Préférer les valeurs bancaires européennes aux américaines

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La baisse des taux d’intérêt initiée par la Réserve fédérale américaine (Fed) est un signal fort pour le secteur bancaire. Sur le marché boursier, les banques américaines semblent plus vulnérables que leurs homologues européennes, à la valorisation plus attrayante.


Deux mil vingt-quatre est une année faste pour les banques occidentales, dont les revenus nets d’intérêts restent élevés grâce au caractère beaucoup plus tardif et plus lent que prévu de la réduction des taux directeurs des établissements centraux. Le revenu net d’intérêts est la marge que dégagent les banques en prêtant de l’argent à des taux plus élevés que ceux qu’elles accordent aux déposants qui leur confient leur épargne. Les revenus nets d’intérêts représentent 75 % à 80 % des revenus totaux de la plupart des banques européennes et américaines. Mais un renversement de tendance se dessine. Ce 18 septembre, la Banque centrale américaine a abaissé ses taux directeurs pour la première fois en plus de quatre ans. La Banque centrale européenne (BCE) avait quant à elle procédé, une semaine plus tôt, à sa deuxième révision de l’année. A mesure que les taux directeurs diminuent, les banques gagnent, en prêtant et en empruntant, de moins en moins d’argent.

Prévisions irréalistes

La grande banque américaine JPMorgan Chase a récemment qualifié d’irréalistes les revenus d’intérêts estimés, pour 2025, à 90,0 milliards de dollars (au lieu de 91,5 milliards précédemment) par les analystes car il y a, explique Daniel Pinto, son président, un décalage de 250 points de base au niveau des attentes en matière de taux. L’avertissement (déguisé) sur les bénéfices a fait chuter l’action JPMorgan Chase de plus de 5 %. Compte tenu de ces commentaires et de la décision arrêtée par la Réserve fédérale d’amputer ses taux directeurs de 50 points de base au lieu de 25, ce n’est qu’une question de temps avant que les bénéfices prévisionnels pour 2025 ne commencent à chuter. Au cours des trois derniers mois, pourtant, l’estimation moyenne était passée de 16,57 à 16,94 dollars par action.

Le financement immobilier à la peine

Les réductions de valeur sur les portefeuilles de prêts pourraient elles aussi obérer les résultats des banques américaines l’an prochain. Le segment du financement immobilier semble particulièrement vulnérable. Des prêts immobiliers d’une valeur de plus de 1.000 milliards de dollars au total arriveront à échéance au cours des deux années qui viennent. La grande majorité d’entre eux ayant été conclus à des taux nettement inférieurs aux taux actuels, nombre d’acteurs de l’immobilier risquent de plonger dans les difficultés en cas de forte hausse des charges d’intérêts. A la mi-2022, seuls 0,54 % de l’ensemble des prêts immobiliers détenus par les banques américaines accusaient des retards de paiement ; au deuxième trimestre de cette année, ce chiffre atteignait déjà 1,2 %.

Trois fois plus important

Les problèmes de ce secteur frappent relativement durement le segment des banques de taille petite à moyenne, dont le portefeuille immobilier est environ trois fois plus important, par rapport aux réserves, que celui des géants comme JPMorgan. Lentement mais sûrement, ces grandes banques doivent elles aussi étoffer leurs réserves pour créances immobilières, créances sur cartes de crédit et autres crédits douteux. Adoptée en 2010, la loi Dodd-Frank contraint les banques américaines à anticiper les pertes de crédit. Compte tenu de l’évolution de la conjoncture économique, JPMorgan Chase a provisionné au deuxième trimestre 800 millions de dollars pour des prêts potentiellement irrécouvrables. Ce n’est pas énorme pour un établissement de cette taille, mais cela marque un tournant, après plusieurs trimestres durant lesquels les réserves se sont littéralement dégonflées.

