Nvidia, AMD, Broadcom: quels sont les risques des investissements “incestueux” d’OpenAI?

Sam Altman, CEO d’OpenAI. REUTERS/Shelby Tauber/Pool/File Photo © REUTERS
Charly Pohu

OpenAI investit des milliards pour acheter des puces électroniques. Mais l’entreprise n’a pas les fonds. Elle fait recours à l’investissement circulaire, avec ses fournisseurs. Quels sont les risques ?

Nvidia, puis AMD, et maintenant Broadcom. Ces derniers jours, la maison mère de ChatGPT, OpenAI, enchaîne les annonces de mega-deals avec des fournisseurs de puces électroniques. Ces derniers vont lui fournir des puces représentant une puissance de calcul énorme, dans les années à venir. Et OpenAI met des dizaines voir des centaines de milliards de dollars sur la table.

“Nous sommes dans une course. OpenAI doit s’imposer face à la concurrence et être capable de répondre à la demande. La technologie d’IA est coûteuse en puissance de calcul et en consommation d’énergie. OpenAI doit trouver des moyens pour couvrir ces besoins”, nous explique Alexandre Baradez, stratégiste des marchés en chef auprès de IG France.

Investissement circulaire

OpenAI n’a pas encore les fonds pour payer ces milliards. Ces deals prévoient donc une certaine circularité de l’argent. Nvida investit par exemple 100 milliards dans OpenAI, et cette dernière achète pour 100 milliards de dollars de puces chez Nvidia. Pour AMD, OpenAI a des options pour acquérir jusqu’à 10% du capital de l’entreprise (le deal doit faire augmenter la valeur d’AMD en bourse et ainsi “rémunérer” l’entreprise). Pour l’annonce de ce lundi soir concernant la fabrication par Broadcom de puces modelées par OpenAI les détails financiers ne sont pas encore connus.

Ces deals circulaires, décrits comme “incestueux” par certains observateurs, sont critiqués par des experts. “C’est comme si je montais un stand de limonade et que je donnais de l’argent à un ami pour qu’il achète ma limonade. Je récupère ainsi mon argent et déclare un « bénéfice ». La seule différence, c’est que mon stand de limonade ne représente pas 8% de l’indice S&P 500”, décrit par exemple Sean Peche, gestionnaire de portefeuille pour Ranmore Global Equity Fund l’accord entre Nvidia et OpenAI, dans un post sur LinkedIn.

Alexandre Baradez compare la situation à la bulle internet. Mais avec des nuances. À l’époque, c’étaient beaucoup de nouvelles entreprises, dans un paysage très diversifié qui ont fait beaucoup d’investissement (circulaires en partie aussi) en brûlant du cash. Aujourd’hui, les acteurs concernés sont de grands groupes solides, établis depuis au moins 20 ans, avec des valorisations boursières plus élevées qu’à l’époque, et qui ont des sources des revenus très diversifiées. Ils évoluent dans un paysage plus concentré. On compte les fabricants de puces cités plus haut parmi eux, mais aussi Oracle ou encore Microsoft et Amazon.

Risques économiques

Mais les risques sont donc, de l’autre côté, très concentrés parmi ces mastodontes aujourd’hui. “On dit qu’ils sont too big to fail mais on a vu par le passé, comme durant la crise financière de 2008, qu’aucun groupe n’a jamais été suffisamment gros pour ne pas faire faillite. Il y a un risque de déstabilisation de ces acteurs s’il n’y a pas de retour sur les investissements réalisés”, réfléchit l’expert. Et au vu de la circularité de l’argent, ces risques pourraient vite se répercuter sur un autre acteur.

Les entreprises ne financent d’ailleurs pas tout sur fonds propres, mais lèvent des fonds sur le marché obligataire. Elles devront donc les rembourser, et donc rentabiliser ces investissements pour y parvenir.

Autre risque : la croissance en trompe-l’œil. Alexandre Baradez explique qu’une grande partie de la croissance du PIB américain est due, depuis plusieurs mois, à ces dépenses d’investissement des grands groupes. Et non sur la consommation ou la balance commerciale, par exemple.

“Ce rythme de dépenses ne pourra pas se maintenir pendant encore dix ans. Quand il ralentira, on se rendra peut-être compte aussi que les multiples de valorisation en bourse incluent des choses qui ne sont pas réalistes”, selon l’expert. Il faut donc suivre ce rythme au fil des publications trimestrielles de résultats des entreprises.

Suroffre : tous les acteurs ne vont pas survivre

Un autre risque est celui de suroffre d’outils d’IA. Il y a de nombreuses jeunes entreprises qui investissent beaucoup d’argent dans le développement de cette nouvelle technologie. Mais il y a de fortes chances que dans quelques années, bon nombre d’entre elles n’existent plus. Car elles auront fait faillite, par exemple, ou parce qu’elles auront été rachetées, ajoute l’expert.

“C’est un cycle qu’on a pu voir à de nombreuses occasions, par le passé. Il n’y a pas de raisons que cette fois, cela soit différent. Aujourd’hui, on est encore dans la phase euphorique”, met en garde le spécialiste. Qui restera-t-il ?

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