Les distributeurs pharmaceutiques, intermédiaires précieux

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Depuis plusieurs décennies déjà, les distributeurs de médicaments génèrent des rendements intéressants. McKesson, Cencora et Cardinal Health dominent le secteur. Ces trois acteurs ont récemment revu à la hausse leurs prévisions de bénéfices pour l’exercice en cours. Nous passons en revue leurs points communs et leurs caractéristiques propres.

Rares sont les investisseurs qui se passionnent pour l’achat et la vente de médicaments ; et pourtant, cette activité génère depuis plusieurs décennies déjà des rendements intéressants. La distribution (ou répartition) de médicaments est dominée par trois acteurs : par ordre de chiffre d’affaires (CA), il s’agit de McKesson, Cencora et Cardinal Health.

Si leurs activités se chevauchent largement, ces trois sociétés présentent quelques différences stratégiques. En revanche, toutes affichent un CA remarquablement élevé : au dernier exercice complet, 205 millions de dollars pour Cardinal Health, plus de 262 milliards de dollars pour Cencora et près de 277 milliards de dollars pour McKesson. Mais comme leurs coûts (l’achat de médicaments aux laboratoires pharmaceutiques) sont aussi très élevés, variant ici entre 198 et 264 milliards de dollars, le bénéfice d’exploitation (Ebit) reflète mieux la valeur de l’actif économique des grossistes en médicaments. Sur ce plan, McKesson occupe aussi la première place, avec 5,0 milliards de dollars ; Cencora suit avec 3,3 milliards de dollars et Cardinal Health ferme la marche, avec 2,1 milliards de dollars.

Cœur de métier

Ces trois sociétés ont pour activité principale l’achat, le stockage et la distribution de médicaments provenant de laboratoires pharmaceutiques, de biotechs et de fabricants de médicaments génériques, en vue de leur revente à de grandes chaînes de pharmacies, supermarchés, hôpitaux et établissements de soins de santé. Cardinal Health et McKesson vendent également des dispositifs médicaux (seringues, gants, produits pour traitement des plaies…) de tiers et de marque propre à des établissements de santé et à des laboratoires. Ces activités représentaient 6 % de l’Ebit de Cardinal Health au dernier exercice, mais plus de 20 % chez McKesson.

Cencora, quant à elle, est la seule à exercer une activité notable de grossiste de médicaments hors des Etats-Unis aussi : l’international représente ainsi 10 % du CA et 20 % de l’Ebit. McKesson, autrefois active à l’international, s’est séparée de toutes ses activités européennes au cours des trois dernières années, à l’exception de la division norvégienne, pour laquelle elle cherche toujours un acquéreur.

Génériques

L’essentiel du CA et des bénéfices des trois entreprises proviennent donc de la distribution de médicaments aux Etats-Unis, ainsi qu’au Canada. Et bien que les médicaments de marque les plus coûteux, comme les remèdes contre l’obésité, sont généralement sous les feux de la rampe, ce sont en réalité les médicaments génériques sans marque ni brevet qui contribuent le plus à la marge brute. Environ 90 % des médicaments prescrits aux Etats-Unis sont des génériques. Les trois grands répartiteurs sont relativement bien positionnés par rapport aux fabricants de génériques, désireux d’assurer une place à leurs médicaments sur les rayonnages des grandes chaînes de pharmacies avec lesquelles les distributeurs entretiennent des liens étroits. Compte tenu de leur volume d’achat important, les trois distributeurs obtiennent de belles remises de la part des fabricants de génériques.

L’expiration des brevets constitue une opportunité supplémentaire : lorsqu’un brevet tombe dans le domaine public, les prix des génériques sont encore élevés, pour reculer rapidement ensuite.

Amélioration des marges bénéficiaires

La baisse relativement limitée des prix des génériques, ces derniers mois aux Etats-Unis, a eu un effet positif sur la marge bénéficiaire des grossistes.

La structure des contrats signés avec les fabricants de médicaments de marque est toutefois différente ; sur ce segment, la position des répartiteurs s’est dégradée. Ces derniers achetaient auparavant de grandes quantités de médicaments de marque et profitaient ensuite des relèvements de prix annuels, mais le modèle a radicalement changé en 20 ans.

