Le gaz naturel, nouveau miracle américain

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Après avoir développé fortement de nouvelles méthodes d’extraction, les Etats-Unis sont le premier exportateur mondial de gaz naturel. Nous présentons quatre actions prometteuses qui permettent de s’exposer au secteur, chacune sous un angle différent.

Grâce à de nouvelles technologies telles que le forage horizontal et la fracturation hydraulique, la production de gaz naturel explose depuis 2007 aux Etats-Unis. Le pays, jusqu’alors premier importateur mondial de gaz naturel, est devenu le principal exportateur de la planète en 2022, après avoir misé sur le développement du gaz de schiste.

Le prix du gaz naturel s’élève actuellement à 2,50 dollars par million de British Thermal Unit (MMBtu), soit 15 dollars le baril d’équivalent pétrole (bep). A titre de comparaison, un baril de WTI (la référence pour le pétrole américain, à l’instar du Brent en Europe) coûte environ cinq fois plus cher.

Exportation de gaz naturel

Le gaz naturel fait concurrence au pétrole dans trois domaines clés : la production d’électricité dans les centrales électriques, les applications industrielles et le secteur des transports. Dans le reste du monde, et en particulier en Europe, la différence de prix n’est pas si importante : un MMBtu vaut environ 12 dollars en Europe, soit 72 dollars le bep, ce qui correspond plus ou moins au prix du charbon et du pétrole. Avec les progrès technologiques, les trois hydrocarbures (pétrole, charbon et gaz naturel) sont de plus en plus interchangeables. L’Europe préfère le gaz naturel, moins polluant, mais les pays pauvres choisissent par définition l’option la moins chère.

Si les Etats-Unis ne donnaient pas la priorité absolue à la manne que leur assurent leurs exportations, leur industrie aurait largement tiré profit de l’interdiction d’exporter que le gouvernement aurait très certainement imposée. Il y a peu d’endroits au monde où l’énergie est moins chère qu’au pays de l’oncle Sam : les entreprises américaines pourraient ainsi produire à très bas prix. Le gouvernement a toutefois décidé d’exporter le gaz naturel, une activité très lucrative sur le court terme. Sept terminaux d’exportation de gaz naturel liquéfié (GNL) ont été érigés depuis 2016 et 15 autres sont en cours de construction ou ont été approuvés. Les prix du gaz naturel américain devraient donc petit à petit s’aligner sur la moyenne mondiale et augmenter de manière significative – tandis que les cours européens resteront stables.

Mécanisme mondial

Même si le gaz américain inonde le marché mondial, les prix du gaz naturel ne baisseront pas ailleurs, pour trois raisons. La première est que la demande de gaz naturel dans le monde occidental est aujourd’hui bien trop faible. Les derniers hivers plutôt doux en Europe et aux Etats-Unis ont eu un impact significatif sur les prix du gaz naturel, en particulier en 2023/24 : la demande de chauffage a diminué, faisant chuter les cours. Les pays européens en ont profité pour reconstituer leurs réserves, avec un effet stabilisateur sur les prix.

Ensuite, le secteur industriel s’est contracté de part et d’autre de l’Atlantique en 2023. Il devrait toutefois bientôt renouer avec la croissance. L’intégralité de la demande supplémentaire devra être comblée par les combustibles fossiles, qui peuvent être stockés et utilisés de manière flexible, à la différence des énergies solaire et éolienne. Ainsi, lorsque l’industrie fonctionne au ralenti, l’utilisation des combustibles fossiles diminue considérablement ; l’inverse se produit en phase d’expansion. En revanche, la capacité solaire et éolienne est toujours utilisée au maximum.

Le troisième facteur d’influence est à chercher dans l’essor de l’intelligence artificielle et la concurrence que se livrent les acteurs sectoriels. Car les centres de données consomment des quantités considérables d’énergie pour stocker, traiter et transmettre leurs énormes quantités de data. La puissance de calcul toujours plus importante, mais aussi les systèmes de refroidissement et de sécurité, sont extrêmement gourmands en énergie. L’appétit croissant des ménages et des entreprises pour les solutions numériques se traduira inévitablement par une multiplication du nombre de centres de données. Microsoft prévoit d’ailleurs d’investir 40 milliards de dollars cette année, contre 24 milliards en 2022 et 28 milliards en 2023.

