Les championnes des dividendes américaines

© Getty Images

Les aristocrates du dividende peuvent former l’épine dorsale de tout portefeuille d’investissement stable et en croissance. Mais même au sein de ce groupe, les performances varient. Nous mettons l’accent sur la stabilité du dividende, le prix et le ratio de distribution.

L’actionnaire passionné est constamment en quête d’opportunités dans des domaines qu’il n’a pas encore explorés. Derniers dividendes en poche, nous décidons d’envisager de nouveaux mouvements stratégiques. L’investisseur particulier (prudent) peut faire la part belle aux actions à dividendes, au nombre desquelles figurent les aristocrates américaines, ce cercle illustre composé d’entreprises qui ont réussi l’exploit d’augmenter leur dividende chaque année pendant 25 ans au moins. Ces entreprises, qui vont des géants industriels aux spécialistes des biens de grande consommation, peuvent former l’épine dorsale de tout portefeuille d’investissement stable et en croissance.

Au cours des cinq dernières années, leurs dividendes se sont accrus de 5,9 % par an en moyenne. Ce chiffre est d’autant plus impressionnant que certains dividendes n’ont progressé que d’une façon marginale ; c’est le cas de celui d’IBM, dont la croissance n’a pas dépassé 0,5 % par an. Pour tenter de faire mieux que ces moyennes, nous nous plongeons régulièrement dans l’analyse des aristocrates des dividendes.

Nos trois exigences

Rappelons pour commencer que la croissance passée des dividendes n’offre aucune garantie pour le futur. Si le dividende de Lowe’s, distributeur spécialisé dans le matériel de construction et de jardinage, a progressé de 18 % par an en moyenne en cinq ans, sa croissance est tombée à 4,8 % ces 12 derniers mois. Notre première exigence est celle d’un dividende au minimum stable. Nous examinerons donc à la fois l’évolution moyenne des cinq dernières années et celle enregistrée en 2023.

Deuxième condition : nous ne voulons pas payer trop par rapport au dividende obtenu. Le dividende de Roper Technologies, un des leaders du secteur industriel, a grossi de 10,2 % par an en moyenne ces cinq dernières années, et de 9,9 % en 2023. Mais le dividende distribué n’a pas dépassé 0,5 % par action, par an, ce qui n’autorise pas beaucoup de nouveaux achats. Nous, nous cherchons un effet boule de neige : les dividendes perçus doivent nous permettre d’acheter de nouvelles actions.

La troisième condition, enfin, porte sur le ratio de distribution, qui ne peut pas être trop élevé. Rapport entre le bénéfice net et le dividende, le ratio de distribution exprime la mesure dans laquelle le dividende est tenable – il dit en d’autres termes si les augmentations opérées sont le fruit d’un accroissement des flux de trésorerie ou résultent de l’affectation d’une part plus importante du bénéfice net. Mieux vaut évidemment que ce dernier ratio ne soit pas trop important. La chaîne d’habillement VF Corp., par exemple, a consacré en 2020 119 % de son bénéfice net au paiement des dividendes, et 213 % en 2021. Un an plus tard, elle ne figurait plus sur la liste des aristocrates.

L’endettement

Chevron et McCormick & Co illustrent bien l’importance de la question de l’endettement. L’an dernier, le groupe pétrolier avait fait savoir que son endettement serait peut-être un peu trop faible au cours des trimestres qui allaient suivre. Son ratio endettement net/flux de trésorerie d’exploitation (Ebitda) s’établit à 0,42 fois. La direction estime en effet qu’un certain niveau d’endettement est bénéfique pour l’actionnaire, dans la mesure où il permet des versements de dividendes et des rachats d’actions supplémentaires. A l’autre bout du spectre, McCormick & Co, qui produit épices, herbes, extraits, arômes et autres condiments, affiche un ratio dette nette/Ebitda de 3,58, un chiffre élevé qui donne à penser qu’elle se consacre en premier lieu au remboursement de ses dettes.

