Une vision nette, ça paie !

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Cela fait des années que, soutenu par plusieurs tendances pérennes (comme le temps passé devant les écrans), le marché de l’ophtalmologie affiche une croissance stable. Zoom sur deux de ses entreprises qui nous paraissent particulièrement prometteuses.

Myopie, hypermétropie, glaucome, sécheresse oculaire et cataracte sont quelques-uns des problèmes ophtalmiques auxquels une grande partie de la population mondiale est ou sera un jour confrontée. Ce ne sont heureusement pas les solutions qui manquent. EssilorLuxottica estime à 120 milliards d’euros la valeur (calculée sur la base des prix à la consommation) du marché des verres et des montures de lunettes, des lunettes de lecture et de soleil et des lentilles de contact. Les verres et les montures représentent les deux tiers environ de ce marché, ajoute le leader franco-italien. Qui évalue à 5 % en moyenne le taux de croissance annuel de l’activité.

Selon Carl Zeiss Meditec, le marché des lentilles de contact et des produits destinés à leur entretien, des lentilles intraoculaires, des équipements chirurgicaux spécialisés et des médicaments pour les yeux dépasse les 45 milliards d’euros. Dans son dernier rapport annuel, Alcon annonce un taux de croissance qui tourne autour de 5 % par an en moyenne entre 2023 et 2028 pour le segment des lentilles intraoculaires, des stents, du matériel et des équipements. Cela fait des années que, soutenu par plusieurs tendances pérennes, le marché de l’ophtalmologie et des soins affiche une croissance stable. Ces tendances sont évidemment le vieillissement de la population mondiale et l’augmentation du temps passé devant les écrans d’ordinateur ou de téléphone portable ; mais l’innovation, génératrice de produits plus efficaces et plus coûteux, contribue elle aussi à la croissance.

Ralentir la progression de la myopie

Certaines entreprises s’attellent à ralentir l’aggravation de la myopie sévère chez les enfants. En l’absence de traitement en effet, la myopie progressive peut entraîner à l’âge adulte des affections handicapantes comme le glaucome, la cataracte, la dégénérescence maculaire et le décollement de la rétine. EssilorLuxottica et Cooper Companies ont commercialisé des verres (pour la première) et des lentilles de contact (pour la seconde) spéciaux et créé une joint-venture chargée de développer un nouveau type de verre. La croissance stable et soutenue et l’innovation offrent des opportunités d’investissement intéressantes. Voici deux entreprises qui nous paraissent particulièrement prometteuses.

Opportunité 1 : EssilorLuxottica

Avec une capitalisation boursière proche de 100 milliards d’euros, plus de 25 milliards d’euros de chiffre d’affaires et une chaîne de près de 18.000 opticiens (franchises comprises), EssilorLuxottica est, de loin, le plus grand acteur sur le marché de l’ophtalmologie et des soins pour les yeux. Le cœur de sa stratégie est son intégration verticale, réalisée principalement par le biais de fusions et d’acquisitions. Le groupe est né en 2018 du mariage entre le spécialiste français des lentilles Essilor et l’italien Luxottica, actif dans la finition de verres, la fabrication de montures et la distribution de lunettes. En 2021, EssilorLuxottica a acquis la chaîne de magasins d’optique GrandVision, ce qui lui a permis de renforcer son intégration verticale et sa position sur le marché. Le groupe possède le plus grand portefeuille de marques de lunettes (lire l’encadré ci-dessous), qu’il détient en partie en propre et en partie grâce à des licences conclues pour de longues durées.

Au développement de ses activités et de ses accords de licence, EssilorLuxottica ajoute désormais quatre initiatives de croissance. La première est, nous l’avons dit, la lutte contre la myopie sévère chez les jeunes. Son produit phare dans ce contexte est le verre Stellest, que portent déjà un million d’enfants.

Le groupe collabore également avec Meta Platforms au développement des Ray-Ban Meta, des lunettes intelligentes qui permettent de passer des appels vidéo et de prendre des photos, entre autres. Il se lance par ailleurs sur le marché des appareils auditifs. Après avoir repris la société israélienne Nuance Hearing, il a introduit une demande d’approbation pour Nuance Audio, des lunettes intégrant une aide auditive. Enfin, il entend se développer sur le marché des technologies médicales. Il a acquis en juillet 80 % de Heidelberg Engineering, qui produit des équipements chargés d’aider à la détection précoce d’affections oculaires, comme le glaucome et la dégénérescence maculaire.

