Filtrer les investissements à proscrire

De grands noms de Wall Street veulent lancer une nouvelle Bourse © BELGA

Le statut d’investisseur particulier n’est pas forcément désavantageux. Certains choix pourraient en revanche amener une probabilité accrue de pertes. Nous présentons ici sept critères permettant de filtrer les entreprises dans lesquelles un investissement n’est pas souhaitable.

Si filer la métaphore avec le monde du football nous était permis, nous dirions que l’investissement individuel consiste, pour un public relativement étoffé de novices, à se mesurer d’entrée de jeu à des professionnels de la Ligue des champions. En Bourse, chaque acheteur négocie avec un vendeur, qui peut très bien être chevronné. Comment, pour un particulier, se mesurer à des investisseurs blanchis sous le harnais? Sachez que plusieurs aspects de l’investissement penchent en sa faveur.

De nombreux professionnels la jouent très offensive; extrêmement actifs, ils multiplient les changements de tactique. Ne tentez pas de les imiter. Par manque de temps et de main-d’œuvre principalement, vous avez tout intérêt à privilégier une stratégie axée sur le long terme et sur un nombre de transactions aussi restreint que possible. Les recherches montrent en effet que plus on effectue d’opérations, plus les rendements, généralement, sont faibles.

Entravés par des mandats, les professionnels sont souvent tenus d’être pleinement investis; or quand on est pleinement investi et qu’un krach se produit… c’est l’effondrement garanti. Vous n’avez, vous, aucune obligation sur ce plan et, à l’instar de Warren Buffett, vous pouvez détenir d’importantes réserves de liquidités. Berkshire Hathaway, le véhicule d’investissement de l’oracle d’Omaha, disposait par exemple lors de sa dernière clôture trimestrielle de 130 milliards de dollars de liquidités. Du cash qui peut être mis à profit lorsque le cours d’une action tombe bien en deçà de sa valeur intrinsèque, par exemple.

Vous n’êtes par ailleurs pas tenu de ne viser que des pays bien précis: c’est un avantage, car il se peut qu’une région donnée n’offre plus d’investissements intéressants depuis tout un temps. De même, la taille de votre portefeuille n’est sans doute pas si importante qu’elle vous empêche d’opter pour des sociétés à petite ou moyenne capitalisation – des sociétés dont le cours surpasse souvent celui des grandes capitalisations sur la durée. Vous pouvez également bénéficier des tarifs très avantageux des courtiers en ligne alors que chez les brokers physiques, qui doivent s’acquitter de frais de location de bureaux, de frais de personnel et du prix d’achat des rapports de recherche, entre autres, les coûts sont nettement plus élevés. Au détriment des rendements nets.

Le statut d’investisseur individuel n’est donc pas nécessairement désavantageux. Reste qu’il peut être difficile de sélectionner les bonnes actions et de ne pas pouvoir saisir toutes les opportunités. C’est pourquoi il est à notre avis judicieux d’identifier à l’avance ce dans quoi vous ne voulez pas investir. Le choix est en effet immense: rien que sur les marchés affiliés à la World Federation of Exchanges, 59.400 sociétés cotées sont accessibles.

Voici donc pour vous aider sept critères que nous vous invitons à utiliser pour filtrer les entreprises dans lesquelles vous ne souhaitez pas investir, l’objectif étant de réduire la probabilité de perte.

1. Le “business model”

Les meilleurs investisseurs recommandent souvent de n’investir que dans les entreprises dont on comprend parfaitement le business model. Un coup d’œil aux portefeuilles permet toutefois bien souvent de constater que toutes les actions ne répondent pas à ce critère. Si vous ne pouvez pas expliquer précisément comment une entreprise gagne son argent, quelles activités elle exerce et où, ne l’incluez pas dans votre portefeuille.

2. L’endettement

Mieux vaut éviter les entreprises trop endettées: si la conjoncture devient difficile, elles risquent de ne plus pouvoir faire face à leurs engagements, si bien que vous pourriez perdre votre apport. N’investissez par conséquent que dans des entreprises qui affichent un bilan solide et, de préférence, une trésorerie nette positive. Le ratio endettement net/cash-flow d’exploitation (Ebitda) pourra vous aider à repérer les cibles saines.

En veillant à ne pas investir dans des sociétés dont le ratio endettement net/Ebitda est supérieur à 2, vous réduisez les risques de chute. N’oubliez pas que les entreprises cycliques doivent avoir un ratio d’endettement nettement inférieur à celui des sociétés défensives: en cas de ralentissement économique, les résultats des premières pourraient chuter brutalement, même si elles semblent a priori en bonne santé.