Moins de vents contraires en Europe

Les banques européennes souffrent, bien que dans une mesure moindre, des mêmes vents contraires que leurs homologues américaines. D’ici à la fin de 2025, la BCE devrait avoir réduit ses taux directeurs de 150 points de base environ. La coupe étant de quelque 100 points de base inférieure à celle pratiquée aux Etats-Unis, la pression sur les revenus nets d’intérêts est beaucoup moins intense de ce côté-ci de l’Atlantique. Sur le marché boursier, les banques européennes se portent très bien : l’indice Stoxx Europe 600 Banks a progressé de 27 % au cours des 12 derniers mois, grâce, majoritairement, à l’augmentation des bénéfices, elle-même due au fait que les revenus nets d’intérêts se maintiennent davantage que prévu.

Merle blanc

Avec un ratio cours/bénéfice (C/B) de 7,5 en moyenne, la valorisation des actions bancaires européennes reflète les perspectives de croissance modérées et les difficultés propres à plusieurs acteurs majeurs du secteur. En France, par exemple, où l’Etat fixe le taux du très populaire Livret A, les marges d’intérêt cèdent très nettement le pas à celles des banques d’autres pays. En Allemagne, le secteur immobilier est assez considérablement endetté vis-à-vis des banques. Deutsche Bank, par exemple, a 50 milliards d’euros de crédits immobiliers au bilan.
Dans l’ensemble, c’est HSBC qui affiche pour l’heure le meilleur rapport risque/rendement au sein du secteur bancaire occidental. Sorte de merle blanc, le groupe a son siège social à Londres, mais tire la plupart de ses revenus de Chine et d’autres pays asiatiques. Son centre de gravité opérationnel se situant plutôt en Extrême-Orient, HSBC est moins sensible aux politiques relatives aux taux directeurs pratiquées en Occident. Elle prend par ailleurs des mesures résolues pour alléger la pression sur ses revenus nets d’intérêts. Ainsi a-t-elle considérablement réduit sa sensibilité aux taux ces derniers trimestres, en recourant à un système de couverture structurelle. Tout recul de 100 points de base des taux directeurs mondiaux provoque en principe une chute de 7 milliards de dollars de ses revenus annuels : d’après un commentaire portant sur les résultats, le fléchissement ne devrait cette fois pas dépasser 2,7 milliards de dollars.
HSBC s’en sort bien sur d’autres plans encore. Les revenus de son segment patrimonial ont augmenté de 12 %, à 4,3 milliards de dollars, au cours des six premiers mois de l’année. Les revenus des commissions dans le segment des clients fortunés ont bondi de 14 %, pour atteindre 3,5 milliards de dollars. Cette activité a ceci d’intéressant que ses résultats fluctuent beaucoup moins que les revenus nets d’intérêts. Pour autant, comme bien d’autres banques européennes, HSBC a son talon d’Achille : sa participation de 19 % dans la banque chinoise Bank of Communications (BoCom). Malgré la dépréciation de 3 milliards de dollars pratiquée en début d’année et l’augmentation du cours BoCom, cette position vaut 6,8 milliards de dollars de moins que le montant inscrit dans les livres de HSBC.
Outre le risque d’une nouvelle dépréciation, les investisseurs doivent tenir compte de l’exposition du mastodonte au secteur immobilier chinois. La banque s’attelle toutefois à réduire les risques auxquels elle est soumise. Au cours du seul premier semestre, elle a ramené de 6,3 milliards à 4,8 milliards de dollars son exposition au marché immobilier hongkongais. George Elhedery, qui occupe le fauteuil de CEO depuis le 2 septembre, avait indiqué avant son entrée en fonction que le pire, pour le secteur immobilier chinois, était passé.

Conclusion : acheter HSBC, vendre JPMorgan Chase

HSBC fait actuellement figure de favorite, dans un secteur où les perspectives varient considérablement d’une région à l’autre. Sa valorisation (ratio C/B de 6,5) reste inférieure à la moyenne européenne, alors même que son positionnement géographique et son orientation vers les activités patrimoniales lui assurent un meilleur profil de croissance. Compte tenu du rendement en dividende (plus de 9 %), une recommandation d’achat s’impose. A l’inverse, la perspective d’un recul des bénéfices prévisionnels de JPMorgan Chase au cours des trimestres qui viennent incite à se défaire du titre.


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