Tesla est chère, mais d’autres solutions existent
Très confiants dans le potentiel de croissance de Tesla, les investisseurs déboursent 54 fois les bénéfices escomptés pour 2024. Nous recommandons toujours de vendre l’action, en échange de quoi nous proposons trois solutions moins onéreuses.
La voiture électrique a le vent en poupe. Les modèles se multiplient, l’autonomie s’accroît et les performances s’améliorent. Plus de 10 millions d’unités se sont vendues dans le monde l’an dernier, ce qui porte la part de marché du segment à 14%, contre 4% en 2020. Et ce n’est pas fini. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) parle pour cette année de 14 millions d’unités, en hausse de 35% par rapport à 2022. Les voitures électriques représenteront 18% des ventes totales en 2023, et 60% en 2030 selon l’AIE. Aidée par de généreuses subventions, la Chine mène la danse. Dans l’Union européenne, les voitures totalement électriques s’octroient plus de 20% de part de marché. Aux Etats-Unis, la baisse de près de 20% accusée par les prix entre le deuxième trimestre de 2022 et le deuxième trimestre de 2023 stimule les ventes. La part du segment électrique n’y dépasse toutefois toujours pas 7% approximativement.
Fort de ses 20% de part du marché mondial, Tesla reste le plus grand acteur du segment électrique, mais la concurrence s’intensifie rapidement. Aux Etats-Unis, où elle est née, la marque ne détenait même plus 60% du marché au deuxième trimestre. Les analystes de Goldman Sachs pronostiquent une chute à 18% d’ici trois ans. Les grands constructeurs européens, américains et japonais sont certes à la traîne, mais la contre-offensive est en marche. Les Chinois ne seront naturellement pas en reste. UBS estime que les marques chinoises détiendront un tiers du marché automobile mondial en 2030, contre 17% actuellement. Elle ajoute qu’avec une part de marché qui devrait passer de 2% à 8%, Tesla renforcera lui aussi son emprise, au détriment des constructeurs européens et d’autres acteurs établis, dont la part de marché devrait tomber de 81% à 58%.
A la fois pionnier et leader, Tesla est bien placé pour bénéficier de l’essor du segment électrique. Son avance technologique et sa taille lui permettent de produire moins cher que ses concurrents, un avantage que le groupe exploite actuellement pour baisser ses prix, dans le but d’augmenter ses volumes. Il crée également des modèles moins chers. La Tesla Model 2, ou Model Q, qui sera disponible à partir de 25.000 dollars, est annoncée pour 2025. Malheureusement, les marges brutes réalisées sur les modèles plus abordables seront aussi beaucoup plus étroites, dans un contexte, nous l’avons dit, de concurrence accrue. Ceci étant, la technologie de conduite autonome actuellement développée par Tesla (une option qui coûtera 12.000 dollars au consommateur américain) pourrait être profitable à ses marges bénéficiaires.
Très confiants dans le potentiel de croissance de Tesla, les investisseurs déboursent 54 fois les bénéfices escomptés pour 2024. A un tel niveau de valorisation, mieux vaut éviter de se précipiter, compte tenu en particulier de la concurrence croissante. Nous recommandons donc toujours de vendre le tire, en échange de quoi nous proposons trois solutions moins onéreuses.
BYD
BYD Company Ltd est le plus grand acteur du marché chinois des véhicules électriques et, avec une part de marché de 15%, le deuxième du monde. Les voitures et bus électriques et les batteries rechargeables représentent 80% environ de son chiffre d’affaires. Parce qu’il produit ses propres batteries, il dispose – comme Tesla d’ailleurs – d’un avantage stratégique. Il fabrique également des composants pour téléphones portables et d’autres produits électroniques grand public.
Son chiffre d’affaires a bondi de 72,7% entre janvier et juin, pour atteindre 260,12 milliards de yuans (34,4 milliards d’euros). Le bénéfice net attribuable aux actionnaires a triplé, à 10,95 milliards de yuans (1,5 milliard d’euros). BYD doit cette accélération au segment électrique, dont le chiffre d’affaires semestriel a été multiplié par près de deux. Ses modèles sont à l’évidence très prisés, puisqu’il s’arroge désormais 33,5% de son marché domestique. Avec une production de 440.000 voitures électriques (+67%), il a détrôné Tesla (un bon 430.000 unités) au troisième trimestre.
