Trump, Harris et le choix du populisme

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Quel que soit le vainqueur de l’élection présidentielle américaine, l’endettement du pays va s’aggraver. Le prochain président sera, comme ses prédécesseurs, populiste.

Négligeant les conséquences économiques qu’aura leur politique à terme, les populistes aiment à distribuer des cadeaux financiers pour s’assurer les bonnes grâces de leurs concitoyens. La politique budgétaire des Etats-Unis en témoigne : au cours des quatre derniers trimestres, le déficit a atteint une moyenne de 6,1 % du produit intérieur brut (PIB), alors que la croissance économique nominale était de 5,8 %. Les dépenses publiques ont donc fortement augmenté ces 12 derniers mois.

Souvenons-nous de la crise financière qui a secoué le monde entre 2007 et 2009 : à l’époque, l’économie avait ralenti de 3,3 %, mais le déficit budgétaire n’était que de 1,9 point de pourcentage supérieur à ce qu’il est aujourd’hui. Le gouvernement américain dépense actuellement sans compter, et ne semble pas près de changer son fusil d’épaule. Le Bureau du budget du Congrès américain avait prédit en février que la dette atteindrait en 2028 le niveau qui était le sien juste après la Seconde Guerre mondiale ; dès juin, l’échéance était ramenée à 2027.

Alors que la conjoncture est bonne, le déficit budgétaire est presque aussi élevé que lors de la pire récession de ces dernières décennies. Cette irresponsabilité à l’égard des finances publiques devrait se confirmer car ni Kamala Harris ni Donald Trump n’ont l’intention de resserrer les cordons de la bourse, tant s’en faut : la première veut gâter les Américains relativement peu aisés, le second, ceux qui possèdent relativement beaucoup.

Plaire à la classe moyenne

Au cours des dernières décennies, le travailleur américain moyen a vu ses revenus stagner, voire reculer, alors même que les bénéfices de la plupart des entreprises augmentaient. En cause, du moins en grande partie : l’entrée, en 2001, de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce, qui a exposé la classe moyenne américaine à la concurrence des travailleurs du Céleste Empire. Cette concurrence a pesé sur les salaires, au profit des marges bénéficiaires des entreprises.

Donald Trump avait entamé son mandat en imposant des droits de douane sur les produits chinois. L’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche, en 2020, n’y a pas changé grand-chose, puisque les droits sont toujours de 25 % en moyenne sur de nombreux produits. Joe Biden, Donald Trump et Kamala Harris ont très bien compris que s’ils ne menaient pas une politique populiste, il leur serait impossible d’accéder au pouvoir ou d’y rester. La classe moyenne américaine est en colère et ses dirigeants reflètent l’esprit du temps.

Populistes, donc isolationnistes

Les populistes sont des nationalistes et par conséquent, des isolationnistes. Les Etats-Unis semblent être entrés dans leur troisième période d’isolationnisme. La première a duré de 1815 à 1898 : aux guerres napoléoniennes et au traité de Gand (1814) avait succédé une politique du repli sur soi, consacrée par la doctrine Monroe (1823). La deuxième remonte à l’entre-deux-guerres, quand les Etats-Unis avaient refusé d’adhérer à la Société des Nations et imposé des quotas à l’immigration.

La politique tarifaire protectionniste de Donald Trump est très proche de celle qu’Abraham Lincoln appelait en son temps de ses vœux (“Give us a protective tariff and we will have the greatest nation on earth” ; traduction libre : “Prenez des mesures (non) tarifaires pour que notre nation soit la plus grande au monde”). Or les droits de douane rendent tout plus cher, ce qui propulse l’inflation à la hausse. Kamala Harris, quant à elle, ne cesse de parler de contrôle des prix, une stratégie dont l’histoire montre qu’elle mène à vider les magasins, puisque les entreprises insatisfaites des prix de vente cessent de produire.

