L’immobilier commercial européen se reprend

Construction of Westfield Stratford City, Europe’s largest urban shopping centre, Stratford, East London, UK. © Getty Images

L’immobilier commercial souffre depuis longtemps de l’essor des achats en ligne, une situation que la crise sanitaire et la hausse des taux d’intérêt ont encore aggravée. Mais les prix des centres commerciaux européens se sont désormais stabilisés et les loyers ont repris des couleurs.

Au terme d’une vague de dépréciations et de réductions de loyers, l’immobilier commercial peut espérer voir le bout du tunnel. Portée par la baisse des taux, la croissance des bénéfices et des valorisations est à nouveau au rendez-vous. Nous nous pencherons ici sur l’immobilier commercial européen, segment d’une taille plutôt limitée, qui redresse aujourd’hui la tête.

Net rattrapage

Nous en voulons pour preuve l’envolée, de 40 % ces 12 derniers mois, de l’indice STOXX Europe Total Market Retail REITs, composé de 13 fonds commerciaux européens. L’immobilier commercial a donc fait beaucoup mieux que l’immobilier au sens large, dont le rendement total sur la même période s’est établi à 32 %. Sur les trois dernières années, les chiffres sont de -31 % pour les cours du STOXX Europe 600, contre +18 % pour ceux de l’immobilier commercial.

Les effets délétères des confinements sur l’immobilier commercial contribuent à expliquer ce rattrapage. Les propriétaires avaient de surcroît dû déprécier leurs magasins bien avant encore, à cause de l’engouement pour les achats en ligne. C’est pourquoi la hausse des taux a relativement peu pesé sur les valorisations dans la partie premium du segment du commerce de détail.

Des transactions prometteuses

Aujourd’hui, les prix des centres commerciaux européens se sont stabilisés et les loyers ont repris des couleurs. Les transactions recommencent elles aussi, prudemment, à se multiplier, ce qui témoigne de la confiance croissante des investisseurs institutionnels envers ce segment.

Les centres commerciaux d’Europe continentale ont vu leur fréquentation augmenter de 4 % entre janvier et juin (ce qui reste toutefois de 4 % inférieur aux niveaux d’avant-pandémie), révèle une étude menée par CBRE. Tant les grands centres que ceux consacrés au commerce de détail attirent déjà plus de visiteurs (+1 %) qu’avant la crise. Ces deux types d’immobilier enregistrent également une croissance relativement vigoureuse de leur chiffre d’affaires (+20 % et +17 % respectivement par rapport à 2019). L’inflation galopante a permis aux loyers des parcs repris dans l’indice CBRE de progresser de 2,4 % au premier semestre ; toutefois, ajoute le consultant, les baux de la plupart des pays deviennent moins rémunérateurs.

Il importe donc de faire preuve d’esprit critique et d’examiner de près la qualité des biens considérés. Les centres de premier ordre, bien situés, emportent notre préférence, car l’écart avec l’immobilier de qualité secondaire ne peut que se creuser. Voici cinq titres résolument dignes d’intérêt.

Candidate 1 : Altarea

Avec un portefeuille de près de six milliards d’euros, Altarea est un promoteur et un investisseur majeur sur le marché français du commerce de détail. Son capital investi est constitué à 72 % d’immobilier commercial, principalement réparti entre 43 grands centres régionaux. Altarea est également actif par l’intermédiaire d’Altareit, sa filiale cotée, dans la promotion d’immobilier résidentiel, logistique et de bureaux. Il occupe la deuxième place sur le marché résidentiel français. La désaffection provoquée l’an passé par la flambée des taux l’a obligé à déprécier considérablement ses positions dans ce segment, une situation que la stabilité des revenus de l’immobilier commercial a permis de compenser. Ce dernier segment, dont le taux d’occupation atteint 97,3 %, a clos le premier semestre sur une croissance organique de 7 % de ses revenus locatifs.

La récente baisse des taux pourrait être dès 2025 bénéfique au marché immobilier de l’Hexagone, dont les grandes villes souffrent en outre d’une pénurie de logements. Altarea mise pour 2024 sur une progression des revenus des investissements directs et ambitionne de renouer, d’ici quatre ans, avec les 300 millions d’euros et plus de bénéfices précédemment réalisés (2023 : 101 millions). Soit un bénéfice de 14,50 euros par action et, compte tenu du ratio de distribution de 75 % visé, un dividende de 10,85 euros. Le dividende, dont le rendement s’élève à 8 %, ne devrait pas évoluer cette année. Le titre n’anticipe pas encore la hausse à venir du marché immobilier français.

