Les fonds équilibrés se préparent différemment à 2025
La valorisation du marché américain constitue la majeure incertitude avant un exercice 2025 qui s’annonce incertain suite à l’élection de Donald Trump à la présidence américaine.
Le segment des fonds d’allocation équilibrée reprend certains des plus importants fonds mixtes disponibles pour les investisseurs belges. Ces fonds peuvent être exposés sur les marchés boursiers à des niveaux compris entre 35% et 65% de leurs encours. Sur une période de trois ans, les performances ne sont pas spécialement reluisantes, en raison principalement d’un exercice 2022 catastrophique qui avait vu les actions et les obligations chuter lourdement. Depuis deux ans, les performances ont toutefois nettement rebondi, avec des hausses moyennes pour les fonds de notre échantillon de 8,4% en 2023 et de 9,4% en 2024. L’exposition moyenne de ces fonds tourne actuellement autour de 51% sur les marchés boursiers, et de 41% sur les marchés obligataires.
Cet échantillon est toutefois loin d’être homogène, avec une approche beaucoup plus prudente pour un produit comme Carmignac Portfolio Patrimoine qui limite sa poche actions à 50% des encours. D’autres stratégies investissent dans des fonds maison (comme celui de Goldman Sachs Asset Management) ou en architecture ouverte (comme celui de BNP Paribas Asset Management).
L’exposition géographique peut également varier fortement, avec par exemple une approche totalement américaine pour le fonds de Janus Henderson ; avec également une diversification plus ou moins concentrée. En dépit d’une limite similaire sur la détention d’actions dans les portefeuilles, la volatilité peut varier du simple au double selon le produit pris en considération.
Exposé aux corrections
La question principale qui occupe aujourd’hui les gestionnaires est plus liée à la valorisation du marché américain qu’à l’élection de Donald Trump à la présidence américaine. Pour Tilo Wannow, gestionnaire du fonds ODDO BHF Polaris Balanced, “les événements politiques n’ont généralement pas un impact de long terme sur les cours, même si l’élection de Donald Trump devrait profiter à des segments comme l’énergie, la défense ou les services financiers”.
Les événements politiques n’ont généralement pas un impact de long terme sur les cours.
Tilo Wannow
ODDO BHF AM
Les profits des entreprises de l’indice S&P500 devraient rester bien orientés, avec une croissance attendue autour de 15% en 2025 et une rentabilité qui restera nettement plus élevée que sur l’indice STOXX 600. “En tant qu’investisseur focalisé sur les entreprises de qualité, il est difficile d’ignorer le marché américain”, indique Tilo Wannow. Celui-ci souligne toutefois que la valorisation du marché étasunien l’expose à des corrections, “comme nous l’avons vu pendant le mois d’août 2024”.
Cette valorisation élevée s’explique en partie par la croissance plus rapide des bénéfices, qui sera encore accentuée en 2025 par les baisses d’impôts qui pourraient être annoncées au début de l’année prochaine. “La marge de manœuvre pour transférer ces coûts vers les clients semble toutefois se réduire, ce qui pourrait déboucher sur une hausse de la pression sur les marges”, estime encore le gestionnaire d’ODDO BHF Polaris Balanced.
100% américain
Janus Henderson Balanced est exposé à 100% sur le marché américain, et n’a donc pas le loisir de pouvoir se diversifier au niveau global, ce qui explique une volatilité qui est la plus élevée de notre échantillon. L’exposition sectorielle privilégie les grands groupes technologiques, avec notamment Microsoft, Nvidia, Apple, Alphabet, Meta ou Amazon parmi les 10 principales positions du fonds.
“Nous pensons toujours que les fondamentaux positifs devraient continuer à favoriser la progression des actions américaines, indique Jeremiah Buckley, gestionnaire du fonds Janus Henderson Balanced. Le marché du travail reste dans une zone qui permet une croissance saine du salaire horaire moyen, et les bilans restent plutôt sains. Nous n’avons pas encore constaté de signaux d’alarme à ce stade, avec un indice S&P500 qui devrait donc rester bien orienté. Nous sommes d’accord avec la conclusion du marché selon laquelle les résultats de l’élection sont positifs pour les actions américaines au vu de l’attitude pro-business de la nouvelle administration. Je ne m’attends toutefois pas à des changements significatifs dans le portefeuille, car nous restons positionnés sur des sociétés de croissance dont l’activité devrait être peu affectée par le climat politique.”
Nous pensons toujours que les fondamentaux positifs devraient continuer à favoriser la progression des actions américaines.
Jeremiah Buckley
Nouvelle équipe
L’équipe pilotant Carmignac Portfolio Patrimoine a été totalement remodelée durant les 18 derniers mois, après plusieurs années de performances décevantes, et c’est une nouvelle équipe de cinq nouveaux gestionnaires qui officie désormais à la tête du géant de la gestion flexible équilibrée, avec pour mission de lui faire retrouver son lustre d’antan. Jacques Hirsch, arrivé en 2023 en provenance du gestionnaire britannique Ruffer, s’occupe essentiellement de l’allocation macroéconomique entre les différentes classes d’actifs.
“Notre idée centrale est que depuis le covid, nous sommes entrés dans un régime différent, avec une inflation qui va être en moyenne plus élevée que les 2% visés par les banques centrales et plus volatile que par le passé, et ce tant aux États-Unis qu’en Europe. Dans ce contexte, il n’est plus aussi évident que les banques centrales vont être en mesure de baisser les taux lorsque l’économie se dégradera, avec comme en 2022 des épisodes au cours desquels les obligations et les actions baissent de concert.”
Il estime que les échéances doivent être gardées très courtes sur la partie obligataire, avec des positions de long terme sur la hausse de l’inflation pour protéger les portefeuilles.
Or et prudence
Carmignac Portfolio Patrimoine a également une position en or autour de 4,5% des actifs sous gestion. Celle-ci bénéficie des flux d’achats en provenance de Chine, conséquence d’une situation économique et boursière inquiétante qui pousse de nombreux investisseurs à rechercher une protection dans le métal jaune. “Depuis 2022, il y a une forte accélération de la demande en provenance des banques centrales, indique Jacques Hirsch. A titre d’exemple, la banque centrale indienne a acheté plus d’or au premier trimestre 2024 que pendant toute l’année 2023.”
La banque centrale indienne a acheté plus d’or au premier trimestre 2024 que pendant toute l’année 2023.
Jacques Hirsch
La poche action pèse actuellement environ 33% des encours sous gestion, notamment en raison de différentes protections mises en place durant les derniers mois. La principale position est TSMC, “pour viser une exposition sur la thématique de l’intelligence artificielle dans laquelle les investissements restent très élevés”.
“Pour le reste, nous sommes devenus plus défensifs durant les derniers mois, en prenant nos bénéfices sur des positions qui avaient bien marché (notamment Novo Nordisk) pour les redéployer sur des secteurs valorisés de manière plus attractive comme les assurances médicales aux Etats-Unis”, indique encore le gestionnaire.
Le marché américain est aujourd’hui valorisé sur des niveaux rarement observés d’un point de vue historique, ce qui justifie une certaine dose de prudence. “Sans se débarrasser complètement des valeurs technologiques, il est aujourd’hui préférable de diversifier davantage”, estime Jacques Hirsch.
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