Danny Reweghs
Quand la prime de paix devient une décote de guerre
La décennie à venir sera turbulente, tant sur le plan géopolitique que financier. Les investisseurs vont devoir se montrer plus proactifs, mieux répartir et gérer les risques, et faire des choix différents.
Après des décennies de paix, peu d’Européens auraient, l’an dernier, imaginé que leur continent puisse être le théâtre d’une guerre, lorsque la Russie a soudainement envahi l’Ukraine. S’il avait pu savoir qu’il gagnerait aussi peu de terrain en 18 mois, Vladimir Poutine aurait-il aujourd’hui lancé l’offensive? Sans doute que non, mais il n’empêche que nous sommes probablement embourbés dans le conflit pendant encore longtemps; comme cela avait été le cas pour la Première Guerre mondiale, la bataille s’est muée en guerre de position sans réel gain de terrain.
A peine nous sommes nous “habitués” à ce conflit que le Hamas déclare la guerre à Israël – un pays qui, l’immense majorité en était convaincue, ne se laisserait jamais surprendre par un ennemi. Or, l’inimaginable s’est produit… Comme pour le 11-Septembre aux Etats-Unis, l’attaque a causé un traumatisme profond et d’immenses pertes humaines et matérielles. Une nouvelle fois, le Moyen-Orient mérite son surnom de “poudrière du monde”, et une solution pacifique semble plus inaccessible que jamais.
Contagion aux marchés
Les marchés financiers ne peuvent ignorer les tensions géopolitiques qui subsistent depuis plusieurs années, et qui pourraient bien encore s’intensifier. Les Etats-Unis entendent bien pérenniser l’hégémonie qu’ils exerçaient au siècle dernier, mais Xi Jinping veut les détrôner. Pendant plusieurs décennies, les deux empires se partageaient en quelque sorte le gâteau: la Chine produisait (à bas prix) et l’Occident consommait. La donne est en train de changer, d’autant plus que l’Union européenne se rend compte qu’elle ferait bien de rapatrier la production “critique”, et notamment les semi-conducteurs les plus sophistiqués, et que les constructeurs automobiles chinois inondent peut-être le Vieux Continent à la faveur de subventions exagérées.
Quelles sont les conséquences pour les investisseurs? Toute évolution du contexte géopolitique nécessite une adaptation de la stratégie d’investissement. Pour autant, éviter tout risque n’est pas une bonne idée dans ce contexte d’inflation structurelle: placer tout son argent sur un compte d’épargne, ou sous son matelas, entraînera de toute façon une perte de pouvoir d’achat. L’autre extrême, tout miser sur un tracker sur le MSCI World – une technique qui avait permis de s’enrichir sans effort lors de la décennie précédente – ne fonctionne pas non plus.
La décennie à venir sera turbulente, tant sur le plan géopolitique que financier. Les investisseurs vont devoir se montrer plus proactifs, mieux répartir et gérer les risques, et faire des choix différents. Un coup d’œil sur les performances du secteur pétrolier ou de la défense, ces 12 à 18 derniers mois, montre que ces titres, longtemps boudés, font un retour spectaculaire sur le devant de la scène. Il est donc utile de se confronter à la réalité, même – et surtout – lorsque cette réalité est peu reluisante.
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