Les fabricants de câbles, grands gagnants en Bourse de la relance européenne ?


Après un réveil brutal, l’Europe, Allemagne en tête, se montre désormais toute prête à investir, notamment dans les infrastructures. En ajustant le frein automatique à l’endettement et en créant un fonds de 500 milliards d’euros chargé d’investir dans les infrastructures allemandes, la zone entre dans une nouvelle phase de sa croissance.
On ignore à ce stade où exactement iront ces investissements, mais une chose est sûre : si l’on veut accélérer et pérenniser la croissance économique et aider au développement de l’intelligence artificielle et des centres de données sur lesquels elle s’appuie, le réseau électrique doit être étoffé.
Dans ce secteur, les flux d’investissement sont davantage connus. TenneT, le gestionnaire du réseau à haute tension aux Pays-Bas et dans une partie de l’Allemagne, compte débourser 200 milliards d’euros ces 10 prochaines années. En février, l’opérateur de réseau français RTE a annoncé son intention d’investir 100 milliards entre 2025 et 2040 ; la somme servira à moderniser 40% du réseau de transport existant, entre autres. Le britannique National Grid avait, il y a un certain temps déjà, fait état de 60 milliards de livres d’investissements sur les exercices 2025-2029.
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Trois grands câbliers européens
Les câbliers sont un maillon indispensable du développement du réseau. L’Europe recense trois producteurs de câbles à haute, moyenne et basse tension : Nexans, NKT et Prysmian. L’italienne Prysmian est, de loin, la plus importante de ces entreprises en termes de chiffre d’affaires (CA), de bénéfices et de valorisation boursière ; c’est elle aussi dont la gamme de câbles est la plus variée. Quatorze pour cent de son CA (de 17 milliards d’euros) et 19% de son cash-flow d’exploitation (Ebitda ; montant : 1,9 milliard) proviennent des câbles destinés aux réseaux de transport d’électricité.
Prysmian et Nexans sont très bien implantées sur le marché des câbles électriques sous-marins, un segment que caractérisent des marges et des barrières à l’entrée particulièrement élevées – les navires coûtent cher, la réputation auprès des gestionnaires de réseaux se doit d’être irréprochable, et l’assise nécessaire pour financer les projets complexes et assurer la sécurité de l’approvisionnement des clients est colossale.
Recentrage européen de Prysmian
Fin décembre, Prysmian a abandonné ses projets d’extension aux États-Unis au profit de l’Europe, où la demande est la plus forte, constate-t-elle. RTE l’a chargée à la mi-décembre de connecter deux parcs éoliens offshore au réseau de transmission français ; la commande vaut 700 millions d’euros. Mi-mars, National Grid a confié à six opérateurs, dont Prysmian et NKT, la mission d’étendre et d’améliorer le réseau britannique (21,6 milliards de livres).
Le carnet de commandes du pôle câbles haute tension de Prysmian est si rempli que l’entreprise sera pleinement occupée jusqu’en 2028 au moins. Les réseaux de distribution représentent 21% de son CA et 25% de son Ebitda. La principale division du groupe est spécialisée dans les câbles électriques utilisés dans les bâtiments d’exploitation et les logements, les industries automobile et aéronautique, les ascenseurs et les escaliers mécaniques et les centres de données (57% du CA et 48% de l’Ebitda totaux). Le reste est à mettre au crédit des câbles destinés au secteur des communications.
Des trois firmes examinées ici, Prysmian est celle qui réalise le pourcentage le plus élevé de son CA (36% environ) aux États-Unis. Elle table pour 2025 sur une hausse de 19% au moins de son Ebitda (2,3 milliards d’euros), et sur un flux de trésorerie disponible à peu près inchangé (1 milliard). Après un excellent exercice 2024, durant lequel le bénéfice par action a bondi de 37%, à 2,52 euros, le dividende a été augmenté de plus de 14%, à 0,80 euro par titre.
NKT et l’Allemagne
Le groupe danois NKT affiche un CA et une valorisation boursière bien inférieurs à ceux de Prysmian. Beaucoup plus spécialisé qu’elle, il doit 63% de son CA (de 3,25 milliards d’euros) et 74% de son Ebitda (de 344 millions d’euros) aux câbles haute tension destinés aux réseaux de transmission terrestres et sous-marins ; 27% environ de son CA et 19% de son Ebitda proviennent de la vente de câbles utilisés dans les réseaux de distribution, les bâtiments d’exploitation et les habitations. Sa division Services assure 10% du CA et 7% de l’Ebitda.
