Les taux d’intérêt européens atteignent des records : “Pas plus qu’une normalisation”
En Allemagne, le taux d’intérêt à 10 ans a dépassé les 3% ce mercredi pour la première fois en 12 ans. En Italie, les taux d’intérêt ont même brièvement dépassé les 5%. Cette situation est en partie due à la mauvaise discipline budgétaire du pays. Pendant ce temps, les marchés d’actions et d’obligations sont à la peine. Un cocktail explosif se prépare-t-il pour le Vieux Continent ? Nous avons posé la question à Hans Dewachter, économiste en chef chez KBC.
Que se passe-t-il ?
HANS DEWACHTER : “Nous assistons actuellement à une très forte réaction des marchés obligataires à un certain nombre de facteurs. Tout d’abord, les marchés d’actions et d’obligations fixent un prix pour quelque chose : des taux d’intérêt plus élevés pour une période plus longue. Ceci est le résultat direct d’une annonce de la Réserve fédérale (Fed, l’ensemble des banques centrales américaines, NDLR). Le “dot plot”, le diagramme à points résumant les attentes des banquiers de la Fed, indique que les banquiers centraux s’attendent à ce que les taux d’intérêt restent élevés plus longtemps. Les marchés pensent désormais que les premières baisses de taux auront lieu plus tard que prévu, ce qui se reflète dans les cours des taux. En même temps, on observe sur les marchés obligataires américains une décompression des primes de risque, qui ont augmenté très fortement, en particulier dans le segment à plus long terme.”
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“La hausse des rendements américains à 10 ans est également significative : ils sont passés d’environ 4% à plus de 4,80%. Cela tire en partie les rendements obligataires au niveau mondial. Cette pression et la réévaluation des obligations américaines se reflètent en partie dans un dollar plus fort. On voit également les taux d’intérêt allemands grimper en flèche en même temps que les taux américains.”
Les marchés boursiers se portent mal. Faut-il s’inquiéter ?
“Il s’agit d’un ajustement pour les marchés, dans le sens d’un retour à une structure normale des taux d’intérêt. Il n’est pas certain que cela ait des effets majeurs sur l’économie réelle.”
“Si vous regardez les taux d’intérêt réels en Europe, et certainement aux États-Unis, vous pouvez voir qu’ils ont augmenté de manière significative. Mais ils étaient déjà relativement élevés, en particulier sur le marché intermédiaire. Si vous regardez non pas le taux à 10 ans, mais celui à 5 ans, vous avez déjà des taux d’intérêt réels positifs. Certainement aux États-Unis, mais aussi un peu en Europe.”
“Il s’agit de taux d’intérêt plus normaux, qui freinent quelque peu la croissance économique. Nous pensons que la hausse des rendements obligataires va durer un peu plus longtemps. Mais ce n’est rien d’autre qu’une normalisation des marchés après une très longue période de politique monétaire très souple.”
“Les marchés d’actions ont en fait relativement bien résisté à la crise. Mais des taux d’intérêt plus élevés signifient que tout ce qui a des perspectives de croissance, comme les actions de croissance, souffre.”
Les craintes d’une boule de neige des taux d’intérêt pour la dette souveraine sont-elles réalistes ?
“La question de savoir s’il y aura une boule de neige des taux d’intérêt dépendra de nombreux éléments. Parmi eux, les taux d’intérêt réels et la croissance réelle. À l’heure actuelle, les taux d’intérêt réels sont encore relativement bas par rapport à la croissance réelle. On peut également examiner cette question non pas sur une seule année, mais sur une période plus longue. Certes, le taux d’intérêt, corrigé de la croissance, payé par les gouvernements augmente. Mais la boule de neige des taux d’intérêt ne roule pas encore vite, surtout en Europe. Mais toute augmentation des taux d’intérêt se traduit à long terme par une augmentation des charges d’intérêt pour les gouvernements.”
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LAURENS BOUCKAERT
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