnaies et donc à ce jeune secteur.

La taxe sur les plus-values va impacter les investisseurs en cryptomonnaies. Comment? On ne le sait pas encore, car le flou persiste autour du seuil de taxation. Mais pas seulement: la taxe risque de toucher les cryptomonnaies dans leur philosophie et leur raison d’être.

Payer en crypto

Les cryptomonnaies se présentent comme une alternative décentralisée au système bancaire et financier mondial. Elles ambitionnent de devenir un véritable moyen de paiement, à l’instar de l’euro ou du dollar. Ce n’est toutefois pas encore une réalité. Si certaines enseignes – notamment dans le secteur du luxe, mais pas uniquement – acceptent les paiements en cryptomonnaies, il s’agit souvent davantage d’une opération marketing. Ces entreprises ne conservent généralement pas les bitcoins reçus, préférant les convertir immédiatement en devises officielles.

Or, un projet de taxation pourrait freiner davantage encore l’adoption des cryptomonnaies en Belgique. Voire dissuader les particuliers de les utiliser. « Si vous utilisez des cryptomonnaies pour acheter une pizza, cela constitue, selon l’administration fiscale, la réalisation d’une plus-value », avertit le député libéral Vincent Van Quickenborne (ancien ministre de la Justice) dans un post LinkedIn, où il partage le texte du projet de loi dans sa version actualisée, amendée à la demande du parti Vooruit. Concrètement, toute plus-value réalisée lors d’un paiement en crypto serait soumise à imposition.

La Belgique risque ainsi de se retrouver désavantagée par rapport à d’autres pays européens, voire mondiaux, qui adoptent des approches plus incitatives. À l’international, de nombreux gouvernements cherchent en effet à encadrer le secteur des cryptomonnaies tout en favorisant son développement.

Difficultés… et différences de traitement

A niveau pratique, il y a aussi des difficultés pour calculer cette plus-value. D’un côté, on pourrait regarder le cours en euro au moment de l’achat du cryptoactif, et le prix en euro du produit acheté au moment de cet achat. Mais si la personne achète des crypto tous les mois et que le cours évolue fortement (dans les deux sens), vers le haut mais aussi le bas… comment savoir quelle est la vraie plus-value dans ce cas, au moment de la vente ?

Un autre scénario, pourtant au cœur de l’ambition initiale des cryptomonnaies, serait celui d’une transaction directe entre le client et le commerçant, en crypto, sans conversion en euros. Une forme de troc numérique, où les deux parties s’accordent sur une valeur indépendante des monnaies officielles. Et si, à terme, certains salariés percevaient l’intégralité de leur rémunération en cryptomonnaie, devraient-ils s’acquitter d’une taxe de 10 % ou 33 % lors de chaque dépense ? Un scénario encore théorique, mais que la fiscalité actuelle pourrait empêcher de se concrétiser.

Il convient également de souligner que les paiements en cryptomonnaie pourraient, dans certains cas, servir à contourner la taxation des plus-values. Si les achats échappaient à cette imposition, les investisseurs pourraient être tentés d’acquérir des biens immobiliers ou des articles de luxe afin de convertir discrètement leurs gains en actifs plus stables. Le défi pour l’administration fiscale consistera alors à distinguer une transaction de consommation classique d’une opération relevant d’une stratégie patrimoniale.

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Autre écueil soulevé par cette taxation : la différence de traitement entre les cryptomonnaies et d’autres devises. Prenons un exemple concret : un touriste échange des euros contre des dollars pour un séjour aux États-Unis. De retour en Belgique, il conserve une partie du cash. Six mois plus tard, il retourne outre-Atlantique et constate que le dollar s’est déprécié de 10 % par rapport à l’euro. Il règle alors un achat avec ce qu’il lui reste : une pizza à 15 dollars, soit 12,75 euros contre 14,70 euros lors de son premier séjour. Il a donc, en théorie, réalisé une plus-value de 2 euros. Pourtant, cette opération n’est pas soumise à taxation.

Cette asymétrie de traitement pourrait interroger, alors même que la fiscalité sur les plus-values issues des cryptomonnaies tend à se durcir. Le projet de loi doit encore suivre son parcours législatif avant d’éventuellement entrer en vigueur, mais il suscite d’ores et déjà de vifs débats dans le secteur.

L’anecdote de la pizza

L’exemple choisi de la pizza n’est pas anodin. La pizza a toute sa symbolique dans la mythologie du bitcoin. Le 22 mai 2010, la première transaction en bitcoins a ainsi eu lieu, lorsque Laszlo Hanyecz a payé 10.000 bitcoins pour deux pizzas. Aujourd’hui, (si on part du principe que deux pizzas coûtent 30 dollars, ensemble), à un cours de 108.000 dollars pour le bitcoin, il ne paierait plus qu’un 3.600ième de bitcoin pour le même achat. Avec un bitcoin, il pourrait acheter 7.200 pizzas. Ou 72 millions de pizzas avec ses 10.000 bitcoins de l’époque.

Le 22 mai est célébré tous les ans comme le “Bitcoin Day” par la communauté.

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