NKT est principalement active en Allemagne et aux États-Unis. C’est donc son titre qui a réagi le plus vigoureusement à la récente annonce relative aux investissements au profit des infrastructures allemandes. NKT a décroché en décembre un contrat d’un milliard d’euros pour l’extension du réseau onshore et offshore de la branche allemande de TenneT.
Son carnet de commandes de 10,6 milliards d’euros rend l’évolution de ses bénéfices jusqu’à la fin de la décennie parfaitement prévisible. L’entreprise mise pour l’année qui vient sur un CA quasi inchangé de 2,37 à 2,52 milliards et un Ebitda de 330 à 380 millions d’euros. Malgré sa trésorerie nette (1,28 milliard d’euros) et malgré un bénéfice par action multiplié par deux l’an dernier (4,20 euros), elle ne verse pas de dividende. Il faut dire qu’elle investira, entre 2025 et 2028, 2 milliards d’euros au profit d’une nouvelle usine de production de câbles haute tension à Karlskrona (Suède) et d’un nouveau navire câblier. Son Ebitda pourrait dépasser les 700 millions d’euros en 2028.
Nexans, surtout tournée vers les fonds marins
Sur les plans de son CA et de ses activités, la française Nexans se situe entre Prysmian et NKT. Les deux tiers approximativement de son CA (de 8,6 milliards d’euros) et 74% de son Ebitda (de 804 millions d’euros) sont à mettre au crédit de l’”électrification’’, nom collectif sous lequel le groupe désigne la vente des câbles destinés aux réseaux de transmission et de distribution et de ceux équipant les bâtiments d’exploitation et résidentiels.
Le groupe est spécialisé dans les câbles de transmission sous-marins et les câbles utilisés pour relier les parcs éoliens offshore au réseau électrique. La branche allemande de TenneT lui a donné cette année mission, pour un montant d’un milliard d’euros, de connecter certains parcs éoliens offshore au réseau de tranmission allemand. Compte tenu des 7,4 milliards d’euros de commandes enregistrées dans les réseaux de tranmission, 90% du CA des exercices 2024-2028 sont d’ores et déjà assurés. Nexans doit par ailleurs 25% de son CA à des câbles destinés à des applications industrielles, une activité toutefois en cours d’extinction. Le reste du CA (vente d’autres câbles en cuivre, principalement) génère un Ebitda insignifiant.
L’Europe (47% du CA) et l’Amérique du Nord (19%) sont les principaux marchés de débouchés de Nexans. Le bénéfice de 6,20 euros par action (+26%) atteint en 2024 a permis au groupe de distribuer un dividende de 2,60 euros par titre (+ 13%). Corrigé des cessions et acquisitions, l’Ebitda, de 770 millions d’euros l’an passé, devrait s’établir à 770-850 millions cette fois. La direction évoque pour 2028 un Ebitda de 1,15 milliard et un dividende équivalent à 30% des bénéfices au moins.
Deux câbliers dignes d’intérêt
L’Ebitda de Nexans et de Prysmian devrait progresser au cours des deux à trois ans qui viennent. NKT va devoir investir proportionnellement beaucoup plus que ses concurrentes dans l’extension de ses capacités de production ces prochaines années, au détriment de la croissance de ses bénéfices. D’après UBS, Nexans va pouvoir profiter de l’arrivée à expiration de maints contrats peu rentables, auxquels s’en substitueront d’autres, plus rémunérateurs. Nexans et Prysmian sont en outre davantage exposées aux câbles moyenne tension, dont les marges sont plus élevées. C’est pourquoi nous émettons une recommandation d’achat pour ces deux groupes, et nous contentons de conseiller de conserver NKT.
Pas de transition énergétique sans câbles
Trois types de câbles composent le réseau électrique. Les câbles haute tension acheminent l’électricité vers le réseau à haute tension. Ils servent également à la transporter entre pays et régions, par voie terrestre ou sous-marine. Leurs acquéreurs sont les opérateurs de réseaux de transmission et les constructeurs de parcs éoliens.
Les câbles moyenne tension transportent l’électricité du réseau haute tension vers le réseau de distribution. Ils se vendent à des opérateurs de réseau. Enfin, les câbles basse tension sont employés dans les foyers et les entreprises. Plus simples et donc, moins chers, ils sont destinés à une clientèle d’installateurs et de distributeurs.
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