Or l’expansion internationale de BYD a à peine démarré. L’entreprise entend écouler 20% de sa production à l’étranger d’ici deux ans. Les constructeurs historiques ont du souci à se faire. La berline Seal est 30% moins onéreuse que les modèles occidentaux comparables, et 15% moins chère que la Tesla Model 3. BYD sortira cette année encore un SUV plus grand (Seal U), qui concurrencera la très populaire Model Y, entre autres. Coté à Hong Kong, BYD est valorisé à 18,4 fois les bénéfices escomptés pour 2024; ce qui rend le titre beaucoup plus intéressant que celui de son concurrent américain, alors que les perspectives de croissance sont au moins aussi réjouissantes.
BMW
Bien qu’attaqués de toutes parts, les constructeurs traditionnels ne restent pas inactifs. BMW Group, par exemple, propose des modèles entièrement électriques, favorablement accueillis, dans tous les segments. Après avoir augmenté de 108% l’an passé, pour frôler les 216.000 unités, ses ventes devraient encore doubler cette année. La part des voitures électriques atteindra de la sorte 15% du total, contre 9% en 2022. BMW annonce que les véhicules électriques assureront 20% au moins de son chiffre d’affaires de 2024, et 50% peu d’années plus tard. Des trois grands constructeurs allemands, c’est lui qui vend le plus de voitures électriques. Ce leader mondial du segment haut de gamme est moins vulnérable à la progression des marques chinoises, qui ciblent surtout le marché de masse.
Dans le segment supérieur, BMW doit faire face à la concurrence des Tesla Model S et X, plus demandées que ses propres modèles, en particulier en Chine. Comme le Céleste Empire représente 40% de son résultat d’exploitation, le groupe n’a d’autre choix que de rattraper son retard technologique. Beaucoup de choses dépendront des modèles Neue Klasse (voir photo), qui feront leur apparition dans les show-rooms occidentaux en 2025 et chinois, en 2026. Ces véhicules entièrement électriques déploieront une architecture totalement nouvelle; leur autonomie sera de 30% plus élevée et leur rechargement, 30% plus rapide, que ceux des modèles actuels.
La première voiture conceptuelle de la gamme Neue Klasse, qui pourrait donner un vrai coup de pouce à l’électrique à partir de 2026, a été bien accueillie par le marché. Mais dans l’immédiat, le ralentissement de l’économie et la pression exercée sur les prix sont préoccupants. Vu la valorisation (six fois les bénéfices escomptés seulement), il est clair que les investisseurs ne prêtent pas assez attention au mouvement de rattrapage que BMW est en train d’opérer.
Porsche AG
La marque emblématique électrifie elle aussi à tour de bras. La Taycan, sa première voiture de sport entièrement électrique, est sortie en 2019. Son succès fut tel que plus de 41.000 unités se sont vendues en 2021, soit une hausse de 100% en deux ans. Mais le rythme a considérablement ralenti ensuite; 17.991 Taycan ont été acquises au premier semestre de cette année, ce qui constitue un repli de 4,7% en rythme annuel.
Les véhicules électriques ne représentent donc plus que 10,8% du total, contre 13% précédemment. La direction pointe du doigt la disponibilité limitée des semi-conducteurs; mais comme cette pénurie va se résorber, elle prévoit toujours de vendre 40.000 Taycan environ cette année, soit 5.000 de plus en un an. Après un retard dû à des problèmes de logiciel, la version électrique du SUV Macan sortira des chaînes l’an prochain, celle de la Cayenne, en 2026. Un SUV tout électrique plus grand, qui se positionnera au-dessus de la Cayenne, sera également lancé cette année-là.
Les nouveaux modèles devraient hâter le mouvement d’électrification et représenter plus de la moitié du chiffre d’affaires du groupe en 2025. La part de l’électrique devrait selon toute vraisemblance franchir la barre des 80% dès 2030. Comme la demande de voitures de sport à essence reste importante, la transition vers le tout-électrique se finance aisément. Porsche dispose d’un réel pouvoir de fixation des prix, qui continuera à soutenir ses marges bénéficiaires même si la conjoncture ralentit.
Porsche AG (ticker P911GY, à ne pas confondre avec Porsche Automobil Holding) a perdu 25% de sa capitalisation boursière depuis l’été; le cours de son action se rapproche donc du niveau qui était le sien lors de son introduction en Bourse, en septembre 2022. C’est la première fois que nous trouvons la valorisation intéressante (ratio cours/bénéfice estimé à 14 pour 2024). Les perspectives plus favorables et la moindre concurrence des acteurs chinois nous incitent à troquer Volkswagen contre Porsche au sein du portefeuille modèle.
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