Les vainqueurs des “Trumponomics”
L’issue de l’élection présidentielle américaine a fait bondir les cours des actifs financiers, dont les cryptomonnaies.
La manière dont les cours évoluent aux premières heures de l’élection présidentielle américaine permet souvent d’identifier les investissements susceptibles de s’avérer porteurs par la suite. Lorsqu’il fut clair, très tôt après l’ouverture des bureaux de vote, que davantage d’électeurs encore avaient voté pour Donald Trump que lors des deux précédents scrutins, les marchés financiers s’emballèrent et le bitcoin se mit à grimper en flèche. Donald Trump, qui veut faire des Etats-Unis la capitale “crypto” de la planète, parle par ailleurs d’établir une réserve stratégique en bitcoins. Les investisseurs le croient sur parole.
Les Etats-Unis, superpuissance du bitcoin
Donald Trump entend faire de son pays une “superpuissance du bitcoin” et envisage de créer une réserve stratégique en bitcoins, une politique qui ne manquerait pas de stimuler la demande en faveur de ce type de devises. Le successeur de Joe Biden compte également abolir l’opération Choke Point 2.0, en d’autres termes substituer à une réglementation stricte une plus grande liberté, qui profiterait aux entreprises actives dans les cryptodevises. Son projet de créer un organe consultatif sur la législation relative aux cybermonnaies promet quant à lui plus de clarté et de croissance dans ce domaine. Moins de réglementation et plus d’opportunités : le secteur américain des monnaies cryptographiques semble prêt à entrer dans une nouvelle ère de prospérité.
La hausse du dollar par rapport à l’euro n’est pas, elle non plus, passée inaperçue. Les Etats-Unis auront importé cette année pour 72,5 milliards de dollars par mois en moyenne de biens et services de plus qu’ils n’en auront exporté. Ce déficit commercial est une épine dans le pied du futur président, qui veut que ses compatriotes produisent et consomment davantage à l’intérieur des frontières – d’où sa décision d’instaurer ou d’augmenter des droits de douane. Quelques heures après le début du scrutin, le bitcoin avait progressé davantage encore, cependant que l’euro subissait sa plus forte baisse sur une base journalière face au dollar depuis 2016. Simultanément, Donald Trump recueillait le plus grand nombre de voix et était en passe de devenir le premier républicain depuis longtemps à emporter de surcroît le vote populaire.
Actions
Durant son premier mandat, l’homme d’affaires avait martelé que la hausse des cours de Bourse était son principal critère de mesure. De fait : toute correction l’incitait à ajuster sa politique, tandis que chaque progression l’encourageait à en faire plus dans la voie empruntée. Par ailleurs, chaque relèvement de taux décidé par la Federal Reserve le révulsait ; c’est au point qu’en 2018, il est allé jusqu’à traiter Jerome Powell, le gouverneur de l’institution, d’ennemi, et à demander s’il ne représentait pas une plus grande menace pour les Etats-Unis que le président chinois Xi Jinping.
La vigoureuse remontée des actions américaines durant le premier jour de Bourse qui a suivi le scrutin n’a donc guère de quoi surprendre. L’indice S&P 500 a progressé de 2,5 % en dollars, de 4,5 % en euros. Des titres extrêmement tributaires de l’humeur boursière, comme Interactive Brokers, ont, eux, gagné jusqu’à 10 % et plus. Cette hausse est due non seulement à une multiplication des transactions, mais aussi à un effet boule de neige, qui veut que des cours plus élevés incitent les investisseurs à emprunter davantage à Interactive Brokers, pour pouvoir investir avec l’argent ainsi obtenu. La victoire de Donald Trump a donc, tout comme il y a huit ans, rendu le sourire à Wall Street. Même s’il faut se souvenir que tout n’a pas toujours été rose durant le mandat de l’impétueux président.
Les actions des entreprises américaines confrontées à une concurrence à l’étranger, auxquelles l’instauration ou le relèvement des droits de douane pourraient donc être profitables, ont nettement progressé. Le cours de Nucor, le plus grand producteur d’acier des Etats-Unis, a gagné 16 %. Le marché a la certitude que Donald Trump va alourdir les droits de douane sur l’acier étranger, au profit d’un renforcement de la position des producteurs nationaux, comme Nucor.
