UnitedHealth, le plus gros assureur de santé privé des États-Unis dont le CEO du secteur assurance a été assassiné en décembre, est au cœur d’une série de scandales qui font vaciller sa réputation et son cours en Bourse.
Ce 21 mai 2025, les actions d’UnitedHealth Group ont chuté de plus de 6 %. La faute à la publication d’un article du Guardian. Le journal britannique y affirme que l’entreprise aurait versé en secret de l’argent à des maisons de repos pour qu’elles limitent les transferts de patients vers les hôpitaux. Cette pratique, visant à réduire les coûts, aurait mis en danger la santé de certains résidents. Ces dernières accusations en date s’ajoutent à une longue liste d’autres enquêtes visant la société.
Enquête pour fraude
La principale enquête criminelle, menée par le département de la Justice (DOJ) des États-Unis, porte sur de possibles fraudes liées au programme Medicare Advantage, dans lequel les assureurs reçoivent des fonds publics pour couvrir les soins de millions de personnes âgées ou handicapées. Il y est question de pots-de-vin ou fausses déclarations qui permettent d’augmenter artificiellement les remboursements Medicare/Medicaid. Les assureurs sont payés davantage lorsqu’ils couvrent des patients plus malades, de quoi inciter à enregistrer davantage de diagnostics. Selon une enquête du Wall Street Journal, certains diagnostics douteux produits par UnitedHealth auraient coûté des milliards de dollars aux contribuables.
UHC a beau contester les conclusions du WSJ, les qualifiant d’« inexactes et biaisées, cette enquête criminelle en cours n’est pas un coup de tonnerre dans un ciel d’été. Elle s’ajoute à d’autres investigations, notamment pour pratiques anticoncurrentielles et des soupçons de violation des lois antitrust. En interne aussi le tonnerre gronde depuis le départ pour «raison personnelle» du PDG Andrew Witty qui a été remplacé dans l’urgence par l’ancien dirigeant Stephen Hemsley. En parallèle, la société a subi une cyberattaque contre son unité technologique, qui a perturbé les paiements de nombreux prestataires de soins de santé pendant des mois.
Le meurtre de Brian Thompson
À cela s’ajoutent les remous provoqués par le meurtre de Brian Thompson. Celui qui était alors le patron la branche assurantielle d’UnitedHealth sera tué le 4 décembre 2024 par un certain Luigi Mangione. Le meurtre, ou plutôt l’exécution selon le FBI, sera commis en plein jour devant l’hôtel Hilton de la 54e, soit l’une des rues les plus fréquentées de New York. L’homme parvient à s’enfuir, mais sera arrêté le 9 décembre dans un McDonalds en Pennsylvanie. Rapidement, on comprend que le crime ne vise pas un homme, mais toute une industrie. Celle des assurances de santé aux États-Unis. Un secteur honni par beaucoup qui l’accusent de ne viser que le profit au détriment des malades. Ainsi selon Ken Klippenstein, journaliste indépendant cité par Society, UnitedHealth refuserait 32% des demandes de remboursement de ses clients. Les poussant, au passage, vers une spirale infernale de dettes.
Le New York Times et le Wall Street Journal révéleront dans la foulée que UnitedHealth était l’une des assurances les plus lucratives du pays puisque ses bénéfices étaient passés de 12 à 16 milliards entre 2021 et 2023 (une hausse allant de pair avec la hausse du nombre de dossiers refusés). Que Thompson lui-même avait obtenu une rémunération de 10,2 millions, un bonus en partie basé sur les bénéfices. Mais aussi que l’homme était sous le coup d’une enquête sur délit d’initié.
Mangione vu comme un « Robin des bois »
Lors de l’arrestation de Mangione, les policiers tombent sur une lettre adressée au FBI et qui pour beaucoup est comme un manifeste. On peut y lire « je l’excuse pour les traumas, mais ça devait être fait. Franchement ses parasites l’ont bien cherché. Les États-Unis ont le système de santé le plus coûteux du monde alors que l’on est classé 42e en ce qui concerne l’espérance de vie». Si les motivations du meurtrier sont claires, les raisons qui ont fait basculer ce jeune homme de très bonne famille dans une telle rage restent obscures.

Il n’empêche que la haine envers ce secteur et le profil de Thompson va pousser une partie de la population américaine à faire de Mangione une sorte de Robin des bois. Club de soutien, marchandising et même cagnotte pour ses droits d’avocats sont mis en place. Cette dernière placée sur Givesendgo a dépassé le million de dollars ( 1,080,476 dollars, le 22 mai 2025).
Conséquence en bourse
Tous ces contrecoups ne sont pas restés sans conséquence en bourse. Elles ont provoqué la chute brutale de son action, en baisse de plus de 50 % sur un mois. Rien que le 17 avril, en lançant un « profit warning » et en faisant état de son premier manque à gagner en plus de dix ans, son cours avait chuté de 22,4 %. Quelque 115 milliards de dollars de capitalisation boursière étaient partis en fumée.
Des analystes, comme ceux de la Banque HSBC, ont désormais abaissé la note de l’action à “réduire”, citant les coûts médicaux élevés, la pression sur les prix des médicaments, et des incertitudes réglementaires. L’administration Trump et le Congrès envisagent en effet sérieusement des réductions de dépenses fédérales de santé, un levier clé de la croissance de UnitedHealth.
Dans ce contexte de perte de confiance de la part des investisseurs, régulateurs et clients, une seule certitude. Le retour de Stephen Hemsley à la tête du groupe (il a déjà dirigé le groupe de 2006 à 2017) sera chahuté. Et l’avenir dira si son expérience sera suffisante pour redresser la barre et sortir ce mastodonte que reste UnitedHealth de ce bien mauvais pas. Car au-delà de UnitedHealth, c’est l’ensemble du secteur de l’assurance-santé qui perd de sa superbe.