Chez Cencora, par exemple, 95 % de la valeur d’achat des médicaments de marque fait l’objet d’un contrat fee for a service (FFS) : le distributeur ne peut acheter que des quantités limitées, ce qui rend négligeable l’incidence des hausses de prix sur le bénéfice d’exploitation. En revanche, il est rétribué pour les services liés à la vente de médicaments : fourniture d’informations sur les stocks, tendances de la demande…

Gros clients

Pour leur approvisionnement en médicaments, les trois répartiteurs dépendent d’un nombre relativement limité de fabricants. Chez McKesson, les 10 principaux fournisseurs représentent 70 % de l’approvisionnement total, contre 48 % chez Cencora ; chez Cardinal Health, 39 % des médicaments proviennent de cinq fournisseurs seulement. S’agissant des acheteurs, la concentration est encore plus importante : Cardinal Health réalise 25 % de son CA chez CVS Health et 16 % chez Optum Rx. Ses cinq plus gros clients apportent 51 % du CA.

La situation est similaire chez Cencora et McKesson. Walgreens Boots Alliance est le premier client de Cencora (26 % du CA) ; vient ensuite Express Scripts (14 %). Chez Cencora, 66 % du CA sont assurés par les 10 clients principaux. Le plus gros client de McKesson est CVS Health (27 % du CA), et chez ce dernier, les plus grands clients fournissent 68 % du CA.

Une telle concentration des achats constitue un risque. McKesson, par exemple, a souffert de la faillite de la chaîne de pharmacies Rite Aid : les résultats publiés le mois dernier pour le troisième trimestre de son exercice font état d’une provision de 515 millions de dollars pour des défauts de paiement sur des produits livrés. En conséquence, l’entreprise a abaissé ses prévisions de cash-flow disponible pour l’exercice, de 3,7-4,1 à 3,2-3,6 milliards de dollars.

Spécialités

Les marges bénéficiaires des grossistes traditionnels étant généralement faibles, tant Cardinal Health que Cencora et McKesson développent des activités plus rentables : logiciels, consultance… Ainsi McKesson approvisionne-t-elle en médicaments et gère-t-elle les stocks de 2.500 cabinets d’oncologie, réseau auquel elle propose aussi des logiciels de gestion opérationnelle et financière.

Cencora est également bien positionnée sur ce marché, à l’inverse de Cardinal Health. Toutefois, cette dernière fabrique et distribue des radiopharmaceutiques. Par ailleurs, Cencora s’est spécialisée dans le transport international de médicaments complexes.

Croissance des dividendes

La position centrale de ces trois acteurs dans la chaîne du médicament et les contrats conclus sur une longue durée leur ont permis de générer des bénéfices relativement stables au cours des 10 dernières années, ce qui s’est traduit par une croissance soutenue du dividende et des rachats d’actions (lire l’encadré “Pluie de dividendes” ci-dessous). Sur ces 20 dernières années, Cencora et McKesson – mais pas Cardinal Health – ont nettement surperformé l’indice S&P 500. Ces dernières années, l’Ebit des trois répartiteurs a progressé un peu plus rapidement que la moyenne historique, si bien qu’une normalisation s’esquisse. Néanmoins, tant Cardinal Health que Cencora et McKesson ont récemment revu à la hausse leurs prévisions de bénéfices pour l’exercice en cours.

Cencora et McKesson, nos favoris

Les actions des distributeurs pharmaceutiques resteront intéressantes ces prochaines années. Nous considérons que Cencora – dont Walgreens Boots Alliance détient pour l’heure 13 %, une position qu’il cherche à réduire – et McKesson sont dignes d’achat, du fait de leur bon positionnement sur le segment spécialisé, bien plus rentable. Mais nous conseillons de conserver Cardinal Health, dans l’attente que la restructuration en cours porte ses fruits.

Pluie de dividendes

Si le rendement du dividende de Cencora et de McKesson est modeste, à 0,9 % et 0,5 % respectivement, celui de Cardinal Health est beaucoup plus élevé, à 1,8 %. Avec 35 années d’augmentation continue des dividendes, même si la hausse s’est limitée à 1,1 % ces cinq dernières années, Cardinal Health peut prétendre au titre d’”aristocrate du dividende”. Cencora est toujours bien partie pour obtenir ce statut, avec 19 relèvements consécutifs ; quant aux dividendes de McKesson, ils sont restés constants entre 1999 et 2008, puis ont augmenté plusieurs fois jusqu’à 2017, date depuis laquelle ils progressent chaque année. Entre 2018 et 2023, la croissance des dividendes de Cencora (5 %) et de McKesson (près de 10 %) a été nettement plus élevée que celle de Cardinal Health.

Par ailleurs, les trois sociétés procèdent à des rachats d’actions. McKesson a réduit son flottant de 39 % au cours de la décennie écoulée, Cardinal Health, de 24 % et Cencora, de 13 %.

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