BHP engage un nouveau mouvement de consolidation de l’industrie minière

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Parce que les matières premières sont probablement entrées dans un nouveau supercycle, l’on peut s’attendre, au cours des mois qui viennent, à voir d’autres acteurs faire les yeux doux à leurs proies, dans le secteur. En son sein, le géant Rio Tinto demeure notre favori, quoiqu’il soit moins diversifié que BHP Group.

Attaquant par surprise, BHP Group tente d’acquérir son rival Anglo American, qui a connu une année 2023 difficile. Le conseil d’administration du groupe minier d’origine sud-africaine a cependant jugé l’offre de 39 milliards de dollars (31,1 milliards de livres) “très peu attrayante”. La prime offerte n’est que de 14 % (2.506 pence ou 25,06 livres par action) par rapport au cours qu’affichait l’action avant l’annonce. Les analystes s’accordent à dire que si BHP proposait plutôt 3.000 pence (30 livres), la transaction aurait plus de chances d’aboutir.

Supercycle des matières premières

Ce n’est pas seulement parce qu’Anglo American est actuellement fragilisé que BHP a choisi de frapper maintenant. C’est également parce que les prix de plusieurs matières premières s’apprécient de nouveau depuis quelques mois. Ces hausses de prix se traduisent par des flux de trésorerie plus élevés pour les sociétés minières, ce qui constitue une couverture naturelle contre l’augmentation des coûts.

Le cuivre, en particulier, se porte comme un charme : au moment de l’offre, il se négociait à plus de 10.000 dollars la tonne, pour la première fois en deux ans. Il faut dire que les perspectives pour le métal rouge sont bonnes : il est essentiel à la transition énergétique qui découle du changement climatique. Cette matière première est pour l’heure difficilement remplaçable par une autre dans le processus d’électrification. Or, ni l’offre actuelle ni les expansions prévues ne suffiront à satisfaire la croissance de la demande anticipée pour la prochaine décennie. Il faudrait des dizaines, sinon des centaines de nouvelles mines pour y répondre et la réalisation de ces projets prendrait énormément de temps (de 7 à 10 ans). BHP en a conclu qu’il est plus simple d’acheter des actifs existants. Et si le groupe a jeté son dévolu sur Anglo American, c’est précisément pour ses mines de cuivre. Son offre est en effet assortie de la condition que les activités de production de platine et de minerai de fer soient cédées au préalable. 


Ce qui est vrai pour le cuivre l’est aussi pour d’autres matières premières comme le nickel, le lithium… : il est impossible de couvrir l’explosion de la demande. Dès lors, les matières premières étant probablement entrées dans un nouveau supercycle – un marché haussier –, l’on peut s’attendre à voir d’autres acteurs du secteur faire des yeux doux à leurs proies, au cours des mois qui viennent.

BHP et Rio Tinto, deux grands concurrents

BHP : un premier semestre en demi-teinte

Le premier semestre (clos fin décembre) de l’exercice financier 2023/24 de l’anglo-australien BHP Group n’a, au premier abord, pas été bon. Le bénéfice net accuse une baisse de 86 %, à 927 millions de dollars. Mais cette chute brutale tient en grande partie à deux postes de coûts exceptionnels : une dépréciation de 2,5 milliards de dollars d’actifs produisant du nickel, à la suite de la baisse de 80 % du prix de ce métal l’an dernier, et la constitution d’une nouvelle provision, de 3,5 milliards de dollars, pour couvrir les coûts liés à la rupture du barrage de Samarco, au Brésil.

Si l’on fait abstraction de ces éléments exceptionnels, les chiffres sont bien meilleurs : le flux de trésorerie d’exploitation (Ebitda) a augmenté de 5 %, à 13,9 milliards de dollars, et le chiffre d’affaires a progressé de 6 %, à 27,3 milliards. Par ailleurs, la hausse des prix du minerai de fer, du cuivre et du charbon a été profitable à BHP. Seuls les revenus du nickel ont baissé, mais il ne s’agit que de sa plus petite division.

