La Chine freine le secteur du luxe

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Les entreprises du secteur n’ont pas aligné, l’an dernier, de chiffres aussi prodigieux que ceux auxquels elles nous avaient habitués. Et même si les grands groupes sont extrêmement solides, le ralentissement de l’économie chinoise a d’indéniables conséquences sur leur activité. L’incapacité de l’économie chinoise à se reprendre au sortir des confinements pèse sur les résultats.

L’action Kering a perdu 15 % de sa valeur à l’annonce de la chute de 20 % des ventes de la filiale italienne Gucci entre le premier trimestre de 2023 et le premier trimestre de 2024 en Asie et en particulier, en Chine. Ce pays qui, des années durant, en a assuré l’évolution, est aujourd’hui un frein au secteur du luxe.

Toutes présentes en Chine

Toutes les sociétés actives dans le luxe sont présentes dans le Céleste Empire, dont les grandes marques offrent à une partie de la population une occasion de briller socialement. Des noms illustres comme Louis Vuitton, Hermès, Gucci, Dior et autres Prada ont fait des affaires de plus en plus florissantes en Chine au fil des décennies. Les clients achètent dans la mesure du possible sur place, où les produits sont moins chers qu’en Europe. Mais les très riches font leurs emplettes en Occident, souvent dans les aéroports ou dans les quartiers huppés de Londres, Paris ou Milan. Alors, si les voyages sont limités, comme pendant la crise sanitaire, ou si les revenus ne suivent plus, la machine s’enraie. Kering et LVMH se révèlent les plus sensibles à l’essoufflement des marchés asiatiques.

Aux Etats-Unis aussi

Il n’y a pas qu’en Extrême-Orient que l’on est sensible à la beauté, voire au bling-bling : les Américains aussi aiment acheter. Tout comme les asiatiques, ils ont dépensé sans compter l’épargne forcée accumulée à l’époque du Covid-19. Les cours des actions des entreprises du luxe ont immédiatement explosé. Mais ce rattrapage n’a pas duré. Alors que l’année 2022 s’était avérée excellente, la suivante a déçu.

Evolution en demi-teinte

Les géants du luxe n’ont donc pas réussi à réitérer, l’an dernier, les performances auxquelles ils avaient accoutumé leurs actionnaires. Au cours de ces 12 derniers mois, les actions de Kering, Estée Lauder et Burberry ont particulièrement souffert alors que sur cinq ans, leurs performances restent excellentes. Prada et LVMH ont affiché de superbes résultats, l’Oréal et le suisse Richemont les ont suivis de près : il faut donc quoi qu’il en soit avoir été très malchanceux ou particulièrement maladroit pour avoir subi une perte dans le secteur.

L’attrait du réel

Le ralentissement de la croissance chinoise est certes préoccupant, mais pas suffisamment pour craindre l’arrivée de nuages sombres au-dessus du secteur et justifier l’abandon des excellents pronostics. Tous les groupes ont désormais pleinement adopté le commerce électronique, du moins pour autant que le produit s’y prête. Pour les articles les plus chers en revanche, comme les montres de luxe, les bijoux ou les vêtements très onéreux, une partie du plaisir réside dans l’acte d’achat même : regarder, toucher, comparer, ne peut se faire que sur place, dans des boutiques physiques où les clients, submergés par la qualité de l’‘‘expérience’’, ont du reste tendance à dépenser plus. Pour les super-riches, le prix n’est jamais un obstacle. La résilience des marques suprêmes, des must have, est d’ailleurs spectaculaire. On sait que même quand l’économie tourne au ralenti, ce sont les produits les plus chers qui souffrent le moins.

L’Oréal, solide comme le roc

L’illustre Liliane Bettencourt a fait du français L’Oréal un véritable empire. L’action se négocie actuellement à un niveau proche de son record. A 33 fois le bénéfice escompté, la valorisation est bien sûr élevée, mais le groupe affiche des performances solides comme le roc. Il a réussi à augmenter son dividende de 11 % par an en moyenne ces cinq dernières années. Ses ventes ont progressé de près de 14 % en trois ans : la confiance dans le plus grand producteur mondial de produits de beauté et d’articles cosmétiques semble donc justifiée. La valorisation recule actuellement légèrement ; la dépendance à l’égard de la Chine est également moins prononcée que celle d’autres groupes actifs dans le luxe, d’où notre préférence au sein de ce segment et notre recommandation d’achat.

