Jerome Powell dans le flou
Qu’on le veuille ou non, il va falloir s’habituer au flou. L’époque où les banques centrales pouvaient “faire plaisir” aux marchés est révolue. Elles se livrent au contraire à un délicat exercice d’équilibre, qui consiste à reprendre le contrôle de l’inflation d’une part, sans perdre de vue les retombées des mesures adoptées à cet effet sur le reste d’autre part.
Ils sont nombreux, les économistes, les stratégistes et autres observateurs à se plaindre du discours tenu par Jerome Powell lors de la réunion annuelle des banquiers centraux, à Jackson Hole. Ils reprochent au gouverneur de la Réserve fédérale (Fed) de n’avoir pas dit grand-chose de neuf et de s’être montré peu concret. Ils regrettent à l’évidence l’époque des forward guidances, ces indications sur l’orientation future de la politique monétaire des banques centrales. Aujourd’hui, la Fed “suppose” qu’elle ne relèvera pas ses taux en septembre, mais ensuite?
Qu’on le veuille ou non, il va falloir s’habituer au flou. L’époque où les banquiers centraux pouvaient “faire plaisir” aux marchés, en leur donnant ce qu’ils voulaient, est révolue. Ils se livrent au contraire à un délicat exercice d’équilibre, qui consiste à reprendre le contrôle de l’inflation d’une part, sans d’autre part perdre de vue les retombées des mesures adoptées à cet effet sur le reste – sur “le reste”, pas seulement sur “l’économie”. Car au risque de récession s’ajoute celui d’une résurgence de la crise qui a frappé les banques régionales, voire d’une crise sur le marché du logement, ou même du marché immobilier au sens large. Ce qui, avec des taux hypothécaires qui atteignent aujourd’hui 7% aux Etats-Unis, n’a rien d’impensable.
La plus grave menace depuis 15 ans
En condensant énormément: entre 2009 et 2021, les banques centrales ont, en l’absence d’inflation, pu agir à peu près à leur guise. La politique d’assouplissement quantitatif (rachats massifs de dette publique pour injecter de l’argent dans l’économie et stimuler la croissance) adoptée en réponse à la crise bancaire fut l’élément le plus marquant de ces années d’ascension. Que le sommet atteint par Wall Street date du début d e2022 n’a rien de surprenant puisque après cela, les taux d’intérêt ont fait l’objet de relèvements allant de 25 à 75 points de base (0,25-0,75%).
Le fait que la Bourse américaine soit aujourd’hui si proche de son sommet historique (ce qui signifie qu’elle a bien digéré les fortes hausses de taux) semble donc tenir du miracle: à l’époque, le taux américain à 10 ans était encore inférieur à 2%, contre 4% depuis un certain temps déjà aujourd’hui. Or l’histoire nous apprend qu’il s’agit là d’un niveau critique. D’autant qu’il est déjà possible d’investir à court terme à plus de 5%, sans risque ou presque.
Ces relèvements de taux et leurs conséquences potentiellement délétères sur l’économie (à commencer par l’industrie) sont la plus grande menace à laquelle Wall Street est confrontée depuis 15 ans. Si la Fed continue à relever ses taux directeurs ou si les taux longs grimpent encore, le S&P 500 pourrait échouer à franchir les 4.800 points, auquel cas les marchés boursiers vivraient un automne difficile. Il faut qu’une détente rapide sur les marchés obligataires propulse l’indice en direction de son plus haut historique.
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