Pourquoi le marché européen s’apprête à battre la tech américaine
La tech américaine est en pleine forme, avec le boom de l’IA. Les bourses européennes sont au ralenti, avec le malaise économique du Vieux continent. L’écart entre les deux atteint un record. Mais la tendance serait sur le point de s’inverser, selon BCA Research.
La bourse européenne pourrait faire mieux que la bourse américaine en 2025. Cette prévision vient de plusieurs analystes. Les banques européennes sont actuellement en train de surperformer les Sept Magnifiques, en constatent d’autres. Mais une autre possibilité est désormais envisagée aussi : le marché européen, général, pourrait faire mieux que la tech américaine, sur les années à venir.
Valorisations et part du marché mondial
Cela, alors que les apparences disent le contraire. C’est ce qu’explique Dhaval Joshi, stratégiste en chef du cabinet BCA Research dans une note. La tech américaine (au sens strict du terme, ce qui exclut Tesla et Amazon par exemple) vient de dépasser le marché boursier européen dans son ensemble, en termes de part de la valorisation de toutes les entreprises au monde. Une première, en cinquante ans d’analyses de données.
La tech américaine pèse ainsi environ 20% de la valorisation mondiale et l’Europe n’en représente plus que 15% (une chute continue depuis 2010, lorsque le Vieux Continent culminait à 35%). La tech US dépasse désormais son niveau de la bulle Internet du début des années 2000 (17% environ), qu’elle a mis plus de 20 ans à retrouver.
Un vers dans la pomme ?
Mais le jeu en vaut-il la chandelle ? Cette valeur, partie en flèche avec l’IA, est-elle justifiée ? Dhaval Joshi a des doutes. Cette augmentation de la valeur est due “aux gains de productivité du Web 2.0, qui sont allés dans les profits d’une poignée de monopoles du Web 2.0 qui dominent aujourd’hui le marché boursier américain (et mondial). Aujourd’hui, le marché prévoit que l’histoire se répète – que les gains de productivité de l’IA générative se traduisent presque entièrement par des bénéfices, et plus particulièrement par les bénéfices des mêmes entreprises qui sont devenues les monopoles du Web 2.0. Cela semble très peu plausible. Le Web 2.0 était une anomalie en raison de son effet de réseau. Quoi qu’il en soit, les grands gagnants d’une technologie sont rarement les gagnants de la technologie suivante”, analyse-t-il. Il rappelle que nombre des gagnants de la bulle Internet sont loin des radars dans le contexte du Web 2.0 et du boom de l’IA.
L’expert est loin d’être un pessimiste, précise-t-il, mais il n’est pas aussi optimiste, “de manière maniaque”, que le marché. Le potentiel de l’IA est énorme… mais il ne faut pas mettre la barre trop haut : “Je suis optimiste et pense que l’IA générative finira par révolutionner notre mode de vie et de travail, tout comme les technologies à usage général précédentes, telles que l’ordinateur personnel et l’internet. Par conséquent, je ne répéterai pas l’erreur commise par Paul Krugman lorsqu’il a déclaré que ‘l’effet de l’internet sur l’économie ne sera pas plus important que celui du télécopieur’. Krugman aurait dû dire que l’effet de l’internet sur l’économie sera important, mais pas plus important que n’importe quelle technologie précédente comme l’ordinateur personnel, l’électricité ou la machine à vapeur. Cela signifie qu’il ne faut pas sous-estimer l’impact d’une technologie comme l’a fait Krugman. Il ne faut pas non plus le surestimer.”
Surpondérer l’Europe
Si la tech américaine est surévaluée, continue l’expert, la bourse européenne, de l’autre côté, est sous-évaluée. Et cela serait à cause du “malaise” économique et politique de l’Europe. “Bien que je sois préoccupé par le malaise actuel de l’économie et de la politique européennes, je ne suis pas aussi préoccupé, de manière déprimée, que le marché”, explique l’expert.
Dit autrement : si la tech américaine est surcotée, elle risque de chuter. Nvidia notamment pourrait rapidement mordre la poussière. “Il est très peu probable que Nvidia soit un gagnant à long terme, car la demande de pioches et de pelles se produit au début d’une ruée vers l’or, puis s’estompe rapidement”, selon Joshi. Et si la bourse européenne est sous-évaluée, elle risque d’augmenter. Une fois que le marché se rendra compte de ces deux paramètres. L’écart record entre les deux entités serait donc une opportunité pour les investisseurs (la plus importante en cinquante ans).
Le stratégiste en déduit que “sur une horizon de plusieurs années, il faut surpondérer l’Europe par rapport aux États-Unis.” Mais il précise que ce n’est pas encore exactement le moment de passer à l’acte. Le degré de complexité du Nasdaq, comparé aux taux d’intérêts longs des Etats-Unis, doit encore chuter légèrement. Trouver le timing parfait en bourse n’est certes pas toujours aisé.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici