L'oeil d'Amid Faljaoui
L’or, le vilain petit canard devenu le chouchou des investisseurs institutionnels
Pendant des années, l’or a été relégué au rang d’actif spéculatif, regardé de haut par les investisseurs institutionnels. Pourquoi ?
Simple : il ne rapporte ni coupon ni dividende. En somme, une relique barbare bonne pour les amateurs de fin du monde et les fans de lingots planqués sous le matelas. Mais voilà que, depuis quelques mois, le métal jaune se taille une place de choix dans les portefeuilles des gérants. Un revirement stratégique ? Absolument.
Quand la diversification devient une nécessité
La règle d’or des investisseurs institutionnels, c’est l’équilibre entre actions et obligations. Le fameux modèle 60-40 (60 % en actions, 40 % en obligations) a fait ses preuves pendant des décennies. Mais avec la volatilité accrue des marchés et des corrélations actions-obligations de plus en plus chaotiques, ce schéma ne joue plus aussi bien son rôle d’amortisseur de chocs. Résultat : il faut trouver d’autres solutions.
Comme l’ont révélé mes confrères du quotidien économique Les Echos, les grandes institutions financières, en dévoilant leurs perspectives pour 2025, marquent ainsi un tournant. Exit le 60-40, bienvenue au modèle 50-30-20, soit 50 % en actions, 30 % en obligations et 20 % en actifs alternatifs. Et dans cette nouvelle poche d’investissements, on retrouve des actifs privés, mais aussi… de l’or.
Pourquoi un tel regain d’intérêt ? Parce que l’or, en période d’incertitude, fait office de bouée de sauvetage. Et les incertitudes ne manquent pas : tensions géopolitiques, instabilité monétaire, et un marché des taux d’intérêt en plein bouleversement.
L’or vers les 3 000 dollars : une question de temps ?
Si l’or a déjà bondi de 27 % en 2024, les analystes ne s’attendent pas à une correction brutale. Au contraire, la majorité table sur une progression vers les 3 000 dollars l’once.
La Bank of America prévoit ce seuil dès 2025, tandis que Goldman Sachs est plus prudente, misant plutôt sur 2026. Pourquoi cette divergence ? Tout repose sur la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine. Moins elle baisse ses taux, plus les rendements réels restent élevés, ce qui freine la montée de l’or. Mais certains experts estiment que la relation or-taux réels a perdu en pertinence. En 2024, malgré des taux très élevés, l’or a flambé. La véritable force motrice, selon eux ? La géopolitique.
Les banques centrales, acteurs majeurs du marché
Autre soutien de poids : les banques centrales. En 2022 et 2023, elles ont acheté plus de 1 000 tonnes d’or par an, soit le double de la moyenne de la dernière décennie. Cette frénésie d’achats devrait ralentir, mais pas disparaître.
Et puis, il y a la question stratégique. Depuis le gel des avoirs russes après l’invasion de l’Ukraine, de nombreux pays émergents, Chine en tête, cherchent à réduire leur dépendance au dollar. Résultat : ils renforcent leurs réserves en or.
Même en cas de cessez-le-feu en Ukraine, et même avec un retour de Donald Trump à la Maison Blanche, personne n’imagine une chute brutale du métal jaune. Tant que l’incertitude régnera, l’or continuera de briller.
En clair : autrefois boudé, il est aujourd’hui une pièce maîtresse de la diversification des grands investisseurs. Un changement de paradigme qui prouve que, dans la finance, rien n’est gravé dans le marbre. Mais peut-être dans l’or.
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