La pisciculture, une activité rentable

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Le poisson véhicule une image saine et la demande de saumon d’élevage, en particulier, croît plus vite que la production. Comme la tendance devrait se maintenir plusieurs décennies encore, les pisciculteurs ont littéralement de l’or entre les mains.

Voici quelques-uns des acteurs qui nous paraissent les plus prometteurs, surtout sur le long terme.

Opportunité 1 : Bakkafrost

Idéalement situées, les îles Féroé sont un haut lieu de la pêche et de la pisciculture. L’eau de mer y est à 8 degrés toute l’année et dans les fjords, où elle varie entre 11 degrés en été et 6 degrés en hiver, sa température peut être qualifiée d’extrêmement stable également. L’éleveur de saumon Bakkafrost, dont les activités s’étendent jusqu’à l’Ecosse, a donc trouvé l’endroit idéal pour s’installer. Il est coté à la Bourse norvégienne, mais ses comptes sont libellés en couronnes danoises (DKK), car les îles Féroé font partie du Danemark.

Fondée en 1968 par les frères Martin, Hans et Roland Jacobsen, Bakkafrost reste une société familiale. Regin Jacobsen, son actuel CEO, et Hogni Dahl Jacobsen, son CFO, sont les successeurs de la première génération. Deux Jacobsen détiennent quelque 15,5 % des actions du groupe. Après la crise qui avait décimé les poissons des îles Féroé au début du XXIe siècle, Bakkafrost a décidé de gérer seule l’ensemble de sa chaîne d’approvisionnement. Sa localisation lui permet de nourrir ses poissons avec des aliments riches en huiles et en protéines de poisson, ce qui exige moins de terres, au profit d’un allègement de l’empreinte écologique. Après 18 mois passés dans des bassins d’eau douce conditionnés, les saumons évoluent pendant un an dans des filets dérivant dans un fjord ; ayant alors atteint six kilos environ, ils passent ensuite deux mois dans l’eau de mer, après quoi ils sont transportés, transformés et conditionnés. Bakkafrost dispose depuis 2021 de son propre Boeing, ce qui lui permet de maîtriser jusqu’au transport du frais.

Le chiffre d’affaires du groupe a été multiplié par trois en 10 ans, pour atteindre 7,1 milliards DKK (soit 1 milliard d’euros) en 2023. Sur le plan opérationnel, la direction distingue des possibilités de progression en Ecosse, où les investissements ont été insuffisants par le passé. Les rendements y sont très inférieurs à ceux des sites féroïens, de même qu’à ceux des concurrents écossais. La mortalité des poissons y est trop élevée et le poids moyen des saumons adultes est faible. Les investissements devraient permettre de faire passer les rendements écossais de 30.000 tonnes de saumon en 2023 à 55.000 tonnes en 2028. Simultanément, les rendements, dans les îles Féroé, bondiront de 68.000 à 110.000 tonnes. Le rendement total estimé pour 2028 dépassera donc de plus de 65 % celui de l’an dernier, ce qui devrait stimuler le cours de l’action.

L’entreprise paie un dividende fixé à 30-50 % du bénéfice ajusté par action. Le rendement en dividende s’élève actuellement à 2 % et bien qu’il ait augmenté en 10 ans, il ne s’est pas montré extrêmement stable. Le groupe avait sabré dans le dividende à l’époque de la crise des crédits et de la crise sanitaire.

Pour l’investisseur, les gains de cours s’inscriront plutôt sur le long terme. Les bénéfices sont en baisse cette année mais le bénéfice par action devrait tourner autour de 31,50 DKK l’an prochain. Bakkafrost affiche à ce jour un ratio cours/bénéfice (C/B) de plus de 13 pour 2025. Avec un bilan solide comme le roc, l’entreprise supporterait très bien d’éventuels coups durs.

Opportunité 2 : Mowi

Jusqu’à son changement de nom, en 2018, la norvégienne Mowi s’appelait Marine Harvest. Fondée en 1965 par Unilever, Mowi est devenue, au gré des fusions et acquisitions, une des plus grandes entreprises spécialisées dans les produits de la mer – et en particulier, dans l’élevage de saumons. Forte d’un chiffre d’affaires de 5,5 milliards d’euros en 2023, Mowi est cotée à la Bourse d’Oslo, mais ses rapports sont établis en euros. En choisissant de se financer en euros plutôt qu’en couronnes norvégiennes (NOK), elle estime avoir économisé quelque 105 millions d’euros en charges d’intérêts en 10 ans.

