Les différents dollars au second semestre

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Voici comment, à notre estime, les dollars américain, canadien, australien et néo-zélandais vont se comporter au cours des mois qui viennent.

Le dollar américain

Le dollar américain (USD) subit la concurrence de certaines monnaies émergentes. La Chine, en particulier, jalouse depuis tout un temps sa suprématie. Il y a évidemment toujours des raisons d’être pessimiste mais à l’instar du prix Nobel Paul Krugman, nous nous fions à la résistance du système monétaire américain. Le dollar est toujours la première devise du monde; il sert à financer la moitié du commerce international, intervient dans la quasi-intégralité des opérations de change et est la monnaie de réserve des plus grandes banques centrales de la planète. Les bons du Trésor américain restent les investissements les plus sûrs et sont facilement négociables. Le dollar a selon nous toujours de beaux jours devant lui. Reste que plusieurs experts ont revu leur opinion à son sujet ces dernières semaines. En cause, surtout: le resserrement des différentiels de taux.

Une devise solide comme le roc, qui affiche la liquidité la plus élevée du monde et que les conflits internationaux n’ébranlent pas, ou à peine, ne s’effondrera pas du jour au lendemain.

L’histoire permet souvent de voir l’avenir avec lucidité. D’après le tableau des cours de change, le dollar a cédé 4,30% en un an. Mais il est aussi 16,30% plus cher par rapport à l’euro qu’il y a 10 ans exactement: pour l’investisseur en obligations, cette donnée est plus importante que le ratio à court terme. Sur 20 ans, le dollar l’emporte à raison de plus de 10% sur la monnaie unique. Il est vrai que la situation économique et monétaire change sans arrêt; mais une devise solide comme le roc, qui affiche la liquidité la plus élevée du monde et que les conflits internationaux n’ébranlent pas, ou à peine, ne s’effondrera pas du jour au lendemain.

Le dollar est une monnaie cyclique, alors que l’euro est plus sensible à l’évolution des taux d’intérêt. Le billet vert évolue avec l’économie, ainsi qu’au gré de la politique monétaire de la Banque centrale américaine (Fed). L’euro est plutôt un suiveur: sa valeur tend à refléter le différentiel de taux d’intérêt avec les investissements en dollars. Or ce différentiel se resserre actuellement, car la Fed hésite à relever davantage ses taux. La Banque centrale européenne, elle, a déjà annoncé de nouvelles hausses – elle ne fait d’ailleurs en cela que rattraper le temps perdu, puisqu’elle avait tardé à réagir à l’installation de l’inflation. Une fois que ces relèvements auront été opérés, nous devrions assister à un retour de l’équilibre, avec un dollar fort et un euro qui évoluera dans son sillage.

Le dollar canadien

Le Canada étant assis sur la troisième réserve de pétrole au monde, il existe un lien naturel entre sa monnaie (CAD) et les prix de l’or noir, lien qu’il ne faut toutefois pas non plus surestimer. Le CAD a cédé un peu plus de 1% face à l’USD depuis l’an passé, à peu près à la même époque. Le baril de Brent coûtait alors 118 dollars, contre 74 dollars aujourd’hui (-35%). L’on note donc une corrélation entre le prix du pétrole et la valeur de la monnaie canadienne, mais elle n’est pas linéaire – le pays a bien d’autres ressources naturelles encore, dont le fer, le nickel, l’aluminium et le titane.

La Banque centrale du Canada a porté début juin son taux directeur à 4,25%, son niveau le plus élevé depuis plus de 20 ans. Elle a ensuite appuyé sur le bouton “pause”, avant la Fed. Aujourd’hui, elle repart à l’attaque, sans non plus attendre sa grande sœur américaine – à 4,41%, l’inflation reste bien supérieure à l’objectif de 2%. Mais tous les espoirs sont permis: en juillet 2022, l’inflation atteignait encore 7,6%. Le CAD a retrouvé, ou à peu près, son niveau d’il y a cinq ans. Sa valeur devrait rester proche de 1,43 CAD pour 1 EUR dans les mois qui viennent.

Le dollar australien

Le dollar australien (AUD) a aujourd’hui la même valeur approximativement qu’il y a 20 ans (1,6 AUD pour 1 EUR). Il s’était considérablement apprécié à la mi-2012, avant de retomber. L’économie australienne enregistre une croissance continue depuis des années. La crise sanitaire l’a certes ébranlée mais par rapport à d’autres pays occidentaux, les dégâts ont été limités. La Banque centrale australienne s’est vue contrainte de relever début juin ses taux d’intérêt de 25 points de base, pour les porter à 4,10%; là encore, la menace inflationniste est pour beaucoup dans cette décision. A 7%, le taux d’inflation demeure bien trop élevé. La plupart des économistes s’étaient attendus à ce qu’à l’instar des Américains, les Australiens marquent une pause – on le sait: l’effet des hausses de taux ne devient tangible qu’après plusieurs mois. Mais le risque de déraillement semblait trop important.

Les remontées de taux d’intérêt provoquent en principe une appréciation de la monnaie. Cela a effectivement été le cas en Australie, mais pour peu de temps seulement, puisque la plupart des autres pays ont suivi le mouvement. Nous ne nous attendons pas à ce que le cours du dollar australien change beaucoup ces prochains mois.

Le dollar néo-zélandais

La monnaie néo-zélandaise affiche une évolution similaire. La Reserve Bank of New Zealand a fait de l’inflation, qui s’élève toujours à 7%, sa bête noire. La récente hausse de 25 points de base, à 5,50%, de ses taux directeurs, vise à ralentir la flambée des prix à la consommation. Selon le Fonds monétaire international, d’autres relèvements ne sont pas à exclure. Mais l’économie en souffre: elle a ralenti au premier trimestre de cette année, ainsi qu’au trimestre précédent. Le pays est donc officiellement en récession. Les cyclones Hale et Gabrielle et les grèves des enseignants ne l’ont pas aidé. Le dollar néo-zélandais (NZD) se déprécie peu à peu depuis des années – il faut débourser 1,77 NZD pour acquérir 1 EUR, contre 1,4 NZD encore en 2015. La récession n’est évidemment pas une bonne chose pour la monnaie, d’autant qu’aucune amélioration n’est actuellement en vue.

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