3. La position concurrentielle

Si vous souhaitez vous concentrer sur le long terme et effectuer le moins de transactions possible, investissez de préférence dans des entreprises solides, qui ne craignent pas la concurrence. Le moat investing (concept phare de Morningstar, le moat signifie ‘‘douves” en anglais) consiste à investir dans des entreprises auxquelles la concurrence a peu de chances de ravir des parts de marché. Si un groupe ne peut se prévaloir de marques, de brevets, d’effets de réseau et/ou de licences forts, mieux vaut s’en tenir éloigné. La firme qui peut facilement augmenter ses prix répond généralement à l’un de ces critères.

Voyez également ce que sera la société dans 10 ans. Quels risques l’arrivée de concurrents lui ferait-elle courir? Les besoins des clients sont-ils pérennes? La solidité d’une entreprise pouvant être difficile à évaluer, nous recommandons de calculer le ratio rendement/capitaux propres, c’est-à-dire le bénéfice net divisé par les fonds propres. Les entreprises dont ce ratio a été inférieur à 15 ces dernières années ne sont peut-être pas aussi solides qu’on le pense.

4. L’évolution du chiffre d’affaires et des bénéfices

Nombreuses sont les sociétés cotées dont le chiffre d’affaires et les bénéfices n’augmentent pas. Elles sont pourtant largement représentées dans les portefeuilles. D’après une étude de Morgan Stanley, l’investisseur qui dispose d’une vision à long terme laissera de préférence ce type d’actions de côté: sur 10 ans, 89% de la création de valeur provient de la croissance du chiffre d’affaires et des bénéfices. A long terme, l’appréciation n’est plus que de 5%.

5. La direction

Investir revient à confier son argent à une direction. Mieux vaut donc que celle-ci soit compétente. C’est parfois de la manière dont elle décide d’allouer les capitaux que la pérennité de votre investissement dépendra. Parce qu’il peut être difficile d’évaluer objectivement les qualités d’une équipe de direction, exigez que les intérêts soient au moins égaux. Ce sera le cas si la direction détient elle-même une participation importante dans la société.

Une manière objective de s’assurer que les intérêts de la direction rejoignent les vôtres consiste à comparer sa participation à son salaire. Si sa participation dans l’entreprise est quatre fois plus élevée que son salaire, cela signifie que toute décision malheureuse est susceptible de l’affecter financièrement; c’est à notre avis suffisamment significatif. Les participations et les salaires de la direction figurent dans les rapports annuels.

6. Les pays

Les actionnaires qui investissent dans des entreprises belges sont raisonnablement bien protégés. Dans d’autres pays, en revanche, les risques peuvent être considérables. Il est donc judicieux d’identifier à l’avance ceux que vous entendez proscrire. Les tensions géopolitiques sont elles aussi sources de risques.

7. Les introductions en Bourse

Les rendements des actions achetées au moment où l’entreprise entre en Bourse (IPO) ou juste après déçoivent souvent les premières années, confirme une étude du Nasdaq Economic Research. Les deux tiers environ des entreprises introduites en Bourse entre 2010 et 2020 ont produit trois ans plus tard des rendements inférieurs de 10% au moins à ceux d’un investissement dans l’indice de référence. Une conséquence logique, semble-t-il, de l’engouement suscité par l’IPO, et de l’idée selon laquelle les actionnaires souhaiteront naturellement sortir (du moins, partiellement) à des cours plus élevés. Certes, les success stories existent. Mais comme les chances de les repérer sont extrêmement minces, mieux vaut se rabattre sur des titres qui ont fait leurs preuves.

Conclusion

Sélectivité, esprit critique et patience sont les qualités de l’investisseur particulier. Savoir à l’avance ce dans quoi vous ne voulez pas investir vous permettra d’écarter d’emblée certains risques et d’améliorer les rendements. Bien des entreprises ne satisfont pas aux critères énoncés dans cet article. Cela ne signifie pas qu’à court terme, elles ne soient pas intéressantes; mais si vous voulez mettre un maximum de chances de votre côté, c’est-à-dire, pour la plupart des investisseurs individuels, rester investi sur la durée tout en effectuant le moins de transactions possible, n’hésitez pas à exclure les propositions qui ne répondent pas aux critères susmentionnés.

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