Quatre titres américains prometteurs

Quel que soit l’angle sous lequel on étudie le gaz naturel américain, une certitude se dégage : son prix ne peut qu’augmenter. C’est pourquoi nous mettons en exergue quatre actions prometteuses. Bien que ces sociétés soient toutes actives dans le même secteur, elles présentent chacune des caractéristiques et des atouts uniques qui leur permettent d’offrir une exposition équilibrée et attrayante au gaz naturel américain.

EQT Corporation (ticker : EQT) est le plus grand producteur de gaz naturel aux Etats-Unis. Très présente dans le bassin des Appalaches, cette société se distingue par ses activités diversifiées, qui incluent la production de gaz naturel et l’extraction d’hydrocarbures plus lourds tels que le propane et le butane. Cette diversification rend EQT moins vulnérable aux fluctuations des prix du gaz naturel et lui assure une base de revenus plus large. L’entreprise est actuellement rentable dès que le MMBtu atteint 2,50 dollars mais à plus long terme, la direction vise même un équilibre à 2,00 dollars.

Antero Resources (ticker : AR) est elle aussi fortement centrée sur le bassin des Appalaches mais outre le gaz naturel proprement dit, elle met davantage l’accent sur la production de liquides de gaz naturel. Ces derniers permettent généralement de dégager des marges plus élevées et trouvent des applications diverses dans l’industrie pétrochimique, ce qui rend Antero particulièrement attrayante. En outre, l’entreprise dispose de réserves prouvées pour plus de 20 ans encore.

Cheniere Energy (ticker : LNG) se distingue par son modèle d’activité unique, exclusivement axé sur la production et l’exportation de GNL. Contrairement aux trois autres entreprises, surtout actives sur le marché national, Cheniere dessert le monde entier et profite ainsi des prix élevés du gaz naturel en Europe et en Asie, ce qui la rend moins dépendante de l’évolution des prix aux Etats-Unis. Elle pourra aussi directement bénéficier du redressement conjoncturel attendu de la Chine et de l’Allemagne.

Range Resources (ticker : RRC) est un autre acteur majeur du bassin des Appalaches. Comme Antero, il cible à la fois la production de gaz naturel et de liquides, mais avec un objectif et une stratégie légèrement différents sur le plan opérationnel. Cette entreprise se distingue depuis longtemps par sa maîtrise des coûts et l’efficacité de sa production, qui lui confèrent une réelle stabilité. Si le cours du gaz naturel passe à 4 dollars le MMBtu aux Etats-Unis (un scénario envisageable dès cette année), le cash-flow disponible représentera 11 % du cours ; à titre de comparaison, la moyenne pour le S&P 500 est de 3,1 %.

Un investissement dans ces quatre sociétés offre une exposition bien diversifiée à différentes composantes du secteur du gaz naturel : divers hydrocarbures pour EQT, gaz naturel et liquides pour Antero et Range Resources, ou encore marché mondial du GNL pour Cheniere. Pour les investisseurs qui cherchent à tirer parti de l’évolution du secteur du gaz naturel, ces quatre participations forment, ensemble, un portefeuille solide et diversifié.

Facteurs de risque

Certaines de ces sociétés présentent des valorisations élevées, mais qui n’ont rien d’inquiétant. Antero, par exemple, affiche un ratio cours/bénéfice de 62. C’est la plus exposée des quatre aux fluctuations du prix du gaz naturel – si celui-ci augmente, la valorisation d’Antero chute. Les mouvements peuvent être importants : sur les cinq premiers mois de 2022, l’action a progressé de 176 %. Un ratio cours/bénéfice très élevé du fait de prix extrêmement bas peut constituer un obstacle : les entreprises ne survivent souvent pas à la phase de hausse des prix. Mais cela ne sera pas le cas ici, puisqu’aucun de ces quatre acteurs n’affiche de ratio dette nette/Ebitda (cash-flow d’exploitation) anormalement élevé. En outre, trois des quatre sociétés ont encore de l’argent même après s’être acquittées de tous les coûts et investissements. Antero fait exception, mais il suffirait d’une légère hausse du prix du gaz naturel pour qu’elle remonte dans le vert.

Le risque le plus important auquel sont exposées ces quatre entreprises est celui d’un nouveau bouleversement technologique qui secouerait l’ensemble du marché, comme celui qui s’est produit entre 2007 et 2022. La probabilité d’un tel événement est faible puisque dans le contexte de taux actuel, les entreprises sont moins enclines à investir que précédemment. Le secteur déplore aussi un manque d’ingénieurs innovants, car de nombreux jeunes se sont dirigés vers d’autres cursus en raison de la fin annoncée des combustibles fossiles.

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