Défense: nos trois actions favorites

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La guerre en Ukraine et d’autres tensions géopolitiques expliquent la hausse constante des dépenses militaires. Les entreprises européennes spécialisées profitent davantage du contexte encore que leurs concurrentes américaines.

Les actions du secteur de la défense européen se comportent à nouveau beaucoup mieux, cette année, que leurs pendantes américaines. Alors que les investisseurs dans les titres américains accordent davantage d’attention au tassement des marges qu’aux chiffres d’affaires prévisionnels, pourtant revus à la hausse, ceux en actions européennes n’ont d’yeux que pour l’extraordinaire croissance et pour l’accélération des commandes, dues à la progression relativement rapide des dépenses militaires sur le Vieux Continent. Nous avons sélectionné, des deux côtés de l’Atlantique, trois entreprises dont la croissance ne devrait pas prendre fin de sitôt.

BAE Systems

Cette action européenne a récemment atteint le cours le plus élevé de son histoire. De 66,2 milliards de livres sterling, son carnet de commandes représente désormais 2,7 fois le chiffre d’affaires de BAE Systems. La croissance prévisionnelle du chiffre d’affaires pour l’exercice a donc été relevée de 3-5% à 5-7%, faisant passer de 5-7% à 10-12% celle du bénéfice ajusté par action. Quant au flux de trésorerie disponible, il devrait atteindre non plus 1,2 milliard de livres au minimum, mais 1,8 milliard. L’acompte sur dividende a bondi de 10,6% et, bien que le programme de rachat d’actions, fixé à 1,5 milliard de livres, soit toujours en cours, BAE en évoque déjà un deuxième, d’un montant identique. L’annonce, faite en août, de l’intention qu’a le groupe d’acquérir Ball Aerospace, pour plus de 5,5 milliards de dollars, rend toutefois sa concrétisation incertaine.

Surtout connu pour ses satellites et autres systèmes (de communication) électroniques à des fins militaires, Ball Aerospace enregistre une marge bénéficiaire d’environ 10%, sur un chiffre d’affaires de 2 milliards de dollars par an. Son chiffre d’affaires – qui, selon BAE Systems, pourrait progresser de 10% par an en moyenne entre 2023 et 2027 – constitue un complément intéressant, quoique onéreux, aux activités américaines du groupe britannique, dont les bénéfices devraient dès lors augmenter cette année et l’an prochain. D’où notre recommandation d’acheter BAE, qui pourrait prospérer et devenir plus rentable encore dans les années qui viennent.

Rheinmetall

Rheinmetall a elle aussi signé une acquisition en principe prometteuse. Car si cette entreprise allemande prévoit de réaliser 40% de son chiffre d’affaires et 50% de son bénéfice d’exploitation de 2023 entre octobre et décembre, c’est surtout, selon son CEO Armin Papperger, grâce aux livraisons de munitions prévues pour le troisième et, plus encore, le quatrième trimestre. Les commandes ne cessent du reste d’affluer: de 25,7 milliards d’euros fin juin 2022, elles atteignaient 30,1 milliards d’euros fin juin 2023, et près de 40 milliards un mois et demi plus tard. Les dépenses d’investissement pour cette année ont donc été portées de 600 à 650-700 millions d’euros. En conséquence de quoi le rapport flux de trésorerie disponible/chiffre d’affaires se situera dans la partie inférieure de la fourchette de 4-6% précédemment annoncée.

La direction a par ailleurs confirmé le chiffre d’affaires (7,4-7,6 milliards d’euros) et la marge d’Ebit (bénéfice d’exploitation/chiffre d’affaires; 12% environ) pronostiqués pour l’exercice. A cela viendra s’ajouter l’apport du fabricant espagnol de munitions Expal, acquis fin juillet pour 1,2 milliard d’euros. Expal contribuera à hauteur de 150-190 millions au chiffre d’affaires de 2023 de Rheinmetall: avec une marge bénéficiaire de 25%, la rentabilité sera de surcroît au rendez-vous. Lors de la présentation des résultats du troisième trimestre, Rheinmetall annoncera le chiffre d’affaires et les bénéfices escomptés pour l’ensemble de l’exercice, Expal inclus. Les bénéfices prévisionnels de 2023 et de 2024 pourraient bien être revus à la hausse dans la foulée.