Pas qu’un producteur de cuivre

Les activités de BHP sont très diversifiées : ses revenus – outre le cuivre – proviennent principalement de l’extraction et de la vente de minerai de fer, de charbon et, bientôt, d’engrais. L’une des principales expansions prévues dans les années à venir est le projet de potasse à Jansen, au Canada. La potasse est, avec le sodium et le phosphore, un engrais largement utilisé. La première phase du projet sera opérationnelle fin 2026 et produira 4,4 millions de tonnes par an. La deuxième phase a déjà été approuvée ; elle nécessitera encore un investissement de 4,9 milliards de dollars et portera la capacité à 8,5 millions de tonnes par an. Les actifs West Australian Iron Ore, ou WAIO, fournissent 305 millions de tonnes de minerai de fer par an et BHP prévoit de faire grimper cette production à 330 millions de tonnes dans les années à venir. BHP est l’un des rares grands acteurs miniers à miser encore sur le charbon, bien qu’il ait cédé dernièrement, pour 4,1 milliards de dollars, des actifs charbonniers. Mais ce qui reste est à 85 % du charbon de haute qualité, dont la combustion génère peu d’émissions. Ces actifs sont regroupés au sein de BHP Mistubishi Alliance (BMA), en Australie. Quelque 40 % de la production est vendue en Inde, où il est utilisé pour produire l’acier. La demande est vouée à croître, le pays visant à doubler sa production d’acier d’ici à 2030.

La dette nette de BHP s’élevait à 13,3 milliards de dollars à la fin de l’année dernière, pour un flux de trésorerie disponible de 9,1 milliards. Le dividende semestriel est ramené de 0,90 à 0,72 dollar par action, mais reste supérieur aux attentes (0,69 dollar) ; soit une dépense équivalant à 56 % du bénéfice sous-jacent, qui témoigne de la confiance de la direction dans l’évolution future du bénéfice.

Rio Tinto continue de miser sur le minerai de fer

Rio Tinto est le plus grand concurrent de BHP. Cet autre géant minier a réalisé un bénéfice net sous-jacent de 11,8 milliards de dollars sur l’exercice 2023 – qui coïncide avec l’année civile –, en recul de 12 % par rapport à celui de 2022. Son flux de trésorerie d’exploitation (Ebitda) a chuté de 9 %, à 23,9 milliards de dollars, par suite de la baisse des prix de l’aluminium, du cuivre, du lithium et du diamant. Le minerai de fer, qui apporte plus de 80 % de l’Ebitda, a limité les dégâts ; son cours ayant augmenté à l’instar des volumes, l’Ebitda de la division a bondi de 7 %.
Rio Tinto continue de miser résolument sur le minerai de fer : il co-construit le projet Simandou, l’une des plus grandes mines de fer inexploitées en Guinée, en Afrique de l’Ouest. La production de minerai de fer a crû de cinq millions de tonnes en 2023 et augmentera d’autant cette année. A Oyu Tolgoi, en Mongolie, l’extension de la capacité de production se poursuit. La mine devrait produire 500 millions de tonnes de cuivre par an à compter de 2028. Rio Tinto ne s’attend plus à voir ses coûts globaux augmenter ; le plus dur est passé. Pour réduire sa facture d’électricité – la fusion et le traitement de l’aluminium sont très énergivores –, le groupe a conclu récemment deux contrats : il rachètera au cours des 25 prochaines années 80 % de la production d’un parc éolien et 100 % de celle d’un parc solaire, tous deux situés en Australie.

Faible endettement

Comme le bénéfice sous-jacent, le dividende annuel a baissé de 12 %, à 4,35 dollars par action. Rio Tinto distribue donc 60 % de son bénéfice sous-jacent, comme l’année précédente. Au 31 décembre, sa dette nette s’élevait à 4,2 milliards de dollars à peine, pour un flux de trésorerie disponible de 7,1 milliards. Son CEO, Jakob Stausholm, prévoit une reprise de la demande de cuivre et d’aluminium cette année. Le groupe n’investit pour l’instant pas dans le nickel et le cobalt, étant donné que les batteries LFP (lithium-fer-phosphate) sont plus demandées que les batteries NMC (nickel-manganèse-cobalt) traditionnelles. Le projet de lithium Rincon, en Argentine, entrera en production à la fin de l’année. Rio Tinto espère toujours trouver une solution pour le projet de lithium Jadar, en Serbie, pour lequel les permis délivrés ont été annulés en 2022.


Rio Tinto plutôt que BHP

Des deux groupes, BHP est plus diversifié en matières premières, ce qui, en théorie, est un avantage. L’engrais est un ajout intéressant à la gamme, mais le charbon reste critiqué du point de vue ESG. Bien entendu, l’évolution du cours de l’action à court terme dépendra de celle de l’OPA sur Anglo American. Rio Tinto est plus dépendant du minerai de fer, sur lequel il réalise toutefois des marges très élevées.

La valorisation des deux actions est acceptable, mais celle de Rio Tinto, moins endetté que BHP, est moins chère et offre un rendement en dividende plus élevé, bien que ce dernier ait été abaissé. C’est pourquoi nous la préférons toujours à celle de BHP Group parmi les géants miniers. Par ailleurs, Rio Tinto demeure notre favorite au sein du secteur. 


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