Evolution dangereuse

Un repli sur soi américain serait dangereux pour l’économie non seulement nationale, mais aussi, planétaire. Le monde se porterait au contraire mieux si chaque pays se spécialisait dans ce qu’il sait faire. Les Britanniques l’avaient bien compris, eux qui, en 1846, se sont mis à importer maïs et autres produits agricoles d’Europe, pour pouvoir se concentrer pleinement sur l’industrialisation. Dès lors, l’Europe gagnait plus grâce à l’agriculture et la Grande-Bretagne prospérait grâce à son industrie. Cette période bénie a duré jusqu’en 1873. Là, les Américains, qui avaient investi dans l’agriculture, ont commencé à produire beaucoup plus que ce dont ils avaient besoin ; ils ont alors exporté les excédents vers l’Europe, ce qui a fait baisser les prix des produits agricoles et provoqué la colère de la classe moyenne. D’où l’introduction de droits de douane sur les produits agricoles, mais aussi sur les produits manufacturés britanniques. Une politique du chacun pour soi qui a fini par déboucher sur le Premier Conflit mondial (“Si les marchandises ne traversent pas les frontières, les soldats le feront’’, avait prédit le philosophe français Frédéric Bastiat il y a 200 ans).

Les Etats-Unis enregistrent aujourd’hui des déficits commerciaux à l’égard de l’Afrique, de l’Amérique du Sud, de la Chine et de l’Europe. Chaque mois, ils achètent au reste du monde pour 70 milliards de dollars de plus environ que ce que le monde ne leur achète. Nul ne peut prendre leur relais, car la Chine, avec son énorme excédent commercial, cherche avant tout à exporter. Les Chinois sont les Britanniques et les Américains, les Européens, du XIXe siècle. D’où l’importance cruciale du scrutin qui s’annonce car si les Etats-Unis cessent d’acheter les excédents planétaires, la dépression économique menace.

Hausse des taux d’intérêt

Les intérêts de la dette américaine atteignent aujourd’hui 862 milliards de dollars par an, un montant proche des dépenses annuelles en matière de défense (896 milliards). L’écart entre les charges d’intérêt et les recettes fiscales ne cesse de se creuser – il est passé de 7 % en 2016 à 15 % aujourd’hui, une tendance qui, tant en termes absolus que par rapport aux recettes fiscales, devrait se poursuivre, puisque les Etats-Unis ont dit adieu à l’ère des taux nuls en 2022. En d’autres termes, tout emprunt émis en 2014 au taux de 2 % et remboursable en 2024 doit être refinancé à du 4 %, ce qui est considérablement plus élevé. Tant que la banque centrale américaine n’aura pas ramené ses taux à 0 %, il faudra au Trésor des années et des années pour refinancer l’ensemble de ses dettes. Des années durant lesquelles les remboursements d’intérêts ne cesseront par conséquent de s’alourdir.

Dette incontrôlée

La dette américaine s’emballera davantage au cours de la prochaine récession, ce qui signifie qu’un pourcentage plus élevé encore des recettes publiques sera consacré au paiement des intérêts. Les sommes colossales dépensées pour la défense, les guerres et les paiements d’intérêts ont ceci en commun qu’elles ne profitent pas au peuple américain. Ce qui pourrait inciter le pays à se retirer plus encore de la scène internationale, au détriment de l’économie mondiale et au profit de la dynamique de démondialisation.

A la veille de l’élection américaine, une chose est sûre : malgré leurs différences marquées, Donald Trump et Kamala Harris partagent le même engouement pour des politiques financières irresponsables, à telle enseigne que le problème de la dette, déjà grave, va s’intensifier encore. Au mois d’août, le déficit budgétaire américain pour l’exercice 2025 a été estimé à quelque 1.938 milliards de dollars, soit 6,5 % du PIB. La hausse des dépenses publiques, au profit notamment des soins de santé, du paiement des intérêts de la dette et de l’aide à des pays tels que l’Ukraine et Israël, y est pour beaucoup.

Bien investir en période d’incertitudes

Avant toute chose, nous pensons à l’or. Le métal jaune prospère quand l’heure est aux incertitudes géopolitiques et économiques, une situation qui, compte tenu des stratégies de Kamala Harris et de Donald Trump, ne devrait cesser de s’aggraver.

En raison, notamment, de l’inflation élevée et des problèmes au Moyen-Orient, l’énergie devrait être une deuxième cible de choix. Nous recommandons Chevron, parmi les majors pétrolières, et Aker BP, parmi les acteurs de taille moyenne. Dans le domaine du gaz naturel, nous conseillons Cheniere Energy.

Enfin, comme l’Europe semble ne plus pouvoir compter entièrement sur les Etats-Unis pour sa sécurité, son secteur de la défense, avec notamment des entreprises comme l’allemande Rheinmetall, devrait pouvoir tirer son épingle du jeu. Il est toutefois préférable d’attendre une correction pour en acheter des actions.


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