Défense européenne
L’issue du scrutin ne sera pas sans conséquences sur la sécurité européenne. Le promoteur immobilier a déclaré il y a quelques mois que pour lui, la Russie pourrait bien faire ce qu’elle voudrait des pays de l’OTAN, incapables de consacrer ne serait-ce que 2 % de leur produit intérieur brut (PIB) à leur défense. Le Congrès a beau avoir adopté une loi empêchant quiconque de retirer unilatéralement les Etats-Unis de l’OTAN, le président reste le commandant en chef des forces armées américaines : s’il décide de ne pas déployer ses troupes, le résultat sera le même. Aidé par les chiffres trimestriels de Rheinmetall et par la victoire de Donald Trump, le secteur européen de la défense a affiché d’excellents rendements la semaine dernière. Les combustibles fossiles bénéficient eux aussi de la récente évolution du contexte.
Pétrole et gaz naturel
Le futur président des Etats-Unis continue de qualifier le changement climatique d’invention chinoise, destinée à nuire à l’économie américaine. S’il lui arrive de reconnaître, du bout des lèvres, la réalité du réchauffement planétaire, il refuse d’admettre que l’activité humaine en est la cause. Son attachement au pétrole et au gaz naturel est donc, sans surprise, au cœur de sa politique énergétique. Au cours des deux dernières décennies, les Etats-Unis sont passés du statut de premier importateur à celui de premier exportateur de pétrole et de gaz naturel au monde.
Le républicain ne cache pas sa volonté de supprimer les réglementations et de stimuler davantage le secteur, pour que l’économie américaine – tout comme d’autres – puisse profiter des immenses ressources énergétiques du pays. Ce qui ferait naître des opportunités d’investissement dans le secteur du gaz naturel, où nos quatre entreprises favorites sont EQT, Antero Resources, Cheniere Energy et Range Resources. La victoire de Donald Trump leur permettra de bénéficier davantage encore de la demande, partout croissante, de gaz naturel américain.
Inflation
La situation économique et monétaire de 2025 sera très différente de celle de 2017, quand Donald Trump avait pris possession du Bureau ovale. La principale différence réside dans la nature des forces économiques en présence. En 2017, les Etats-Unis, et l’Occident en général, baignaient dans un contexte déflationniste. Donald Trump est entré à la Maison-Blanche à une époque où les banquiers centraux avertissaient que la politique monétaire seule ne suffirait pas et que pour se débarrasser des taux d’intérêt négatifs, une politique budgétaire s’imposait. En ce temps-là, l’encours de la dette souveraine mondiale assortie de taux négatifs tournait autour de 8.000 milliards de dollars ; ce poste n’existe plus aujourd’hui et l’inflation domine encore et toujours l’actualité. Comme dans les années 1970.
Parlons-en, justement, des années 1970, et plus précisément de 1972, 1976 et 1980, années électorales durant lesquelles les candidats promettaient monts et merveilles, que les marchés financiers anticipaient en offrant des rendements annuels élevés. Mais la période s’est en réalité avérée désastreuse pour les actions, puisqu’il a fallu attendre 1982 pour que le S&P 500 renoue avec les 100 points atteints dès 1966. Historiquement, seuls deux facteurs sont réellement préjudiciables aux actions : les récessions et l’inflation. Or l’inflation sévit depuis 2022, et comme Donald Trump se proclame avec fierté le “roi de l’endettement”, tout porte à croire qu’il maintiendra, voire augmentera, les niveaux de dépenses de l’administration Biden. Avec un déficit budgétaire qui équivaut à 7 % du PIB, il n’aura même pas besoin d’en faire plus pour aggraver la flambée des étiquettes.
C’est la raison pour laquelle nous demeurons positifs à l’égard des investissements qui s’étaient fortement appréciés dans les années 1970, comme l’or. Le cours de l’or a connu une croissance explosive au 21e siècle, à telle enseigne que ses rendements dépassent ceux du S&P 500. Si l’or se porte aussi bien, ce n’est pas qu’il est surévalué, c’est que le paysage financier mondial subit des mutations structurelles. Citons, à ce sujet, la volonté des banques centrales du monde entier de diversifier leurs réserves et d’augmenter leurs avoirs en or, pour être moins dépendantes du billet vert. Dans les années 1970, marquées par une forte inflation, les rendements des actions restèrent proches de 0 %, contre plus de 10 % en moyenne pour l’or.
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