Souvent présentées comme la voie royale pour investir la trésorerie d’une société, les sicav RDT séduisent par leur fiscalité avantageuse. Mais entre contraintes réglementaires, rendement parfois décevant et nouvelles conditions, demeurent-elles intéressantes ?
Souvent présentées comme la voie royale pour investir la trésorerie d’une société, les sicav RDT séduisent par leur fiscalité avantageuse. Mais entre contraintes réglementaires, rendement parfois décevant et nouvelles conditions, demeurent-elles intéressantes ? Cédric Boitte
Si vous êtes dirigeant d’entreprise et demandez à votre banquier comment investir la trésorerie de votre société, il y a de fortes chances qu’il vous parle de sicav RDT – pour “revenus définitivement taxés”. La principale raison est fiscale. Car si votre société investit directement dans des actions ou des parts de fonds classiques, les gains (dividendes ou plus-values) seront taxés à l’impôt des sociétés, à hauteur de 20% ou 25%. De plus, les moins-values ne sont pas déductibles. En clair, votre entreprise pourrait perdre de l’argent sur l’ensemble de son portefeuille et devoir malgré tout payer des impôts.
Régime RDT
Pour y échapper, votre société devrait acquérir une participation d’au moins 10% ou 2,5 millions d’euros dans une entreprise soumise à l’impôt des sociétés en Belgique, ou à un impôt équivalent à l’étranger. Dans ce cas, les bénéfices ayant déjà été taxés au niveau de la société émettrice, les revenus perçus sont considérés comme définitivement taxés, et donc exonérés à votre niveau.
En pratique, il est évident qu’une PME ne dispose pas des moyens nécessaires pour se constituer un portefeuille de participations répondant à de telles exigences. D’autant plus que la coalition Arizona envisage de porter le seuil minimal à 4 millions d’euros.
C’est à ce niveau qu’interviennent les sicav RDT. En y investissant, vous déléguez au gestionnaire du fonds le respect des conditions. Votre société peut ainsi bénéficier des avantages fiscaux du régime RDT avec un investissement réduit.
Spécificités
Une sicav RDT présente toutefois quelques spécificités. D’une part, elle n’est pas tenue d’investir exclusivement dans des actifs répondant aux critères du régime RDT. Le gestionnaire doit ainsi établir annuellement et en cas de rachat une attestation fiscale indiquant la part des investissements éligibles. La plupart des fonds visent un seuil d’au moins 90%, mais certaines sicav RDT plus diversifiées investissent aussi en obligations, ce qui réduit ce pourcentage.
D’autre part, une sicav RDT est tenue de distribuer au moins 90% de ses revenus nets. Concrètement, la majorité des gains est redistribuée sous forme de dividendes, soumis au précompte mobilier de 30%. Toutefois, votre société peut le récupérer via sa déclaration fiscale à concurrence de la part d’investissements RDT éligibles de la sicav. La plus-value finale est aussi (partiellement) exonérée suivant le même principe.
Cotisation distincte
Comme tout dispositif fiscal en Belgique, les sicav RDT restent à la merci du législateur. Elles ont d’ailleurs bien failli disparaître en 2023 avec la réforme du ministre des Finances Vincent Van Peteghem. Le projet a finalement été abandonné.
Comme tout dispositif fiscal en Belgique, les sicav RDT restent à la merci du législateur.
Mais la coalition Arizona garde un œil sur les quelque 10 milliards d’euros investis dans ces fonds. L’accord de Pâques présenté la semaine dernière prévoit ainsi une cotisation distincte de 5% sur la plus-value finale. Et surtout, le mécanisme d’imputation du précompte mobilier est modifié. Désormais, votre société ne pourra récupérer le précompte retenu sur les dividendes que si elle verse une rémunération suffisante à l’un de ses dirigeants actifs. Ce seuil, aujourd’hui fixé à 45.000 euros, devrait passer à 50.000 euros (avec un plafond de 20% en avantages en nature) et être indexé chaque année.
Il va donc falloir sortir la calculette car augmenter la rémunération d’un dirigeant coûte cher : cotisations sociales de 20,5% et imposition en personne physique au taux de 45%, voire 50%. La condition de rémunération est toutefois identique à celle exigée pour profiter du taux réduit d’impôt des sociétés (20% sur la première tranche de 100.000 euros, au lieu de 25%).

Quel rendement ?
Reste à savoir si les sicav RDT sont réellement intéressantes sur le plan financier. Mieux vaut, après tout, payer des impôts sur un placement performant qu’être exonéré sur un placement médiocre.
Comme le montre le tableau ci-avant, leurs rendements restent souvent inférieurs à ceux d’un simple fonds indiciel – même en y appliquant un impôt des sociétés de 25%. Certaines banques réservent toutefois des parts avec frais réduits à leurs “bons” clients, mais cela ne compense pas l’écart de performance.
Dans ce contexte, adapter la politique de rémunération de votre société uniquement pour accéder au régime RDT ne semble guère pertinent. Un placement classique peut offrir, au final, un meilleur rendement net. À noter que si vous investissez en direct via votre société dans un produit coté (action, ETF, etc.), il vous faudra disposer d’un code LEI (lire l’encadré ci-dessous).
Réserve de liquidation
Les sicav RDT sont fréquemment proposées aux dirigeants d’entreprise en complément d’une réserve de liquidation. Ce mécanisme permet à une petite société de redistribuer ses bénéfices avec un précompte réduit, moyennant un délai d’attente. Ce dernier est actuellement fixé à cinq ans, mais devrait être ramené à trois ans selon l’accord de gouvernement.
Les sicav RDT sont fréquemment proposées aux dirigeants d’entreprise en complément d’une réserve de liquidation.
Sur une période aussi courte, les droits d’entrée d’une sicav RDT peuvent toutefois peser sur le rendement. Et il va sans dire que trois ou cinq ans représentent un horizon trop limité pour un investissement en Bourse, surtout dans le contexte actuel. Utiliser une sicav RDT pour placer temporairement une réserve de liquidation ne se justifie que si vous envisagez ensuite de réinvestir les fonds à titre privé.
Sinon, des solutions d’épargne plus classiques peuvent s’avérer plus adaptées. Un compte à terme peut notamment offrir un rendement attractif à moindre risque pour une durée définie à l’avance.
Qu’est-ce que le code LEI ?
Si vous souhaitez investir en Bourse via votre société, il vous faudra au préalable obtenir un code LEI (Legal Entity Identifier), destiné à identifier les personnes morales. La demande se fait auprès d’un agent d’enregistrement agréé par la GLEIF, l’organisme international chargé de gérer le répertoire mondial (voir www.gleif.org/fr/about-lei/get-an-lei-find-lei-issuing-organizations/, rubrique Belgium). Parmi les acteurs actifs en Belgique, on retrouve GS1 Belgium, Xerius ou encore EQS (LEI Manager).
Le coût varie entre 60 et 90 euros HTVA pour l’attribution du code, et entre 45 et 60 euros HTVA pour son renouvellement annuel. Le code LEI est obligatoire pour toutes les formes de sociétés, qu’elles disposent ou non de la personnalité juridique (SA, SRL, SC, ASBL, mais aussi sociétés simples).