Tirer profit de la pénurie de logements
L’évolution démographique et l’insuffisance de l’offre créent une pénurie structurelle de logements dans de nombreux pays. Une situation qui ouvre des opportunités aux constructeurs, aux investisseurs et aux fournisseurs. Voici quatre entreprises actives dans le secteur de la construction, dans lesquelles il peut être intéressant d’investir.
Aux Etats-Unis comme dans de nombreux pays d’Europe, la pénurie de logements est criante – elle est de 4,5 millions d’unités Outre-Atlantique, a calculé le cabinet d’études Zillow Group. Au Royaume-Uni, le nouveau gouvernement travailliste prévoit de construire 1,5 million de maisons ces cinq prochaines années. Beaucoup trop peu, estiment les experts : à immigration constante, ce sont 529.000 nouvelles unités par an qu’il faudrait prévoir.
L’Allemagne projette de construire 400.000 appartements par an. Mais elle en est si loin que la pénurie devrait s’aggraver encore. La hausse des taux d’intérêt et les incertitudes qui règnent sur le marché ont fait chuter l’activité. Le nombre de permis de bâtir a reculé de 7 % en 2022, et de 27 % l’an dernier. Deutsche Bank estime donc que le nombre d’appartements neufs ne dépassera pas 212.000 cette année. La pénurie est principalement due à l’évolution démographique : en raison de l’immigration, surtout, la population allemande a augmenté de plus de 400.000 personnes par an en moyenne ces 15 dernières années. Les constructions ne suivent tout simplement pas.
Huit virgule six millions de personnes sont venues grossir la population britannique depuis la mi-2000, pour un total proche de 68 millions actuellement. Aux Etats-Unis aussi, le marché est dépassé ; 1,4 million de maisons y ont été construites en 2022, soit le chiffre le plus élevé depuis la crise des crédits. Mais le nombre de ménages américains a augmenté de 1,8 million d’unités cette année-là, précise Zillow Group.
En Belgique, il faudrait construire 30.000 logements par an en moyenne jusqu’en 2050 pour faire face à l’augmentation de la population. Or rien de très concret n’est annoncé en ce sens. L’activité connaît même actuellement un creux.
Prix des logements
Alors que la flambée des taux des crédits hypothécaires aurait dû les faire chuter, la pénurie structurelle empêche quasiment les prix des logements de baisser, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, depuis plusieurs années. Le marché est aujourd’hui orienté à la hausse. Selon l’indice Case-Shiller, les maisons américaines se sont appréciées de 6,3 % en avril, atteignant ainsi un nouveau record.
En Allemagne, les maisons se vendent beaucoup moins cher qu’avant (-14 % par rapport au sommet atteint en 2022, selon les estimations). Ceci dit, d’après la revue scientifique Europace, le déclin est désormais terminé, les prix des appartements, par exemple, étant repartis à la hausse cette année. Dans l’ensemble de l’Union européenne, les prix ont augmenté de 1,3 % entre le premier trimestre de 2023 et le premier trimestre de 2024.
Le ralentissement de l’inflation et la stabilisation des taux des crédits hypothécaires sont les principales causes de cette remontée. A mesure que les banques centrales vont comprimer leurs taux directeurs, les taux hypothécaires devraient décroître eux aussi, ce qui rendrait évidemment maisons et appartements plus abordables et soutiendrait la demande.
Pour le secteur de la construction, les perspectives à moyen terme sont alléchantes. Compte tenu de l’évolution démographique et de l’importance de la pénurie, la demande est satisfaisante, et les augmentations de prix soutiennent les marges bénéficiaires. Les fournisseurs et les investisseurs profitent eux aussi de la situation. Voici quatre entreprises actives dans ce secteur, dans lesquelles il peut être intéressant d’investir.
Candidate 1 : Wienerberger
Active en Europe et en Amérique du Nord (20 % de son chiffre d’affaires), Wienerberger est un grand producteur de matériaux de constrution. Au marché des logements neufs, qui représente la moitié environ de ses ventes, s’ajoutent ceux de la rénovation résidentielle et des infrastructures. Le ralentissement du segment des constructions neuves lui a fait perdre quelque 28 % en volumes depuis 2021, ce dont les bénéfices ont bien sûr pâti ; mais dès que les premiers repartiront à la hausse, les seconds suivront. Wienerberger prévoit pour 2026 un flux de trésorerie d’exploitation (Ebitda) de 1,2 milliard d’euros, contre 811 millions l’année dernière. Cet objectif ne pourra toutefois être atteint que si le marché des constructions neuves se reprend.