L’acquisition d’Expal n’a pas suffi à ébranler les finances de Rheinmetall, dont le ratio d’endettement (dette financière nette/flux de trésorerie d’exploitation) plafonne à 0,9. L’entreprise a 250 millions d’euros de dettes à rembourser cette année, un montant qui diminuera considérablement chaque année entre 2024 et 2027. De notre trio, c’est elle qui affiche la valorisation de loin la plus élevée, mais la croissance escomptée pour les années à venir est bien plus importante également. D’où, malgré cette valorisation plus tendue, notre conseil d’achat.

L3Harris

L3Harris a récemment signé une trajectoire boursière difficile. Lors de la présentation des résultats du deuxième trimestre, elle avait relevé son chiffre d’affaires prévisionnel pour l’ensemble de l’exercice de 17,4-17,8 milliards à 18,0-18,3 milliards de dollars, et son bénéfice ajusté de 12,00-12,50 à 12,15-12,55 dollars par action. Ce qui a laissé froide Wall Street, puisque l’Ebit prévisionnel est resté inchangé, à 2,7-2,8 milliards de dollars. Le groupe américain se dirige donc pour l’exercice vers une marge d’Ebit proche de 15%, contre 15,2-15,7% promis. Ce sont surtout les contrats de fourniture et de maintenance d’équipements de communication pour le compte de l’armée de l’air et de la marine qui pèsent sur les marges: comme leurs prix ne peuvent être augmentés, la flambée de l’inflation et des salaires rend ces accords moins rentables. Le plus dur semble toutefois passé et L3Harris affirme ne plus vouloir soumissionner pour ce type de contrats.

Côté bonnes nouvelles, la FTC, l’autorité antitrust américaine, a annoncé ne pas vouloir bloquer le rachat d’Aerojet Rocketdyne, pour un montant de 4,7 milliards de dollars. Aerojet pourrait donc apporter, d’ici à la fin de l’année, 1 milliard de dollars environ au chiffre d’affaires de L3Harris, ce dont les prévisions ne tiennent pas encore compte. En revanche, vu l’augmentation des charges d’intérêt induite par la dette contractée pour son acquisition, Aerojet ne contribuera pas au bénéfice cette année.

L3Harris affiche un ratio d’endettement de 2,5. La direction a donc annoncé vouloir faire passer dans l’immédiat l’allégement de la dette avant les rachats d’actions. Le dividende n’est pas menacé pour autant. Il coûte à L3Harris quelque 875 millions de dollars par an, contre des flux de trésorerie disponibles de 2 milliards de dollars en 2022 et, sans doute, en 2023. C’est d’après nous cette année que les marges bénéficiaires et le bénéfice par action devraient tomber à leur niveau le plus bas, avant de remonter dès l’an prochain, ce qui permettra au titre de commencer à regagner la confiance des investisseurs. Notre conseil: acheter.

Quand la guerre en Ukraine prendra fin, les actions, dont en particulier celle de Rheinmetall, grand fournisseur de chars et de munitions, devraient, après avoir tutoyé des sommets, surtout en Europe, dégringoler.

Pas dépourvu de risque

Malgré l’accélération des commandes, de la rentabilité et des distributions aux actionnaires, investir dans le secteur de la défense n’est pas dépourvu de risque. Comment par exemple avoir la certitude que les électeurs, et le niveau abyssal atteint par l’endettement des Etats, autoriseront un nouvel alourdissement des dépenses militaires occidentales? En outre, quand la guerre en Ukraine prendra fin, les actions, dont en particulier celle de Rheinmetall, grand fournisseur de chars et de munitions, devraient, après avoir tutoyé des sommets, surtout en Europe, dégringoler. Reste que si engranger des rendements de plusieurs dizaines de pour cent par an ne va plus de soi, les actions de la défense ont encore beaucoup de choses à offrir aux investisseurs en termes de croissance du chiffre d’affaires, de flux de trésorerie disponibles et de dividendes.

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