Obligations indexées: une protection rentable

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Souvent présentées comme la solution miracle en période d’inflation, les obligations indexées ne sont pas pour autant immunisées des aléas des marchés. Elles vous offrent toutefois une protection efficace contre l’érosion monétaire et vous permettent de maximaliser le potentiel de rendement de votre portefeuille.

Lorsque vous achetez une obligation classique, vous recevez des intérêts (coupons) et êtes remboursé à l’échéance sur la base de la valeur nominale du titre. En période d’inflation, cela signifie que les versements que vous recevez se déprécient au fil du temps. Imaginons que vous ayez investi 10.000 euros dans une obligation d’une durée de huit ans et que l’inflation annuelle est de 5%. A l’échéance, la valeur réelle du remboursement (10.000 euros) ne sera plus que de 6.768,40 euros. Une perte que vous pouvez éviter grâce aux obligations indexées sur l’inflation.

Concrètement, les obligations indexées sont des titres dont le capital et les intérêts sont liés à un indice des prix à la consommation. Elles vous protègent ainsi contre le risque de hausse des prix, l’indexation permettant d’en maintenir leur valeur réelle (corrigée de l’inflation).

L’indice des prix à la consommation servant de référence à l’indexation est stipulé dans les conditions de l’obligation. Un même émetteur peut avoir recours à différents indices. Par exemple, “la France émet des obligations indexées sur les indices des prix français et européen”, pointe Etienne de Callataÿ, cofondateur et économiste en chef d’Orcadia Asset Management.

Aléas des marchés

A priori, une obligation indexée constitue donc une sorte de protection ultime. Pourtant, vous n’avez pas la garantie de récupérer à tout moment votre mise de départ en valeur réelle. La principale raison est que le rendement d’une obligation indexée est composé de deux parties: l’indexation et le rendement réel.

Quand les taux montent sur les marchés, les cours ont ainsi tendance à baisser, comme pour une obligation classique. Il est en effet logique qu’un acheteur n’accepte plus de vous payer 100% du prix de départ si les nouvelles obligations offrent un taux supérieur. La décote est d’autant plus importante que la durée résiduelle de l’obligation est longue.

Une tendance à laquelle n’ont pas échappé les obligations indexées. Par exemple, le rendement réel des obligations souveraines françaises indexées (OATi) est remonté d’environ -2% début 2022 à +0,5% aujourd’hui.

Meilleure résistance

L’année dernière, les obligations indexées n’ont ainsi pas échappé à la correction généralisée des marchés financiers. “Mais elles ont fait moins mal”, précise Etienne de Callataÿ. Par exemple, aux Etats-Unis, les actions (indice S&P 500, dividendes inclus) et les bons du Trésor américain classiques ont chuté de 18%. Les obligations indexées ont limité la casse avec une perte moyenne de 10,5%, selon l’indice S&P US TIPS (Treasury Inflation-Protected Securities). Et en 2023, “les obligations indexées affichent jusqu’à présent un léger gain (d’environ 2%, Ndlr) alors que les obligations classiques sont toujours dans le rouge sous l’effet de la remontée des taux”.

L’heure n’est toutefois plus à l’accélération de l’inflation et des taux. Au contraire, la hausse des prix est en phase de ralentissement. En Belgique, par exemple, l’inflation a chuté à 2,4% en septembre, au plus bas depuis trois ans. Mais les obligations indexées ne sont certainement pas dénuées d’intérêt dans un tel environnement, selon Etienne de Callataÿ. “L’attrait n’est évidemment plus aussi manifeste qu’il y a deux ou trois ans quand les attentes d’inflation étaient manifestement trop basses. Mais nous conservons une poche importante d’obligations indexées dans les portefeuilles de nos clients et nos fonds.”

Epinglons tout d’abord que si les taux ont effectivement atteint un pic et refluent au cours des prochaines années, cela pourrait se traduire par un repli des rendements réels soutenant les cours des obligations indexées.

Support d’un portefeuille d’actions

Structurellement, l’économiste en chef d’Orcadia AM épingle deux raisons de continuer à investir dans les obligations indexées. La première est que “les obligations indexées offrent une couverture contre l’inflation, qui constitue un risque important pour l’ensemble des autres types d’investissement. Cette décorrélation est un précieux atout dans une stratégie d’investissement. Cela nous permet d’investir davantage en actions, au potentiel de rendement supérieur, sans augmenter le risque global du portefeuille”. La deuxième raison tient aux perspectives d’inflation. “Aujourd’hui, les marchés anticipent une inflation de 2,5% pour les 10 prochaines années en Europe (lire l’encadré intitulé “Point mort d’inflation”).