Quand une entreprise rachète ses propres actions, le dividende est réparti sur un nombre moins élevé de titres, ce qui en augmente le rendement. Et inversement. C’est ainsi que malgré sa politique de stabilité, Atmos Energy a reculé dans notre classement. Son dividende a augmenté de 8,9 % en moyenne en rythme annuel pendant cinq ans, et de 8 % en 2023. Là où le bât blesse, c’est que le nombre d’actions en circulation a bondi de 30 %, ce qui doit inciter à la méfiance. Peu importe en effet que les nouveaux titres soient émis pour rémunérer le personnel, pour financer des acquisitions (la plupart des grandes acquisitions sont un échec) ou pour soutenir des investissements élevés : à chacun de ces scénarios sont liés des risques que l’investisseur prudent n’aura pas envie de prendre.

Championne 1 : Archer Daniels Midland

Archer Daniels Midland (ADM) est un maillon d’importance majeure de la chaîne d’approvisionnement agro-alimentaire mondiale. En janvier, le report, en raison d’une enquête comptable, de la publication des résultats de l’exercice 2023 a entamé la confiance des investisseurs. L’action a dégringolé de 25 %, sa chute la plus vertigineuse depuis 1929, faisant tomber le bénéfice prévisionnel de plus de 7 dollars à 6,90 dollars par action. Les résultats du quatrième trimestre et de l’exercice ont finalement été publiés le 12 mars. Les conseils, dans lesquels les analystes avaient sabré, ont été relevés, mais l’investisseur qui a peu d’appétence pour le risque fera bien de laisser ADM de côté. Nous décidons pour notre part de relever le défi – vu le cours, les perspectives sont alléchantes.

Championne 2 : Linde

Linde est le plus grand groupe spécialisé dans les gaz industriels au monde. Active dans des secteurs comme la chimie et les soins de santé, Linde est une magnifique entreprise, la meilleure de toutes sur le plan des paramètres sur lesquels elle a prise. Le seul sur lequel elle n’exerce pas de contrôle total est le rapport entre son dividende et le cours de son action. Or comme elle est très performante en Bourse, le rendement de son dividende n’est que de 1,2 % : 51 aristocrates font mieux. Mais pour le reste, Linde mérite véritablement que l’on s’y attarde. Nous nous empressons de préciser qu’il s’agit d’un achat à très long terme, car l’action est actuellement tout sauf bon marché ; à brève échéance, le cours dépend dans une très large mesure de l’évolution de la valorisation, dont un recul est toujours possible. Mais au fil des ans, ce sont les résultats d’exploitation qui sont déterminants, et chez Linde, ils sont fantastiques.

Championne 3 : Automatic Data Processing

Notre troisième championne des dividendes est Automatic Data Processing (ADP). Spécialisée dans l’administration des salaires et la gestion des talents et des ressources humaines, ADP est un des grands fournisseurs mondiaux de logiciels et de services dans ces segments. Il s’agit d’une société solide, qui multiplie les bons résultats. Elle ne peut que susciter l’intérêt des investisseurs en dividendes.

Patience et longueur de temps

Investir dans les aristocrates des dividendes est une stratégie qui doit s’étaler sur plusieurs années. Bien qu’à première vue, les cours des trois sociétés examinées évoluent d’une manière un peu erratique, ils augmenteront à mesure que les dividendes progresseront. Or selon les chiffres, ceux-ci pourraient croître pendant de nombreuses années encore. Avec des fondamentaux aussi solides, Archer Daniels Midland, Linde et Automatic Data Processing devraient donc être des choix résolument rentables.

Pourquoi pas de valeurs financières ?

Cincinnati Financial avait fait partie des gagnants d’une de nos précédentes analyses. Mais comme nous avons cette fois accordé davantage d’attention à l’endettement, nous avons laissé de côté toutes les sociétés financières, comme les banques et les entreprises d’assurances, dont la dette fait partie intégrante du business model : elles acceptent des dépôts (techniquement considérés comme des dettes), qu’elles utilisent ensuite pour prêter ou investir. Leur capacité à gérer leur endettement est certes un signe de bonne santé, mais l’activité est dangereuse sur le plan opérationnel. Les ratios traditionnels, comme les rapports dette/capitaux propres ou dette/revenus, ne peuvent pas être appliqués indifféremment du contexte. C’est pourquoi quand il s’agit d’évaluer la santé et la politique de gestion des risques des entreprises financières, les analystes privilégient d’autres critères, comme le ratio d’adéquation des fonds propres, le ratio de couverture des liquidités et la marge d’intérêt nette.


Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content