Alors que le premier trimestre s’est révélé décevant, l’entreprise entrevoit des signes de redressement sur le marché européen du logement. Son Ebitda dépassera cette année 800 millions d’euros. Récemment acquise (mais certainement pas le dernier achat auquel procédera Wienerberger), Terreal ajoutera 120 millions d’euros à l’Ebitda l’an prochain. A l’Ebitda escompté pour 2026 correspond un bénéfice d’environ 5 euros par action, soit un ratio cours/bénéfice de 6,6. Ce qui, compte tenu des opportunités de croissance à moyen terme, est dérisoire.
Candidate 2 : Persimmon
Ce groupe est un des principaux constructeurs de maisons du Royaume-Uni, où il couvre l’intégralité du territoire et dispose d’une réserve de terrains. Ses usines de charpentes en bois et de briques et de tuiles en béton rendent son organisation en partie verticale. Il se concentre davantage sur la tranche abordable du marché, et en particulier sur les primo-accédants, segment où la pénurie est criante. Les ventes de maisons ont chuté d’un tiers et les bénéfices avant impôts ont été divisés par deux l’an dernier. Mais l’entreprise, qui estime que le pire est passé, se prépare aujourd’hui à profiter d’une reprise du marché et à acter une légère augmentation de ses ventes, pour une marge d’exploitation comparable. Si, comme c’est probable, la Banque d’Angleterre réduit ses taux directeurs, les taux des crédits hypothécaires suivront sans aucun doute le mouvement, ce qui permettra à Persimmon de renouer avec la croissance. A 15 fois les bénéfices escomptés pour 2025, l’action n’est pas trop onéreuse.
Candidate 3 : Aedas Homes
Ce promoteur immobilier dispose d’une réserve foncière géographiquement bien répartie entre zones urbaines et zones côtières de l’Espagne. Ses terrains peuvent accueillir plus de 15.000 logements, pour un chiffre d’affaires de 6 milliards d’euros environ. L’objectif est de livrer 3.000 logements par an (2.938 l’an passé), voire 3.500, si le marché s’y prête. Aedas Homes est bien placée pour profiter de la vigueur de la demande de logements neufs, y compris de la part d’étrangers – une maison sur trois a été achetée par un client étranger en 2023. Il faut dire que les baby-boomers, désormais retraités, du nord et de l’ouest de l’Europe, aiment passer l’hiver en Espagne.
Dans ce pays où le déficit est de 325.000 logements, les prix ne cessent de grimper. Ils ont par exemple augmenté de 6,4 % en glissement annuel entre janvier et mars. Avec un chiffre d’affaires qui s’est envolé de 59 % au premier trimestre de son exercice décalé (avril-juin), Aedas Homes entame l’année sur les chapeaux de roue. Tant que son taux d’endettement ne dépassera pas 20 %, l’entreprise distribuera la quasi-intégralité de ses bénéfices. Elle a versé le 1er août un dividende spécial de 1,11 euro par action, à quoi viendront s’ajouter 0,90 euro cette année encore. Un dividende ordinaire de 2,50 euros a par ailleurs été payé également. Les actionnaires devraient pouvoir compter sur des distributions relativement élevées ces prochaines années.
Candidate 4 : D.R. Horton
D.R. Horton est le plus grand constructeur de maisons aux Etats-Unis en termes de volumes. La mise en location de logements représente 10 % de son chiffre d’affaires. Sa répartition géographique est avantageuse et sa taille lui permet de réaliser des économies d’échelle. L’entreprise domine trois des cinq plus grands marchés immobiliers des Etats-Unis. Le segment des logements abordables (jusqu’à 400.000 dollars), dans lequel elle est particulièrement bien implantée, assure 69 % de ses volumes. Elle affiche chaque année de bons résultats et son chiffre d’affaires progresse de 16 % par an en moyenne depuis 2018. Une grande partie des flux de trésorerie est versée aux actionnaires, sous la forme de dividendes et de rachats d’actions. Un nouveau programme de rachat, d’un montant de 4 milliards de dollars (7 % de la capitalisation boursière), a d’ailleurs été récemment approuvé.
A la mi-2024, la moitié environ des logements en stock n’étaient pas encore vendus, une moyenne qui se répète depuis trois ans. La situation serait risquée si le marché devait se détériorer, mais la pénurie structurelle rend cette perspective peu probable. L’entreprise, dont les derniers résultats trimestriels étaient supérieurs aux prévisions, estime que les ventes de logements vont permettre cette année à son chiffre d’affaires de progresser de 4 % approximativement, pour des flux de trésorerie stables.
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