Etienne de Callataÿ (Orcadia AM) “Nous conservons une poche importante d’obligations indexées dans les portefeuilles de nos clients et nos fonds.”
Etienne de Callataÿ: “Nous conservons une poche importante d’obligations indexées dans les portefeuilles de nos clients et nos fonds.” © BELGA IMAGE

Une série d’éléments sont toutefois de nature à soutenir durablement la hausse des prix. “Le premier est le ralentissement de la mondialisation. Depuis les années 1980, la globalisation et le développement de l’industrie chinoise ont été un facteur de désinflation. Aujourd’hui, les tensions commerciales et la hausse des salaires en Chine en limitent l’effet. Le deuxième élément tient au partage des gains de productivité. Entre 1945 et 1975, ils étaient équitablement répartis entre travailleurs et actionnaires. Depuis, les seconds ont accaparé l’essentiel des gains, limitant la hausse des salaires et des prix. La tendance est toutefois en train d’évoluer, notamment sous l’effet des pénuries de personnel.”

“Enfin, le troisième élément plaidant pour une inflation plus élevée à l’avenir est le dérèglement climatique, poursuit Etienne de Callataÿ. Il y a tout d’abord l’impact direct d’un climat plus chaud et plus chahuté affectant les rendements agricoles et la productivité des travailleurs. Ce qui engendrera aussi des risques plus élevés nécessitant des assurances plus chères ou pouvant aller jusqu’à rendre une nouvelle activité impossible en certains lieux, limitant la concurrence et augmentant les prix. En outre, les subventions mises en place par les autorités pour accompagner la transition ont aussi un effet inflationniste, les constructeurs et distributeurs ayant tendance à quelque peu gonfler les prix quand l’acheteur bénéficie d’une aide. Le dernier impact du dérèglement climatique sur l’inflation est l’évolution des habitudes des consommateurs. Admettons, par exemple, que les vacances en Belgique aient davantage la cote en raison de la chaleur, le prix des gîtes en Ardennes augmentera plus vite que ne baissera le tarif des chambres d’hôtel à Rhodes.”

Rendement réel

A l’heure actuelle, “les obligations indexées de référence de la zone euro offrent un rendement réel de l’ordre de 0,5%”, selon Etienne de Callataÿ. Si vous souhaitez investir dans ces produits, le plus sûr est de vous tourner vers les obligations indexées émises par les grands pays de la zone euro (France, Allemagne, Italie, Espagne). La France propose des obligations indexées sur un indice des prix européen, ce qui peut vous permettre de protéger le pouvoir d’achat de votre épargne en vue d’une dépense future, par exemple un capital que vous réservez pour payer à terme votre maison de repos. A noter que la Belgique n’émet pas d’obligations indexées.

Le Royaume-Uni, les Etats-Unis, le Danemark, la Pologne ou le Brésil émettent aussi des obligations indexées. Cependant, vous devrez alors composer avec un risque de change. Ce qui limitera la protection globale de votre portefeuille, par exemple si vous souhaitez utiliser les obligations indexées comme couverture stratégique. Le même raisonnement est valable pour les obligations indexées d’entreprises (essentiellement britanniques et brésiliennes), vous courrez alors un risque accru de non-remboursement.

D’un point de vue fiscal, seul le précompte mobilier belge est dû suivant les conventions préventives de double imposition.

Fonds d’obligations indexées

L’autre option est un fonds en obligations indexées, comme l’ETF indiciel iShares € Inflation Linked Govt Bond (Euronext Amsterdam ; IBCI ; IE00B0M62X26 ; frais annuels de 0,09%). Ce dernier investit uniquement en obligations indexées souveraines de la zone euro. La France domine ce marché et le portefeuille (43%), devant l’Italie (29%), l’Allemagne (14%) et l’Espagne (14%).

Du côté des fonds gérés activement, le mieux noté par Morningstar dans la catégorie des obligations indexées est Capital@Work Foyer Umbrella Inflation – D (LU0175697324 ; frais annuels de 0,93%) avec un rapport Argent et 4 étoiles (sur 5). Le fonds investit davantage en obligations indexées allemandes et mise également sur les obligations américaines pour une partie de son portefeuille.

Point mort d’inflation

Si vous vous intéressez aux obligations indexées ou même aux marchés, vous êtes peut-être déjà tombé sur l’expression “point mort d’inflation”. Concrètement, il s’agit du niveau d’inflation à partir duquel le rendement d’investissement dans une obligation indexée est égal à celui d’une obligation classique. Imaginons qu’une obligation indexée offre un rendement réel de 0,5% et une obligation classique de même durée affiche un rendement global de 3%. Le point mort d’inflation est donc de 2,5% (3% – 0,5%). Ce chiffre est évidemment important pour les investisseurs en obligations indexées, mais est aussi utilisé plus largement comme indicateur des attentes d’inflation des marchés.

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