Le bilan d’EssilorLuxottica supporte très bien ces diverses acquisitions et investissements. A la fin de l’exercice 2023, la dette nette s’établissait à 9,1 milliards d’euros, contrats de location inclus, pour un flux de trésorerie d’exploitation de 6,1 milliards d’euros, soit un ratio d’endettement de 1,5 à peine.

Le groupe produit également d’abondants flux de trésorerie. Le flux de trésorerie disponible s’élevait en 2023 à 2,4 milliards d’euros, bien assez pour couvrir le paiement du dividende, qui, après avoir été relevé de 22 %, s’établit à 3,95 euros par action (soit une dépense avoisinant 1,8 milliard d’euros). A l’exception de l’exercice 2019, au cours duquel aucun dividende n’a été versé en raison de la pandémie, EssilorLuxottica présente un excellent historique en la matière. Le seul “défaut” de l’action est sa valorisation : le cours ayant grimpé de plus de 18 % cette année, le rapport cours/bénéfice tourne autour de 30. Mieux vaut donc attendre une fenêtre d’achat plus favorable.

Opportunité 2 : Alcon

L’entreprise américano-suisse est la plus grande société du secteur en termes de capitalisation boursière après EssilorLuxottica. Son nom est dérivé de celui de ses fondateurs, Robert Alexander et William Conner, qui l’ont portée sur les fonts baptismaux en 1945. Après l’avoir rachetée en 1977, Nestlé a introduit Alcon en Bourse en 2002. En 2011, l’entreprise passait dans les mains de Novartis, qui l’intégrait dans sa propre division ophtalmologique, avant de scinder entièrement l’activité en 2019. Depuis, Alcon est cotée en Suisse et à New York. Elle domine, en compagnie de Johnson & Johnson, Cooper Companies et Bausch & Lomb, le marché des lentilles de contact, auquel elle doit 26 % de ses 9,4 milliards de dollars de chiffre d’affaires (CA).

Alcon est numéro un sur le marché des équipements chirurgicaux spécialisés. Ce segment représente 10 % de son CA, à quoi s’ajoutent 29 % issus de la vente de matériaux utilisés dans les traitements au laser et le traitement du glaucome, notamment. Quelque 18 % du CA sont à mettre au crédit des médicaments et des gouttes pour les yeux, et 18 % de plus, au crédit des lentilles intraoculaires. En juin, la Food and Drug Administration a approuvé un nouveau système destiné aux opérations de la cataracte, qui seront de ce fait plus rapides. Selon le cabinet d’études Market Scope, 31 millions d’opérations de la cataracte sont réalisées chaque année. Alcon prévoit de mettre à niveau les 28.000 dispositifs utilisés par les ophtalmologistes du monde entier au cours des 10 ans qui viennent.

L’entreprise commercialise par ailleurs une nouvelle lentille de contact hebdomadaire. Chaque point de pourcentage de part de marché qu’elle pourra gagner dans ce segment du “réutilisable” lui rapportera 40 millions de dollars de CA. Les analystes misent sur une croissance du bénéfice par action de 10 % par an en moyenne au cours des trois prochaines années. Alcon verse peu de dividende (0,24 franc suisse par action), mais un changement de politique n’est pas à exclure. Le dividende ne lui coûte que 116 millions de dollars, alors que le flux de trésorerie disponible s’élève à 730 millions de dollars. Pour l’heure.

Un choix pour le moins déconcertant

EssilorLuxottica, dont 31 % des actions sont détenues par la société d’investissement Delfin, propriété des descendants de Leonardo Del Vecchio, le fondateur de Luxottica, vend des montures et des lunettes de soleil sous les marques Ray-Ban et Oakley, et détient des licences sur des marques comme Giorgio Armani, Burberry, Chanel, Dolce & Gabbana, Ferrari, Prada et Swarovski. Elle a annoncé à la mi-juillet qu’elle achetait Supreme à VF Corp, pour un montant de 1,5 milliard de dollars.

Le choix est pour le moins déconcertant. Supreme est en effet au départ une marque de vêtements destinés à une clientèle essentiellement jeune, issue des milieux du hip-hop et du skate, qu’ont adoptée, depuis, de nombreuses célébrités. Lors de la réunion avec les analystes qui s’est tenue fin juillet, Francesco Milleri, le CEO d’EssilorLuxottica, s’est dit surpris que les investisseurs n’aient pas immédiatement compris sa stratégie : loin de vouloir conquérir le marché de l’habillement, le groupe voit en Supreme une plateforme de communication qui le rapprochera d’une cible difficile à atteindre.

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