Candidate 2 : Mercialys

Le portefeuille de la française Mercialys se compose de 47 centres commerciaux régionaux de taille moyenne à petite, d’une valeur de 61 millions d’euros en moyenne. Après avoir subi une dépréciation de 7 % en 2023, il s’est stabilisé à 2,9 milliards d’euros au premier semestre. Avec un hypermarché et de nombreux magasins axés sur les besoins quotidiens, ses centres commerciaux sont positionnés de manière défensive. Relativement bas, les loyers contribuent à l’absence quasi totale de vacance ; ils ont augmenté de 4,1 % à périmètre organique entre janvier et juin grâce, principalement, à une vigoureuse indexation.
La direction table pour l’exercice sur une croissance de 2 % au moins du bénéfice par action (+3 %, déjà, au premier semestre).

Mercialys a récemment cédé quatre hypermarchés, faisant tomber son rapport prêt/valeur du bien financé (LTV) à un confortable 37 %. Les risques liés au fichier de clientèle ont été considérablement réduits. Ainsi la chaîne Casino, en difficulté, ne représente-t-elle plus que 1,2 % des revenus locatifs. Les hypermarchés assurent 15,9 % de ces revenus, mais ils sont loués à différents clients.

Le consensus prévoit pour 2024 un bénéfice de 1,20 euro et un dividende de 1,02 euro par action. Malgré la forte hausse du cours constatée depuis janvier, le rendement en dividende (8,7 %) reste intéressant. La décote, de 26 %, aussi.

Candidate 3 : Hammerson

La britannique Hammerson assure la promotion immobilière de grands centres commerciaux au Royaume-Uni, en Irlande et en France, dans lesquels elle investit par ailleurs pour le long terme. Très affectée par des dépréciations, elle s’est vu contrainte de procéder à une émission et à des cessions. Le bilan se porte à présent mieux et le ratio LTV ne dépasse plus 25 %. A moyen terme, le groupe vise une croissance des bénéfices et des dividendes de 6-8 % l’an. Les rachats d’actions compenseront une partie de la perte de revenus locatifs due aux récentes cessions.

Le portefeuille subsistant donne lui aussi des signes de redressement ; les loyers ont en effet augmenté de 2 % à périmètre comparable durant les six premiers mois de l’année et les nouveaux baux sont bien plus rémunérateurs. L’inoccupation (6 %) reste néanmoins élevée. Les réductions de valeur sont très probablement de l’histoire ancienne ; simultanément, l’action se négocie 20 % sous sa valeur intrinsèque et son dividende offre un rendement de plus de 5 %.

Candidate 4 : Klépierre

Ce fonds français dont le portefeuille s’établit à 24 milliards d’euros se compose de grands centres commerciaux situés dans 16 pays d’Europe. Tout comme Unibail-Rodamco-Westfield, Klépierre opère dans le segment supérieur du marché de la vente au détail. La hausse des taux a fait perdre plus de 12 % à son portefeuille immobilier, contre 16 % pour le portefeuille européen d’URW. Le portefeuille de Klépierre a toutefois regagné 2 % au premier semestre.

Sur le plan opérationnel, les loyers ont augmenté de 6 % à périmètre comparable, les nouveaux baux sont de 3 % plus élevés et le taux de vacance tourne autour de 4 %. Le dividende devrait augmenter d’environ 2 % cette année, à quoi correspondrait un rendement de 6,3 %.

Candidate 5 : Unibail-Rodamco-Westfield

Unibail-Rodamco-Westfield (URW) est spécialisée dans les méga-centres commerciaux. Pour alléger sa dette, elle cherche à vendre ses centres américains, un processus que la hausse des taux est toutefois venue contrecarrer. Mais les taux américains à 10 ans ont désormais légèrement baissé et les prix de l’immobilier outre-Atlantique se sont stabilisés, ce qui devrait faciliter les opérations. URW a acté une dépréciation de 4,7 % sur ses centres américains au cours des six premiers mois de l’année, contre des hausses 0,7 % et 1,4 % respectivement en Europe et au Royaume-Uni.

Les centres commerciaux se portent généralement bien et la vacance a renoué avec ses niveaux d’avant-pandémie (5 %). Malgré les cessions, le bénéfice par action a progressé de 1 % cette année, à 9,73 euros. Remis en vigueur en 2023, à 2,50 euros par action, le dividende devrait désormais augmenter considérablement. URW se négocie à 48 % sous sa valeur intrinsèque, contre 7 % pour l’action Klépierre. Une fois l’immobilier américain vendu, le titre devrait pouvoir s’apprécier considérablement.

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