Mowi dispose depuis 2012 d’une division qui produit, en Norvège et en Ecosse, des aliments pour poissons d’élevage : la qualité et la fiabilité de ses aliments ne sont en d’autres termes pas tributaires de tiers. La transformation des poissons adultes étant elle aussi entièrement réalisée en interne, le groupe gère l’intégralité de sa chaîne d’approvisionnement. Avec 20 % environ de part de marché, il est, de loin, le plus grand producteur de saumon atlantique au monde. La Norvège (62 %) et l’Ecosse (12 %) ont assuré près de 80 % des volumes élevés en 2023 ; le Chili s’est arrogé 14,6 % de la production et le Canada, le solde. Le volume brut de poissons récoltés est passé de 436.000 tonnes en 2019 à 475.000 tonnes en 2023. Il devrait augmenter d’environ 20.000 tonnes par an encore, pour atteindre 600.000 tonnes en 2029.

Le dividende trimestriel est fixé à 50 % – sinon plus – des bénéfices, et les liquidités excédentaires sont versées sous la forme d’un dividende extraordinaire. Le dividende fluctue, mais il suit la croissance des volumes, du chiffre d’affaires et des bénéfices. Le bénéfice par action sera de 1,05 euro environ (12,25 NOK) cette année ; pour 2025, le consensus table sur 1,45 euro approximativement (17 NOK), soit un ratio C/B de 12. C’est peu, pour une entreprise qui progressera de 4 % par an environ au cours des années qui viennent et qui distribue la moitié de ses bénéfices sous la forme de dividendes. Si le dividende versé au titre de 2025 atteint 8,50 NOK (50 % des bénéfices estimés), le rendement en dividende sera de 4,3 %.

Opportunité 3 : SalMar

SalMar ASA est un producteur de saumon basé en Norvège et coté à Oslo. Quelques années après sa création, en 1991, il a acquis une licence qui l’autorisait à produire du saumon d’élevage. Alors que ses processus de transformation constituaient à l’origine la base de son modèle commercial, puisque la grande majorité du poisson était exportée à l’état frais ou congelé, l’entreprise dispose aujourd’hui d’un processus vertical entièrement intégré, qui va de la production du poisson d’élevage à la vente du produit fini.

Ses diverses acquisitions et ses prises de participations (majoritaires) ont fait passer SalMar du statut d’entreprise disposant d’une unique licence de production de saumon d’élevage en Norvège à celui d’acteur international. La société élève 85 % environ de son saumon en Norvège ; elle possède également des sites en Islande et au Royaume-Uni, ainsi que des bureaux de vente en Asie.

Sa stratégie se résume en deux points : premièrement, elle entend produire le moins cher possible, en visant la meilleure efficacité opérationnelle qui soit ; deuxièmement, elle cherche à transformer et à vendre son saumon au meilleur prix, pour maximiser les rendements. Ses volumes ont grimpé de 35.000 tonnes en 2005 à 266.500 tonnes en 2023. Les perspectives pour 2024 ont néanmoins été revues à la baisse, à cause, notamment, de la faiblesse du prix du saumon ; en outre, pour la première fois depuis 2005, les volumes affichent un recul d’une année sur l’autre.

Un certain nombre de difficultés ont pesé sur les rendements : nous citerons le retrait (temporaire) d’une licence en Islande, des concentrations relativement élevées de poux de mer au printemps, ainsi que les températures record atteintes par l’eau de mer, qui ont limité la croissance des poissons de certains sites norvégiens. Les volumes prévisionnels, actuellement arrêtés à 257.000 tonnes pour 2024, sont de 4 % inférieurs à ceux de 2023. Mais SalMar prévoit de renouer avec ses chiffres de croissance habituels, puisqu’elle annonce 294.000 tonnes pour 2025 et 370.000 tonnes pour 2028. Soit une progression de 9,5 % par an.

L’histoire du dividende n’est certes pas faite que d’augmentations annuelles ; mais alors que le dividende de l’exercice 2013 était de 8 NOK, il s’est établi à 35 NOK en 2023. Soit, au cours actuel de l’action, un rendement en dividende de 5,9 %. En raison du tassement des résultats, le bénéfice par action sera cette année légèrement inférieur aux 24,30 NOK atteintes l’an dernier. Pour l’an prochain, un bénéfice par action prudemment estimé à 30 NOK donnerait un ratio C/B de 20. C’est un chiffre un peu plus élevé que celui de Mowi et de Bakkafrost mais étant donné ses excellentes perspectives de croissance à moyen terme, à quoi s’ajoute un rendement en dividende plus élevé, SalMar n’est pas trop onéreuse.

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