“Les métaux russes ne sont plus tabous”

Du cuivre russe. (Photo by KIRILL KUDRYAVTSEV/AFP via Getty Images) © Getty Images

Après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, de nombreux biens russes sont tombés sous le coup de sanctions. D’autres sous le coup de boycotts “moraux”. Acheter et négocier des métaux russes était alors tabou. Mais le paradigme est en train de changer : certaines entreprises achètent de nouveau des matières premières russes. Quel peut en être le bénéfice ?

Le 24 février 2022, les chars, avions et soldats russes ont traversé la frontière et envahi l’Ukraine voisine. L’Occident a immédiatement dénoncé l’invasion et s’est opposé à la Russie. Des sanctions économiques officielles et des boycotts officieux ont suivi. Notamment concernant les matières premières brutes qui font la richesse de Moscou.

Dans le domaine des métaux par exemple, certains produits ne sont pas sanctionnés en tant que tels. Mais de nombreuses entreprises occidentales ont vite pris la décision de ne plus faire commerce avec la Russie. Or, plus d’un an et demi plus tard, la donne a changé. Pour certains acteurs du marché, les métaux russes ne sont plus tabous, montre une enquête de Bloomberg.

Avantage sur la concurrence

Pourquoi les métaux russes deviennent-ils plus intéressants ? “À l’heure où beaucoup peinent à gagner de l’argent dans le commerce des métaux, les transactions portant sur les approvisionnements russes sont l’un des rares domaines où il est possible de réaliser un solide profit”, explique un responsable d’une société de commerce.

Dans un contexte de ralentissement économique mondial, les métaux voient en effet leur valeur chuter, comme la demande est moins forte. Mais en achetant des métaux russes, vendus moins chers à cause des boycotts, il est donc possible de réaliser une marge, en résumé.

La maison de commerce Trafigura notamment fait ses emplettes en Russie, selon l’enquête, signant de nouveaux contrats. Plus de 100.000 tonnes de cuivre et des quantités “significatives” de nickel chez Norilsk. Tout comme 200.000 tonnes d’aluminium chez Rusal. Pour un autre contrat, le tarder participe aux enchères (tout comme le Suisse Open Mineral) : il s’agit du zinc d’une nouvelle mine gigantesque qui doit commencer ses activités dans les mois qui viennent, en Sibérie. Le but : prendre de l’avance sur son concurrent Glencore. Ce dernier indique de son côté ne pas conclure de nouveau contrats en Russie, mais continuer à honorer ses contrats datant d’avant la guerre.

À côté du milieu du trading de matières premières, le monde financier commence aussi à faire fi des tabous concernant les métaux russes. Citi et Squarepoint Capital ont par exemple acheté de “grands volumes” d’aluminium russes à la Bourse des Métaux de Londres (LME). Ce métal russe serait d’ailleurs prédominant dans les entrepôts de la LME. Jusqu’en août, Citi évitait encore d’y négocier des produits russes.

Un tabou brisé, mais qui n’a pas disparu

Si ces entreprises brisent le tabou d’acheter des métaux russes (mais pas les sanctions portant sur des entreprises russes spécifiques), d’autres font le choix de rester à l’écart de ces affaires. C’est par exemple le cas de Red Metal, une société de trading suisse. Anciennement grand client de cuivre russe, elle a “mis fin à tous les contrats avec les fournisseurs russes et la dernière livraison que nous avons reçue date du 6 septembre 2023”, explique son directeur Milan Popovic. L’entreprise se tourne vers d’autres pays, l’Asie centrale notamment.

Dans le monde financier aussi, malgré les achats de métaux russes à la Bourse des Métaux, les achats directs à des entreprises russes sont très rares. Mais certaines banques évitent même ces achats indirects, comme la Banque de Montréal.

Preuve que dans le monde du trading et de la finance, tout n’est pas tout noir ou tout blanc, et que les différents acteurs ne sont pas régis par les mêmes principes.

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