Les stratégistes plébiscitent les actions pour 2025
Le niveau des valorisations sur plusieurs marchés indiquent toutefois un risque de volatilité important si la croissance des résultats venait à flancher durant les prochains mois.
L’année 2025 devrait s’avérer riche en défis et en opportunités pour les investisseurs. C’est tout du moins l’avis des nombreux stratégistes des gestionnaires de fonds que nous avons eu l’occasion d’écouter ces dernières semaines. Comme chaque année, les yeux restent principalement tournés vers les États-Unis. Pour Luca Paolini, stratégiste en chef chez Pictet Asset Management, “les actions américaines représentent 70% de la croissance de l’indice MSCI World, et il est donc impossible d’échapper à l’analyse des conditions économiques dans ce pays”.
Le consensus pointe vers une croissance américaine qui devrait rester résiliente durant le premier semestre, avec une accélération prévue pour la seconde partie de l’année suivant que les mesures prises par l’administration Trump commenceront à produire leurs effets. Pour Salman Ahmed, global head of macro and strategic asset allocation chez Fidelity International, “la victoire des républicains en novembre a modifié profondément nos attentes pour 2025, avec un scénario qui laisse désormais place à un redécollage de l’économie, accompagné d’un retour des pressions inflationnistes qui pourrait déjà survenir dès le deuxième trimestre”.
De son côté, la conjoncture européenne restera à la traîne et sera impactée, tant par les mesures tarifaires imposées par l’administration Trump que par l’absence de relance en Chine. Les stratégistes estiment toutefois peu réaliste que les États-Unis imposent que des tarifs douaniers constituent une base de négociation pour favoriser les intérêts américains. “Clairement, des droits de douane tels que ceux qui ont été évoqués seraient inédits, et la dernière fois qu’ils ont été aussi élevés (au début des années 1970), les États-Unis étaient rentrés en récession”, souligne Vincent Juvyns, stratégiste chez JPMorgan Asset Management.
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Rendement européen
Au niveau européen, les élections allemandes du printemps 2025 pourraient déboucher sur un relâchement des contraintes budgétaires, mais il est actuellement loin d’être certain qu’un soutien suffisant existera au niveau du Parlement allemand pour adopter une politique plus expansionniste.
Un autre facteur de soutien pourrait venir d’un plan de relance chinois plus ambitieux, qui pourrait également être dévoilé vers la fin du premier trimestre. Enfin, le relâchement des conditions monétaires devrait soutenir le retour d’une dynamique économique plus positive. Les stratégistes s’attendent actuellement à un taux directeur de la BCE qui devrait refluer vers 1,75% voire même 1,5% d’ici la fin 2025.
Vincent Juvyns recommande de détenir des actions européennes pour les perspectives de rendement, “en particulier le secteur immobilier européen qui constitue une opportunité forte pour la prochaine décennie. De même, il est dangereux d’être sous-exposé sur la Chine au vu des valorisations déprimées et du potentiel de rebond si les autorités parviennent à relancer la consommation”.
“Les valorisations sur les actions sont à des niveaux record, ce qui est normal. Tout comme l’or et les marchés du crédit, ce qui est moins normal.
Luca Paolini (Pictet Asset Management)
Prix de la perfection
Les petites capitalisations sont également citées par plusieurs stratégistes, que ce soit aux États-Unis (car bénéficiant du programme de relance) ou en Europe (car plus isolées de la problématique des tarifs douaniers). La trajectoire explosive des sociétés exposées sur l’intelligence artificielle entraîne actuellement un conformisme certain dans les attentes des stratégistes qui restent majoritairement positionnés sur les valeurs de croissance du marché américain, à l’entame de la nouvelle année. “Trimestre après trimestre, les grandes valeurs de l’IA ont répondu aux attentes, et elles sont soutenues par d’importants programmes d’investissement avec un degré d’adoption qui reste encore faible dans de nombreux secteurs”, souligne Vincent Juvyns.
Cette unanimité n’est toutefois pas sans créer des risques. Vincenzo Vedda, chief investment officer chez DWS, souligne que si nous sommes encore loin d’avoir une bulle sur les actions, “le risque de surprises négatives a toutefois augmenté, en particulier si les attentes sur les États-Unis en matière de croissance et de hausse des résultats viennent à décevoir”.
Cette analyse trouve un écho chez Luca Paolini. “Les valorisations sur les actions sont à des niveaux record, ce qui est normal, dit-il. Ce qui est moins normal, c’est que l’or et les marchés du crédit sont également sur des niveaux historiquement élevés. La seule fois où nous avons observé cette combinaison, c’était avant la crise financière de 2008, ce qui indique que ce type de situation est le prix de la perfection.”
Inflation incertaine
Dans l’ensemble, il ne fait en effet nul doute que le retour de Donald Trump à la Maison Blanche va s’accompagner d’une grande volatilité dans les attentes du marché, notamment en matière d’inflation. Pour Salman Ahmed, “le taux terminal de la Fed est plus élevé qu’avant les élections, et nous pensons que la banque centrale restera légèrement accommodante jusqu’au moment où l’impact des politiques de l’administration Trump se fera sentir sur l’économie”.
“Trump est inflationniste, mais je pense que la plupart de ses propositions seront mises en œuvre d’une manière qui sera favorable au marché, car Trump aime que l’indice S&P500 soit en hausse”, indique pour sa part Luca Paolini.
“La victoire des républicains en novembre annonce un scénario laissant place à un redécollage de l’économie, accompagné d’un retour des pressions inflationnistes.”
Salman Ahmed (Fidelity International)
Au niveau des dettes souveraines, la trajectoire de la dette américaine fait particulièrement l’objet d’un débat, certains soulignant que l’attrait pour le coupon américain (plus de 4%) devrait continuer à attiser l’intérêt des investisseurs domestiques et internationaux. “Je pense qu’il existe une demande sous-jacente importante de revenus qui soutient les obligations et le crédit, et qui ne va pas disparaître”, pointe Luca Paolini. D’autres soutiennent par contre que la hausse des besoins de financement de l’État américain va nécessiter une hausse des rendements sur la dette à 10 ans, ce qui provoquera au mieux une stabilité des cours sur l’année 2025.
Une préférence est donc donnée aux obligations d’entreprises en Europe, car leur valeur faciale devrait bénéficier directement de la baisse du taux directeur de la BCE. Thomas Höfer, head of European corporate bonds EMEA chez DWS, souligne apprécier la dette d’entreprise de bonne qualité (investment grade) en Europe, “sur laquelle il est possible d’obtenir une performance de 4,7% pour les 12 prochains mois. Des niveaux qui devraient permettre de soutenir les flux et les cours sur cette classe d’actifs”.
Impact dollar
À l’inverse, la vigueur de l’économie américaine et la baisse des attentes quant à la détente monétaire (suite à la mise en place de politiques inflationnistes par Donald Trump) constituent des facteurs de soutien pour le dollar, qui pourrait atteindre la parité face à l’euro durant les prochains mois. Mais le potentiel haussier restera toutefois limité par le niveau d’endettement et de déficit budgétaire de l’État américain.
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