Parti travailliste et livre sterling

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Une tâche immense attend Keir Starmer. Les recettes publiques ne suffiront pas à financer les plus grands chantiers, au premier rang desquels figurent les soins de santé et la réforme du logement. Ne parlons même pas de l’écologie, une des principales promesses électorales pourtant.

Au Royaume-Uni, les travaillistes reviennent au pouvoir 14 ans après l’avoir quitté. La tâche s’annonce colossale. L’affaiblissement de l’économie leur laisse peu de marge de manœuvre. Le Brexit fut une énorme erreur ; de nombreux Britanniques le reconnaissent aujourd’hui, eux qui s’étaient laissé berner, lors du référendum de 2016, par, entre autres, Nigel Farage. Tel un caméléon, l’homme fort du divorce est devenu un farouche opposant à l’immigration, ce qui lui a permis d’émerger, ce 5 juillet, là où personne ne l’attendait. Quand l’incertitude règne sur la scène mondiale, ce type de personnage ajoute à la confusion.

Besoin de calme

Le Royaume-Uni aurait pourtant bien besoin d’un peu de calme. Cela fait trois fois en sept ans que ses citoyens se rendent aux urnes. Le vainqueur des dernières élections, le social-démocrate Keir Starmer, succède à cinq Premiers ministres conservateurs, dont une (Liz Truss) n’avait pas tenu deux mois. Les Tories, dont le Premier ministre le plus controversé fut Boris Johnson, ont été sanctionnés pour leur politique économique désastreuse. Faute de financement, les soins de santé sont dans un état critique. Le chômage est certes historiquement bas, mais les salaires réels ont à peine augmenté en sept ans. En cause, principalement : l’inflation la plus grave que le pays a connue depuis des années (11 %, en octobre 2022). L’inflation s’établit aujourd’hui à 1,98 %, juste sous l’objectif de 2 % fixé par la Banque centrale européenne (BCE), que la plupart des pays de l’Union dépassent (largement) ; une réalisation sur laquelle les conservateurs n’ont pourtant pas réussi à capitaliser lors des dernières élections.

Economie atone

Mais le ralentissement de l’inflation n’est pas tout. Au sein du G7, qui réunit les principales économies occidentales, l’Allemagne est la seule dont les prévisions de croissance sont inférieures à celles du Royaume-Uni. Sur les 38 pays de l’OCDE, seule l’Argentine fait moins bien. La dette publique (105 % du produit intérieur brut) se rapproche de celle de la Belgique. Pour autant, la pression fiscale, des deux côtés de la Manche, est intense. Les Britanniques grognent, le pays se paupérise, la classe moyenne se réduit comme peau de chagrin et l’écart entre les plus riches et les plus pauvres n’avait pas été aussi marqué depuis la fin de la guerre.

Les Tories accusaient l’héritage du Labour, personnalisé par Tony Blair puis par Gordon Brown. Pendant des années, les conservateurs ont tenté de remédier à la situation, en procédant à des coupes sombres très douloureuses pour de nombreux Britanniques. Mais le ver était dans le fruit. Le Brexit, dont la paupérisation généralisée et le chaos politique semblent être les conséquences les plus flagrantes, fut voté. La productivité chuta lourdement et les échanges commerciaux cédèrent plus de 10 % – le rétablissement des formalités aux frontières n’y est pas pour rien. Alors que le pays semblait soulagé de s’être débarrassé d’une Union européenne (UE) jugée envahissante, des voix s’élèvent aujourd’hui en faveur d’un retour en arrière. Une requête que le nouveau gouvernement n’entend pas examiner pour l’instant : il veut d’abord balayer derrière les conservateurs. Ce qui ne sera pas chose aisée.

Plus d’impôts

Une tâche immense attend Keir Starmer. Les recettes publiques ne suffiront pas à financer les plus grands chantiers (les soins de santé et la réforme du logement, surtout). Ne parlons même pas de l’écologie, une des principales promesses électorales pourtant. Les augmentations d’impôts semblent donc inévitables, mais elles compliqueront la reprise. Une annulation du Brexit est, nous l’avons dit, exclue, or elle améliorerait les perspectives de croissance du pays, estiment plusieurs études. Mais l’UE, qui a consacré énormément de temps et d’efforts au divorce, ne saute pas de joie non plus à l’idée d’un retour en arrière.

Tout n’est toutefois pas uniformément noir. L’économie sort pas à pas de la récession dans laquelle elle était tombée après l’été 2023. Elle a achevé le premier trimestre sur une croissance de 0,6 %. Pour la première fois depuis longtemps, Andrew Bailey, le gouverneur de la Banque d’Angleterre (BoE), s’est même montré optimiste. Reste que le taux directeur est fixé à 5,25 % depuis août 2023, soit son niveau le plus élevé en 16 ans.

La livre se maintient

Le marché des devises ne semble pas particulièrement inquiet. La livre se maintient autour de 0,84 euro. La BoE et la Fed assoupliront leur politique dans des proportions à peu près identiques cette année. Le consensus est quasiment atteint et les taux britanniques sont à peine plus élevés que les taux américains. Le potentiel d’appréciation de la livre face au dollar paraît donc limité. Mais la BCE pourrait, elle, diminuer ses taux, ce qui susciterait un regain d’intérêt à l’égard de la livre, qui pourrait alors se redresser par rapport à l’euro. La livre devrait regagner beaucoup de terrain face aux deux autres monnaies à partir de 2025 car comme nous l’avons dit, la BoE aura moins d’occasions de diminuer ses taux que la BCE et la Fed.

Décision fondée

Le rendement des obligations à 10 ans se situe juste au-dessus de 4 %, contre 0,2 % à peine fin 2020. Il existe des arguments en faveur d’un investissement d’une part (minime) du portefeuille obligataire en livre sterling. Le rendement est plus alléchant que celui des obligations en euro et les chances que la livre s’apprécie par rapport à la monnaie unique et au dollar sont réelles. Voici deux obligations (débiteurs AAA) disponibles en coupures de 1.000 livres : celle de la Banque européenne d’investissement (XS0085727559), assortie d’un coupon de 6 %, arrivera à échéance le 7 décembre 2028 ; son rendement est de 4,2197 %. La KfW (Kreditanstalt fur Wiederaufbau – XS2744169637) remboursera la sienne le 9 janvier 2029. L’emprunt, qui promet du 3,75 %, est disponible à 98 % de sa valeur nominale, soit un rendement de 4,248 %.

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