LVMH a atteint son apogée

Avec un chiffre d’affaires de 86 milliards d’euros, LVMH est, de loin, le plus grand groupe de luxe au monde. Bernard Arnault, qui en possède près de la moitié des actions, fait partie des personnes les plus riches de la planète. La force de l’ancrage familial garantit la stabilité de la gestion. L’entreprise est en outre très diversifiée – elle possède toute une série de marques emblématiques, comme les champagnes Moët & Chandon et Veuve Clicquot, de grands vins, dont Cheval Blanc ou Château d’Yquem, des articles de maroquinerie et des vêtements, parmi lesquels Louis Vuitton, Christian Dior et Givenchy, ou encore des montres, comme TAG Heuer et Hublo. La société, qui doit sa très vigoureuse évolution à la Chine notamment, fait partie des valeurs de luxe les plus défensives. Nous craignons toutefois que sa croissance n’ait atteint son apogée, d’où notre conseil de conserver/attendre.

Kering et la crise chez Gucci

Nous l’avons dit : Kering navigue en pleine tempête. Le conglomérat du Français Pinault possède lui aussi une série de marques de renommée mondiale, comme Yves Saint Laurent, Alexander McQueen et Boucheron, mais il est encore trop dépendant de l’italien Gucci (60 % de son chiffre d’affaires), qui croule actuellement sous les problèmes, à la fois en interne et en Chine. L’action Kering a considérablement reculé, mais tant que les difficultés de Gucci ne seront pas résolues, son achat ne pourra pas être sérieusement envisagé. A éviter, donc.

Prada, parmi les meilleurs choix

Beaucoup plus petit, le groupe Prada est selon nous un meilleur choix. La société spécialisée dans la mode et les parfums dispose d’un profil de croissance toujours robuste, à quoi s’ajoute un flottant limité (80 % des actions sont détenues par Prada Holding, ce qui signifie que seuls 20 % sont librement négociables en Bourse). Prada est une des entreprises les plus efficaces du secteur. Après la récente hausse, nous recommandons de conserver l’action, qui pourrait par ailleurs être achetée en cas de recul.

Richemont, pas notre favori

Le nom Richemont n’est peut-être pas très connu du grand public, mais plusieurs des marques du groupe le sont, même si elles ont perdu une partie de leur éclat – il s’agit des horlogers Baume & Mercier, IWC et Piaget, des joailliers comme Cartier et Van Cleef & Arpels, ou encore de Delvaux et Mont Blanc. Le groupe a clos l’exercice 2023 sur un chiffre d’affaires de 20 milliards d’euros mais, à l’instar de nombreux autres acteurs du secteur, il s’est moins bien comporté au troisième trimestre. Son cours évolue en dents de scie depuis tout un temps et il lui sera difficile de progresser ces prochaines années. Richemont ne nous semble pas constituer le meilleur choix dans le secteur du luxe aujourd’hui.

Burberry plonge

Nous serons brefs : évitez cette marque britannique, dont la direction a averti que les résultats annuels seraient inférieurs aux prévisions. Il faut dire que la demande a de nouveau marqué le pas en plein mois de décembre, période de ventes s’il en est. L’action est donc en chute libre.

Estée Lauder : vendre en cas de rebond

L’entreprise américaine Estée Lauder Companies opère principalement dans le domaine des soins de peau, du maquillage, des parfums et des produits capillaires. Elle est à la tête de nombreuses marques, comme Aramis, Clinique, La Mer ou encore, Tom Ford. Son action avait entamé une ascension vertigineuse en 2016 ; son cours était passé de 80 dollars à 370 dollars à la fin de 2021. Puis le conte de fées a pris fin : en novembre dernier, le titre ne valait plus que 100 dollars. Une baisse de 10 % du chiffre d’affaires avait été pronostiquée pour 2023 ; elle n’a finalement pas dépassé 8 %, si bien que l’action s’est récemment redressée, ce qui représente une opportunité de vente.

Des valorisations élevées, mais pas extrêmes

Après un exercice 2023 en demi-teinte, il est permis d’affirmer que la plupart des actions du secteur sont onéreuses, mais pas démesurément, d’autant qu’une nouvelle période faste est à prévoir. Kering, Ralph Lauren et Burberry sont même assez peu chères mais comme nous l’avons indiqué, ces groupes sont empêtrés dans les problèmes. Pour nous, L’Oréal et, dans une moindre mesure, Prada, sont les meilleurs choix.



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